samedi 28 décembre 2019

Faire écran


Il sera pour toujours un bloc d'ombre parmi les vivants.
Qu'est-ce qui fonde son énigme ? Sa mélancolie, qui semble contenue par sa lèvre inférieure comme gonflée sous l'effet d'une blessure ancienne jamais guérie complètement, sa mélancolie, dont on voit bien qu'elle peut le saisir à tout moment et le soustraire au rythme des humains ? Sa solitude essentielle, qui le constitue et le métamorphose ? Ce refus entêté de nous appartenir alors qu'il paraît s'offrir ? Un vertige sombre…



Qu'est-ce-que le cinéma ? Qu'est-ce-qui agit sur nous, immédiatement, pour que nous éprouvions la certitude absolue que ce qui « se produit » sous nos yeux, ce qui « fait écran », tout cela appartient exclusivement au cinéma ?
Je l'ignore. Mais je sais, de façon certaine, que la séquence d'ouverture ci-dessous relève uniquement de l'art cinématographique :




Encore ceci : notre société se désagrège, elle paraît vouloir abolir les objets du luxe, sanctionner le désir, abolir la sensualité. Voudrait-elle sentir la main de fer de M. Mélenchon sur son échine, et se distraire du navrant spectacle que lui offrirait quotidiennement le couple Garrido-Corbière ?
J'ai connu quelques personnes totalement démunies, qui considéraient la beauté des choses, des objets et des êtres avec admiration, sans envie jalouse. Dans le film, comme dans la nouvelle de Truman Capote, Holly Colightly, la jeune femme qui descend du taxi et vient, pendant quelques instants, retrouver le luxe de Tiffany's, porte en elle le lourd bagage de son enfance.
C'est ainsi que nous allons, accablés parfois, hantés par les souvenirs, rongés par le chagrin. Et nous consentons à nous laisser distraire par les rares formes de la beauté, que nous avons élues.

Alain, sors de ce corps    

Nico, une allemande dans la Factory

Le décor d'une vie -3-

Le désir fait écran

Les désirables


Delon, sans retouche

jeudi 28 novembre 2019

Fatiha ou le bonheur d'être français !

Le monsieur un peu épais qui paraît dans la vidéo ci-dessous se nomme Romain Goupil. Il est cinéaste. Il a rempli les salles avec un documentaire consacré à Mai 68, Mourir à vingt ans, d'ailleurs réussi et par certains aspects émouvant. On le dit plus complexe qu'il n'en donne l'impression, avec un côté sale gosse qui sonne aux portes et part en courant ; c'est possible, mais, moi-même appartenant à cette dernière catégorie de gavroches vieillissants, je ne me sens aucune affinité avec ce personnage considérable de la macronie (il aurait, et Cohn-Bendit aussi, l'oreille du président). S'il a rempli les salles avec ce film, il les a vidées avec tous les autres. Je ne les ai pas vus, je n'en avais pas envie.

Au début très sûr de lui et dominateur, et encore méprisant, puis, peu à peu, décontenancé, toujours méprisant mais par vaine parade de vaincu, accusateur outré, manière de Vychinski néo-libéral à ralliements successifs et à complainte rebattue, il est ici opposé à une jeune femme remarquable en tous points. Jolie, posée, superbement armée pour le débat contradictoire, royale dans le combat des idées, maîtresse de son langage comme d'elle même, Fatiha Boudjahlat estourbit proprement le libéral-libertaire auto-proclamé, dont le dernier amour politicien se nomme Macron. Elle le fait d'abord sur le mode feutré puis, l'autre se révélant, comme à son habitude, odieux, embrouillé, éructant, postillonnant du vide empoisonné, elle l'abandonne sur un dernier upercut, qui le laisse pantelant, à peine capable d'éructer encore un peu de bile.
Fatiha Boudjahlat est de ces femmes « issues de la diversité » qui doivent à la république leur bien le plus précieux, qui se perd aujourd'hui chez nombre de nos compatriotes : l'apprentissage puis le maniement subtile de la pensée critique, y compris contre soi-même ou contre son groupe social, ethnique et autre enfermement assimilé.
Un bien fou, une douche lente d'un liquide tiède et doux qui ruissèle sur l'esprit : Fatiha ou le bonheur d'être français !



