lundi 15 juillet 2013

Professeur de mélancolie



Elle a tout dit de ce qu'elle voulut qu'on retînt d'elle. Elle l'a dit dans ses chansons et dans ses « mémoires », Il était un piano noir. J'ai grandi avec elle, de l'adolescence à l'âge de déraison, je l'ai applaudie sur de nombreuses scènes, à Paris. Je rentrai dans la nuit, souvent en longeant la Seine, la tête pleine de ses amours mortes. Elle fut, avec quelques autres, mon professeur de mélancolie.

Note : on entendra avec plaisir la belle adaptation radiophonique que France culture a fait du livre Il était un piano noir. L'affaire, qui a commencé la semaine dernière, se poursuit jusqu'à vendredi. On peut évidemment écouter, voir podecaster, les émissions passées, en se rendant sur le site de la station.

samedi 6 juillet 2013

Arthur R., clandestin sur la terre


LEO FERRE - On n'est pas sérieux quand on a 17... par l0ve_0n_the_beat

Dix-sept ans ! Un garçon, un rustre, brutal, grossier, avec des diamants dans la bouche, un voyou, un hirsute des barrières, un piéton cérébral qui ne cessa pas de marcher… Un récalcitrant fuyant son ombre, sans passé, un marchand, un trafiquant, furieux d'avoir été roulé, réclamant son dû, âpre au gain, les reins brisés par une ceinture pleine d'or, qu'il ne quittait jamais. Un géographe silencieux, prompt à la colère, méfiant, un cavalier au corps sec et noueux, lancé sur les pistes de cailloux et de sable. À la fin, rongé par une tumeur osseuse qui lui dévorait la jambe, traversant le désert sur une litière, à dos d'homme, souffrant le martyr pendant la traversée jusqu'à Marseille. La lente agonie, les chairs torturées, des rêves de ciel de plomb et de pistes brûlées par le soleil, les dernières paroles de Rimbaud l'Abyssin pour organiser la caravane, et les ordres d'embarquement.
Il n'y eut pas deux Rimbaud, mais un seul, de son pays de pluie jusqu'aux dunes mouvantes, un seul Arthur R., passager clandestin sur la terre.

Sur Arthur, on lira  caravanier