mercredi 27 juillet 2011

D'elles à lui, lady Dali et l'Hardy
























http://youtu.be/qKN5ij9D11Q


C'est une chanson sentimentale, avec un air de rien et des paroles propres à émouvoir les cœurs simples. Elle a donc tout pour me plaire. Elle est signée Michel Rivgauche, parolier talentueux et prolifique, dont le nom de baptême était Mariano Ruiz (1923-2005). Pour mémoire, et pour le saluer, rappelons qu'il a signé « La foule », chantée par Edith Piaf.
Françoise Hardy, qui connaît la chanson, ne s'y est pas trompée, elle a donné de ce texte délicat sa propre interprétation.

La photographie est de mon ami Jean-Louis Castelli (Jeanne Moreau dans « Ascenseur pour l'échafaud », de Louis Malle), mort brutalement, un dimanche après-midi. Nous puisions dans son trésor de documents, amassé au cours de cinquante années d'une belle vie de photographe de cinéma. Jeune homme, il s'était retrouvé sous l'uniforme français, à Berchtesgaden, dans le « nid d'aigle » de l'oncle Adolphe, évidemment déserté par celui-ci. Le récit de sa visite de la bibliothèque de Hitler était impressionnant. Il en avait d'ailleurs rapporté un ouvrage.
Jean-Louis, photographe de plateau, confident des plus belles actrices, homme du monde, titi parisien, corse, compagnon d'Audiard, de « Bob » Dalban, de Paul Mercey, témoin du génie comique naissant de Louis de Funès, je te salue depuis la terre.


Francoise Hardy - Parlez moi de lui par antonychris

Qui n’est pas contre moi, est contre moi. Ou pas. Et inversement !








« Ne courez pas, c’est inutile, vous n’irez jamais aussi vite qu’une balle ! J’en vois qui s’éloignent à la nage, ceux-là ont une chance de s’en sortir. J’ai trop à faire sur la terre ferme pour me soucier d’eux. Mais en vérité, je vous le dis : en me fuyant, ils se perdent, car j’accomplis un paradoxe. Ceux qui connaîtront mon paradoxe seront tués ou blessés, mais ceux-là seront sauvés. Arrête de râler, toi ! Tu te fais remarquer pour que j’abrège tes souffrances, c’est ça ? Mais tu dois souffrir ! Tu es né dans le pays le plus paisible du monde. Le moindre de tes actes était sous contrôle : tu triais tes déchets, tu roulais sur les pistes cyclables, et ton dernier rhume a été entièrement remboursé par la sécurité sociale. Tu pensais que le monde était à l’image de ta terre natale : grave erreur ! C’est moi, ta terre natale.

« Regarde-moi bien : je suis ta peur fondamentale, la muraille noire griffée par une bête d’Apocalypse. Je suis la nuée qui porte l’orage. Désormais, tu connais ma foudre. Je viens de loin, je descends d’une hache et d’un drakkar. Hier, je maîtrisais les océans ; j’ai découvert l’Amérique en l’an Mille. Je semais la terreur partout où j’abordais. Je pillais, je tuais, je violais. Je soumettais les peuples, j’engrossais les femmes sur les corps ensanglantés de leurs enfants, j’assommais les bœufs avec mon poing, et les loups fuyaient à mon approche. J’aimais le vin et le sang, et je les mêlais dans le crâne de ma dernière victime. J’ai brûlé et bâti des maisons, j’ai fondé des colonies ; j’aimais le bruit que produisaient, sous le choc de mon fer, les os broyés de mes ennemis. Le vent me rapportait les récits de ma légende abominable. J’entendais, dans la nuit, les plaintes des agonisants et les gémissements des veuves. Comprends cela, jeune social-démocrate à l’agonie : on m’a cru disparu, enseveli mais je suis une force obscure, qui ne se retire que pour surgir, plus mauvaise, plus déterminée. Je veux le bien de mon peuple. Je veux ton bien, cher concitoyen que je viens d’énucléer. Et pour qu’advienne le bien, il faut que je sème le mal ! Je te l’ai dit, petit socialisant, je suis paradoxal. J’incarne le paradoxe de l’île d'Utoeya !