En prime, et pour le plaisir de voir l'imprécateur balourd se faire traiter d'imbécile par un autre brillant interlocuteur, ceci :



En France, il y a une génération spontanée de Fouquier-Tinville, qui se satisfait momentanément de la guillotine médiatique : jusqu'à quand ? C'est une coalition de bonnes femmes énervées, de dénonciateurs bien-pensants, de procureurs à gilet jauni, et de politiciens en perte de vitesse et en en quête d'électeurs. Ces dangereux individus, qui traînent après eux tous les cœurs meurtris de cette époque, tous les esprits perdus de ces temps de disette culturelle, ces cafardeuses et ces calomniateurs fondent un système neuf de justice immédiate : ils accusent dans le même temps qu'ils jugent, et ils jugent moins rapidement encore qu'ils ne condamnent.
Songez que des étudiants ont interdit, (au nom de quelle épouvantable domination ?) à Sylviane Agacinski de tenir une conférence, que les mêmes (ou leurs semblables, leurs frères et sœurs d'un même lit de déplaisir) ont censuré l'ineffable François Hollande ? Jusqu'où n'atteindront-ils pas ? Leur terreur numérique, leurs aigreurs et leurs renvois gastriques encombrent désormais tout le débat public.
Quelque chose se met en place.

Pour finir, un grand artiste clairvoyant :

dimanche 20 octobre 2019

Le pays bas



À la vérité, je m'étonne sincèrement des visites encore nombreuses que reçoit ce modeste et très imparfait blogue. Si j'en crois les statistiques, la majorité des visiteurs vient des Pays-Bas. Je les en remercie vivement, et, ironiquement, je m'efforce de croire que le nom « Pays-Bas » désigne une autre nation que la France…
Mon ami Roland Jaccard m'a fait part d'un grave événement survenu récemment au Quartier latin, à Paris, très révélateur du climat d'affreuse soumission intellectuelle et de dictature moralisatrice dans lequel nous baignons désormais. Ils ont gagné, c'est entendu. Je ne reconnais plus ce pays.
Si Roland me donne son accord, je donnerai ici le texte de son article.
En attendant la fin du monde, et pour masquer un peu la parade navrante des comédiens secondaires et des actrices à cheveux gras qui peuplent le cinéma français, obèse, incapable de produire une œuvre digne de ce nom, malgré le (ou à cause du) système de généreuses subventions qui autorise toujours les mêmes à reproduire du semblable, en attendant la fin, donc, je vous laisse avec Jean-Luc Godard et France Gall. Ce n'est rien, en apparence, mais c'est tout le cinéma ! Il faut deux minutes à Godard pour produire des images dont l'invention et la grâce sont inaccessibles à la majorité des metteurs en scène français.
Où êtes-vous, Leos Carax, à qui l'on doit le bouleversant Holy Motors, le personnage d'Oscar et les figures qui le hantent comme elles nous hanteront jusqu'à la fin ?


Pour Leos carx et Holy Motors : Le cours d'une rivière

lundi 12 août 2019

La Nuit 9 : un écran nommé désir

Cela finira bientôt. Le souffle me manque. Et puis, je ne peux plus marcher ; je ne me déplace qu'en chaise roulante, poussée par ma dernière compagne, ma femme de ménage. Je suis devenu énorme. Quand je ris, quand je fais un geste brusque, mon corps est animé par une onde d'obésité : on la voit se diffuser sous le ventre, glisser jusqu'aux cuisses. Ce calvaire durable cessera quelque jour prochain. Après, je perdrai du poids : toute l'eau retenue par mes tissus disparaîtra, ma graisse aussi, la pullulation des triglycérides dans mes cellules également, et encore le cercle adipeux de mes hanches, et l'avalanche de peau qui entraîne les traits de mon visage et mon cou vers le bas. Cela finira bientôt. 

De quoi vais-je me souvenir avant le grand fracas ? Je voudrais que ce fût du visage de ma mère, de son regard d'égarée tendre, du refrain modeste et un peu mécanique de la chanson qu'elle fredonnait le soir, pour moi seul, ou de l'espèce de vertige qui me prenait lorsque je la voyais vaciller sous l'effet de l'alcool quand elle revenait de ses fugues, de ses propos obscènes à l'adresse des types hilares qui la raccompagnaient ; de la dernière fois où je pourrais jurer sur la bible que je l'ai trouvée indiscutablement belle et désirable ; de son haleine mentholée, qu'elle obtenait par mastication frénétique de barres de chewing-gum, afin de masquer l'odeur de ses nuits déraisonnables. Je voudrais qu'elle m'apparût penchée sur moi, m'enveloppant de son bras, caressant ma joue.
Je ne veux voir que ce visage féminin.
J'ai troublé tellement de femmes… Que sont-elles devenues. Je fus avec elles comme un pillard, comme un ogre amusé de l'appétit qu'il déclenche chez la proie qu'il convoite. Il me suffisait de paraître. Je semais le désir. Je fus un voyou nommé désir…

