jeudi 11 août 2011

Madame Grès bissée.








































































































(Voir, sur le même sujet, le message précédent).Je sais, ces photographies manquent de piqué, elles sont mal éclairées, et bien d'autres défauts encore. Rendez-vous sur le site du musée Bourdelle, on y voit des photographies prises par les plus grands.

Une japonaise passe près de la tête d'Adam Mickiewicz. Elle lui accordera un long regard. Les japonais se sentent bien en France, nous les accueillons pourtant, comme nombre d'étrangers, fort mal.

Adam Mickiewicz, par Bourdelle, 1910.

La robe et le Christ.




Photographies PM

Madame Grès































































Cristobal Balenciaga, Coco Chanel, Christian Dior, Madeleine Vionnet, Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli, Lucien Lelong, Yves Saint-Laurent, Maggy Rouff, Hubert de Givenchy, Philippe Venet, Jacques Fath… Tous ces noms, augmentés de quelques autres, figurent dans mon panthéon. Je sais bien que tout cela, après tout, n'est que du chiffon, mais du chiffon « émerveillé », du chiffon animé du principe d'élégance et du souci de perfection. « Vêtir ceux qui sont nus. » dit Matthieu, dans son évangile (25,35-45). Certes, ces grandes griffes n'appliquaient pas précisément cette recommandation, mais ils ont largement contribué à enchanter le monde. Un autre jour, je vous parlerai de mode, ce soir, je n'ai guère le temps, je m'éloigne, je gagne des contrées lointaines. Je pars donc avec l'illusion bienfaisante que je vous manquerai.
J'ai rendu visite à Madame Grès, dont le musée Bourdelle expose d'admirables modèles. J'invite celles et ceux qui se trouvent actuellement à Paris à se rendre à cette exposition, ils seront éblouis. En outre, les robes étant exposés parmi les sculptures de Bourdelle, ils auront un plaisir redoublé. Le temps de la haute couture est passé. Madame Grès est morte oubliée. Son retour à Bourdelle nous est une grâce (jusqu'au 28 août).

Modèles ci-dessus :
Natté de soie noire (avec Christ en croix), 1976.

Le triangle inversé est une invention de Madame Grès. Cela vous fait des épaules !

Automne-hiver 1958-1959, robe de cocktail en faille de soie noire.

Grande robe buste, 1976.

Photographies PM

Métro-pompes








Il en va des souliers comme du reste, quand ils présentent bien, qu'ils sont soignés, ils ont du succès. Deux chaussures de bonne apparence ne demeurent jamais longtemps seules.
La preuve, en deux stations de métro.

samedi 6 août 2011

On enterre Charles





Paris, église de la Madeleine, le 23 février 2001, messe des funérailles de Charles Trenet : Jean-Michel di Falco-Leandri, alors évêque auxiliaire de Paris, plus spécialement chargé des relations avec les artistes, prononce l'homélie.



« La mort d'un homme est toujours un événement. Qu'il soit célèbre ou inconnu, l'Église le confie à la miséricorde de Dieu, car chacun se présente devant lui avec ce qui fut beau et grand dans sa vie mais aussi ce qu'il y eut de pauvre et de misérable. Chacun a besoin que ses frères, qui sont encore sur la terre, s'écrient dans la ferveur de leur espérance : "Seigneur, prends pitié ! ". Cet appel est le nôtre ce soir. Croyants, nous prions pour Charles Trenet. Ceux qui ne partagent pas notre foi se recueillent. C'est l'amitié pour Charles qui nous rassemble en une seule famille.

« La parabole du fils prodigue, que nous venons d'entendre se suffit à elle-même. La commenter risquerait d'en édulcorer la force. La pointe du récit n'est pas de montrer du doigt le fils qui a mené une vie dissolue. C'est de donner la mesure de l'amour et du pardon du père, c'est à dire de Dieu, lorsqu'on se tourne vers lui.
Ces paroles de miséricorde et d'espérance sont d'un grand réconfort pour les chrétiens, au moment où ils entourent un être aimé, pour un dernier adieu.

« Dans la nuit de dimanche à lundi Charles Trenet s'est placé sous le regard de Dieu, dans la vérité de ce qu'il a été. Sans masque ! Ces masques dont nous savons habilement nous parer pour donner l'apparence de la joie, là où se trouvent la détresse, le doute, l'angoisse et le désarroi. N'est-ce pas ainsi, dans chacune de nos vies, pétries dans les larmes de la douleur et dans celles de nos éclats de rire ?

« L'annonce de la mort de Charles Trenet a déclenché un déferlement d'éloges. Unanimement on a reconnu le talent exceptionnel de l'artiste qu'il a été et qu'il restera. Il a su toucher les cœurs en répandant l'optimisme, la joie de vivre et en redonnant l'espoir.