« Que dis-tu ? Je ne comprends rien : articule, à la fin ! Et tout ce sang entre tes lèvres ! Tu souilles mes bottes ! Parle dans l’hygiaphone, sinon, je n’entends que tes postillons ! Ah, ah ! Elle est bonne, celle-là, tu ne l’attendais pas, hein ? Je t’abandonne, à présent, il me reste tant à faire ! Je me suis donné une centaine de morts pour objectif, et je suis loin d’avoir achevé ma besogne. Je te laisse, ami, sois heureux ! Respect à toi, autour de toi, ainsi qu’en dessous de toi, et au-dessus ! Puisses-tu longtemps encore traverser dans les clous !

« Sur cette île, soudain, je suis comme un dragon de Komodo au milieu d’une harde de biches. Les proies sont si abondantes ! Je mords celle-ci, j’éventre celle-là, j’arrache, je blesse, j’estropie. Ma bave est un poison, mon baiser est mortel. Je massacre. J’avais prévenu mes contemporains ; aujourd’hui, j’accomplis mes écritures. Regardez-moi, étudiez les traits de mon visage, soutenez mon regard d’iguane, imaginez le contact de mes veines froides sur votre peau ! Je suis légion ! Une armée numérique annonçait mon triomphe : je suis celui qui devait venir.

« Une sirène retentit, voilà les policiers : ils vont m’entendre, ceux-là !
Une heure ! Ils ont mis une heure pour arriver jusqu’à moi.
Mais que fait la police ? »




http://youtu.be/hQ77p1kXPwQ

mercredi 13 juillet 2011

Gabrielle et Georges





























































Georges Pompidou était un homme très raffiné, un dilettante, avec cela ombrageux, autoritaire, volontiers cassant, et le plus aimable des promeneurs. Il connaissait les poèmes les plus rares de langue française, et pouvait reprendre le ministre des finances, Valéry Giscard d'Estaing, lorsque ce dernier commettait une erreur dans une addition. À l'époque où cela avait encore un sens, il soutenait l'art contemporain.
Alors qu'il était président de la République, une jeune femme nommée Gabrielle Russier, professeur, amoureuse de l'un de ses élèves, fut accusée de détournement de mineur et condamnée. Elle se suicida. L'affaire fit grand bruit.
Le 10 juillet 1969, fraîchement élu président, Georges Pompidou tient sa première conférence de presse. Un excellent journaliste, Jean-Michel Royer, l'interroge sur ce terrible drame. Pompidou reste coi pendant un long moment, puis répond sobrement :
« Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai pensé sur cette affaire. Ni même d'ailleurs ce que j'ai fait. Quant à ce que j'ai ressenti, comme beaucoup, eh bien :
Comprenne qui voudra !
Moi, mon remords, ce fut
la victime raisonnable
au regard d'enfant perdue,
celle qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés.

C'est de l'Éluard. Mesdames et Messieurs, je vous remercie ! »

Or, ce poème, Éluard l'avait écrit dans la tourmente de la Libération, pour dire son dégoût des procédés odieux, que les héros « empinardés » de la dernière heure, cocufiés par leurs femmes avec les vainqueurs, faisaient subir aux infortunées « collaboratrices horizontales ».

La dernière année de sa vie fut une manière d'agonie publique. Il souffrit en silence, montrant un visage et un corps soufflés par l'action de la cortisone. Il n'aimait que la compagnie des artistes et des écrivains.


Photographies PM : Statue de Georges Pompidou, par Louis Derbré, avenue Gabriel, à un jet de marbre du parc de l'Élysée, Paris, VIIIe arrondissement.