Avec cela, qui ai-je aimé ?
J'ai fui. J'ai toujours fui. Je n'allais pas plus loin que l'envie que je suscitais. Se trouvera-t-il seulement quelqu'un pour m'accorder un souvenir charmant ?
Je ne suis pas innocent, je ne fus pas coupable. 


Je considère sans plaisir le paysage dévasté que j'abandonne derrière moi. La caméra, l'écran et eux-seul ont justifié mon passage ici-bas : j'ai méprisé mon métier, ceux qui le pratiquaient, qui le rendaient possible, pourtant, c'est par eux que j'ai triomphé, momentanément, de mes démons. Ou plutôt, c'est par eux que je les ai fait servir un autre objet que celui de me détruire. L'écran ne veut que du désir, et tout ce qui n'en produit pas n'y a pas sa place.

Il me semble qu'un visage se dessine dans ma mémoire effarée ; ses traits se précisent, voilà qu'apparaît ma mère. Le moment est venu de prendre congé.


Sur Brando :

Retour sur le pont, Le fantôme du métro aérien 1 , Le fantôme du métro aérien 2, Le fantôme du métro aérien 3, L'enfance, notre passager clandestin, Le principe de fascination,  L'indésirable 2, Brandobsession (Brando's session), Marlon B, for Lady Tanya, and for all Tous les garçons' ladies





vendredi 2 août 2019

Petit conte d'été

- Je te croyais parti à jamais.
- Je suis revenu pour toujours.
- Toujours, cela dure longtemps ?
- Un peu moins que l'éternité.
- L'éternité, c'est jusqu'à quand ?
- Entre maintenant et tout à l'heure.
- Ce n'est qu'un mauvais moment à passer.
- Raison de plus pour le passer ensemble.





mardi 16 avril 2019

Le drame de Paris 6


Le drame de Paris 5


Le 17 mars 2019 - il y a donc 1 mois -, un incendie s'est déclaré dans l'église Saint-Sulpice, à Paris. L'enquête a démontré qu'il avait été provoqué. La discrétion des autorités politiques et religieuses fut exemplaire. Tous ces personnages considérables appliquent consciencieusement la règle du « Pas de vague ! ».
Les actes criminels contre les églises, les lieux de culte et contre les chrétiens, ici et dans le reste du monde, sont devenus la règle. La France est particulièrement visée.

Le Drame de Paris 4


Le Drame de Paris 3


Le Drame de Paris 2


dimanche 14 avril 2019

Dis, quand reviendras-tu ?

- Reviendras-tu quelque jour ?
- Depuis que je suis absent, t'ai-je manqué ?
- Non, cependant ta place n'est pas encore prise.
- Veux-tu dire que nul ne m'a remplacé ?
- C'est cela.
- Serais-je irremplaçable ?
- Disons que tu prends de la place.
- Serais-je déplacé ?
- Ou nulle part à ta place.
- M'avais-tu joué gagnant ?
- Je t'avais joué placé.

- Quoi qu'il en soit, ne tarde pas trop.
- Mais pourquoi me hâter ?
- L'amour, comme la nature, a horreur du vide.

- Veux-tu danser ?
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un tango.
- Enlace-moi !
- Le tango, c'est du désir qui se danse.
- Et qui se déplace.
- Alors, en place !
 

mardi 5 mars 2019

L'après-midi d'un faune…

Le 1er mars, à l'hôtel Drouot, salle 2, eut lieu une vente aux enchères dans un genre coquin et intéressant, qu'on appelle communément Curiosa, Erotica.
J'extrais du catalogue cette scène sylvestre, où l'on voit une jeune femme joliment fessue accorder une faveur à un faune.
On remarquera le jeune faune dissimulé derrière l'arbre, spectateur attentif et voyeur de ce tableau vivant, et les deux lièvres : l'un est au spectacle, l'autre feint l'indifférence.
Le dessin est du très talentueux Maurice de Becque (1878-1928) ; il illustre l'ouvrage de François Béroalde de Verville (1556-1626), Le Moyen de parvenir, dont je vous recommande la lecture à 4 mains, ou d'une seule main…
  