« Dieu se réjouit lorsque nous mettons à la disposition des autres les dons que nous avons reçus. Charles Trenet l'a fait largement. Notre assemblée et la foule rassemblée à l'extérieur en témoignent. En revanche la notoriété, les décorations et les titres ne pèsent pas lourd dans la balance divine. Pour Dieu il n'y pas d'espace VIP où seuls quelques privilégiés auraient le droit de pénétrer. Si cet espace VIP (les personnes vraiment importantes selon les critères humains) existe, tout le monde y a sa place, car, aux yeux de Dieu, tout être humain a la même poids : le poids de l'amour. Ne nous trompons pas, il ne s'agit pas de n'importe quel amour. Le Christ le décrit ainsi : " Il n'y a pas de plus grandes preuves d'amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime. "

« Charles Trenet, comme tout être humain, a rêvé d'aimer et d'être aimé. Sa passion pour la vie s'exprimait comme une soif d'infini, un désir absolu. Ne pourrait-on y voir un avant-goût de la vie en Dieu ? Dieu seul peut donner cette plénitude, pour apaiser nos passions, non en les niant, mais en leur donnant tout leur éclat, tout leur sens. Seule la vie en Dieu, que la mort inaugure, abolit les limites de la sensibilité, du temps et de l'espace.

« Pas plus que chacun d'entre-nous Charles Trenet n'a été un saint ! On pourrait débattre pour savoir s'il avait une foi pleine d'assurance, mais nous ne sommes pas ici pour justifier un homme. Les funérailles religieuses ne sont pas une canonisation, une consécration, une récompense pour chrétiens exemplaires. Tout baptisé, quelle que fut l'histoire de sa vie, a toujours sa place dans l'Église, parce qu'il a une place dans le cœur de Dieu. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, elle n'est pas sélective. Personne n'est définitivement enfermé dans son passé. Seuls sont prisonniers de leur destin ceux qui ont perdu l'espoir.

« Je garde en mémoire ce que me disait un jour un artiste : " Je n'attends pas que l'Église me dise que mes actes sont bons alors que je sais qu'ils sont mauvais. Mais j'attends qu'elle m'aime et qu'elle me dise que Dieu m'aime malgré mes péchés. ". C'est pourquoi j'affirme au nom de l'Église : " Charles, Dieu vous aime ! " N'oublions pas cette phrase de la Bible : " Si ton cœur te condamne, Dieu est plus grand que ton cœur. "

« Oui le Christ nous assure qu'au-delà de la mort quelqu'un nous attend. Quelle qu'ait pu être notre vie, nous sommes aimés. Dieu n'humilie pas, car son jugement est toujours pardon et accueil. Seuls les hommes humilient durement, car ils sont capables de jugements impitoyables.
Personne ne peut prouver que nous avons raison ou tort de croire à la vie après la mort. Aujourd'hui, devant le mystère de la mort, quelqu'un nous demande un acte de foi. Quelqu'un dont l'image est clouée sur ce cercueil : Jésus-Christ. Quelqu'un qui ne s'est pas contenté de parler, mais qui a vécu ce qu'il disait, qui a signé son évangile de son sang, qui a mis toute sa vie dans ses paroles.

« La mort engloutit avec elle ce qui n'a pas de valeur réelle, tant de choses auxquelles nous donnons par erreur de l'importance et qui nous font passer à côté de celles qui comptent vraiment. La mort ne peut rien contre l'amour. L'amour ne peut mourir ! Pour les chrétiens, la mort n'est pas le dernier mot de notre existence. C'est l'amour qui est le dernier mot.

" Au revoir, mes amis ", ces lignes que Charles Trenet écrivait en 1952, il nous les adresse aujourd'hui :

"Au revoir, mes amis
Au revoir, à bientôt, j'espère.
Au revoir, bonne nuit,
Que vos rêves soient choses légères.
Et demain, chantez-les, mes chansons.
Qu'elles gardent à foison
La joie dans votre maison.
A présent, c'est fini,
Au revoir, à bientôt mes amis
! " ».



Les relations entre Charles et l'église de France n'ont pas toujours été aimables. Il se trouve que, dans les années soixante me semble t-il, les autorités religieuses avaient refusé qu'il donnât un récital à Notre-Dame, parrainé par le Rotary (je ne suis pas très assuré des détails, je n'ai que le souvenir de l'« incident »). Ce refus catégorique se fondait, plus ou moins officieusement, sur les préférences sexuelles du chanteur.
En souvenir de cet épisode déplaisant, Charles Trenet écrira une chanson, qui donne le titre de l'album posthume, paru en 2006 : Je n'irai pas à Notre-Dame.