Bref, fréquentez les forêts, on y fait parfois d'émouvantes rencontres…

Dans cette même vente, on aura pu acquérir bien d'autres produits de l'imagination amoureuse, de cette  « géométrie dans les spasmes » qui inspirent aux amants des figures adorablement obscènes dans l'espace d'une chambre ou d'une porte cochère, défiant les lois de l'équilibre banal.
Par exemple, une belle édition à tirage limité de l'ouvrage de L'Arétin,  (Pietro Aretino 1492-1556), Les Sonnets luxurieux

Voilà ! Et pour terminer, cette chanson qu'interprétait à la perfection la grande Colette Renard, que j'ai eu la chance d'entendre dans son ultime récital.



mercredi 20 février 2019

L'odeur des rues 2



Karl Lagerfeld (1930, 1931, 1932, 1933, 1934, 1935, 1936-2019) : immense personnage !

(Note : les photographies des manifestants sont des captures d'écran. Deux d'entre elles ont été modifiées par mes soins : ajout de deux bulles de texte et rayure d'un mot.)

Sur Kaiser Karl :  Le tremblant des vitrines

dimanche 17 février 2019

L'odeur des rues

À propos d'un philosophe, l'un des plus ardents défenseurs de la culture française, commentateur inspiré de Charles Péguy, conspué hier par des éléments de la populace hargneuse et définitivement dangereuse, ceci :



Apparaissent, parmi d'autres, dans l'extrait ci-dessus d'un film, remarquable, de Daniel Costelle et Isabelle Clarke, deux hommes, Romain Gary et Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Ils ont couru tous les risques pour sauver le France entre 1940 et 1945. Ils étaient juifs.

Et encore cette réponse, inspirée, d'un humoriste irrésistible, et, ici, dramatiquement cinglant :



Conclusion : Ingrid Caven, Die Srassen stinken (Les Rues puent)




Note : Je ne crois pas que Finkielkraut portera plainte : il tient compte de la situation paradoxale dans laquelle il s'est trouvé, hier : il a plutôt soutenu le mouvement de protestation des gilets jaunes, or il fut injurié par quelques-uns issus de ce même mouvement. Je pense que sa seule idée consistera à identifier l'origine politique de ces voyous.
 L'autre paradoxe réside dans ce fait : il n'est nullement un soutien inconditionnel de la politique israélienne.
Qui sont ses insulteurs ?

Sur Ingrid Caven, voyez La femme du Pigall"s     Le goût de la rengaine et des cabarets     C'était hier…

samedi 2 février 2019

La mécanique des fluides

 


J'éprouve ton émoi, il me laisse pantois,
Et tout ce qui ondoie sous mes doigts est à toi,

Ma mécanique sonde ton ventre excentrique,
Dont j'affronte la houle et le feu tellurique

J'y habite un moment, je suis son locataire,
Creusant ma galerie de lombric adultère

Si je ferme les yeux, tes soupirs sont mon guide,
Et je paie mon loyer uniquement en fluide.


mardi 1 janvier 2019

Avec la langue ! (Mes vœux)

Ici commencent mes vœux…






































 Cette langue, ces deux lèvres et une partie de ces dents d'une mâchoire supérieure ont été dessinées par John Pasche, légèrement modifiées par Graig Brown, avant de devenir le logo, l'étendard des Rolling Stones à partir de 1971.
Ce dessin figure parfaitement la sensualité agressive, débordante, que démontrèrent les Stones dès qu'ils se firent connaître. Ce jaillissement de muqueuses, ce surgissement hypervascularisé, charnu à l'excès, abondant, rubicond, offert, imposé comme un dard avide, c'est toute l'insolence, la hâte de plaisir, l'arrogante offrande d'organes qui, d'ordinaire, ne se manifestent aussi brutalement, aussi joyeusement que dans l'intimité….
Toute la personne de Mike Jagger, tout son dandysme moderne, encanaillé, piqué même d'une pointe d'obscénité, tout cela est comme figé remarquablement. Et tout cela forme le miroir des Stones, et celui de l'Angleterre rénovée.
En ce temps-là, le monde était dans son adolescence…

Alors, voici le premier de leur souhait, tel qu'ils le chantaient, le proclamaient en 1967.
Quant à nous, à  défaut de passer la nuit ensemble, si nous passions l'année ensemble ?