lundi 24 décembre 2018

Un Noël d'autrefois

Mes compatriotes sont à ce point soumis, à ce point conformistes et intimidés, qu'ils n'osent plus proclamer « joyeux Noël ! » en public. Bien sûr, la radio et la télévision d'État, émettrices d'opinions normalisées, d'un commun accord tacite, se garderont bien de contrevenir aux règles non écrites de la doxa anti-chrétienne. Alors, on n'entend plus, répétée à l'envi, que la vaine formule « bonnes fêtes de fin d'année ! », neutre et typique de la conformité frileuse du nouveau vocabulaire (ainsi de « territoire », par exemple), qui veut rassembler les fêtes de la Nativité et celles du Nouvel An dans une stupide et vaine collection de réjouissances .
Quant à moi, je souhaite à toutes celles et à tous ceux qui passeront par ici ce soir, un joyeux, un heureux, un délicieux Noël. Je sais que ceux qui croient au Petit Jésus auront une raison de se réjouir de cette date (au reste fort approximative). Je n'oublie pas que je suis une très modeste partie de l'immense civilisation française, judéo-chrétienne, qui s'est construite avec Dieu et, parfois, contre lui.
Les autres traverseront ces événements en rentrant la tête dans les épaules. Après tout, ce n'est que l'affaire d'une nuit !
À tous, je dédie ces deux délicieux dessins, sans doute démodés, mais charmants, et, ce faisant, je pense tout particulièrement, avec un sourire narquois, à quelques déplaisantes figures du néo-féminisme…
























Note : chacun placera dans la hotte du Père Noël ce qui convient à la représentation de ses vœux. Mon Papa No préfère les dames, mais sa besace n'est nullement hétéronormée.
Je vous souhaite une douce et « hot » nuit.






lundi 3 décembre 2018

Les rendez-vous qui engendrent des larmes (lacrymogènes)


Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
(Arthur Rimbaud, extrait du Bateau Ivre, 1871)



A-t-on laissé faire cela ? C'est possible. Cela s'est déjà vu. La journée du 1er décembre restera dans les mémoires des parisiens : une journée, une soirée de désolation. Il ne manquait que les armes à feu. Sortiront-elles un jour prochain ? On a l'impression que certains le souhaitent.

Il reste que je n'ai jamais vu une rupture aussi rapide, aussi évidente, entre le peuple français et sa classe gouvernante, et le premier de ses représentants, le président de la République.
Le temps politique a connu une brutale métamorphose, tout se précipite, les mots ne savent plus s'opposer au réel en formation, il ne peuvent plus même tenter d'organiser le chaos. C'est une insurrection.
La plainte massive des Français est légitime : ils ne vivent plus décemment du fruit de leur travail. Le salaire moyen de ce peuple (et de beaucoup d'autres en Europe) ne couvre pas ses dépenses banales, celles de la simple nécessité ordinaire. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais cela jaillit aujourd'hui, à la manière d'une lave longtemps contenue.
M. Macron n'a pas produit cette situation, qui lui était bien antérieure, mais ses provocations verbales ont rapidement ouvert les yeux de la population modeste, qui l'avait choisi par lassitude de tous les autres.
Que faire ? Je l'ignore.
On a vu l'ineffable M. Hollande démontrer sa solidarité avec les gilets jaunes, Mme Royal également, qui paraît atteinte de troubles de la mémoire… M. Mélenchon et Mme Le Pen prétendent épouser la vague émeutière, laquelle, espèrent-t-ils, les portera au pouvoir. Dans ce cas, par exemple, M. Corbière et sa compagne, Mme Garrido, auront chacun un ministère. Promulgueront-ils une loi qui me contraindra à écouter religieusement leurs discours, leurs interventions, leurs justifications ? Imaginer ces deux époux envahissants, charnellement si prospères qu'on les imagine gavés de sucreries, m'imposer le spectacle de leurs satisfactions ministérielles m'est proprement insupportable.
La politique disparaît dans le brouillard chimique des grenades lacrymogènes. Les ombres  de quelques politiciens de second rang s'avancent et prétendent aux meilleurs emplois.

vendredi 16 novembre 2018

Le désir et la mélancolie

Qui le hantait ? Sa mère, certainement : le souvenir de cette femme au visage triste, gagnée par la peur et la détresse. Son père aussi : il conserva toujours le souvenir des scènes violentes, le bruit sourd ou retentissant des coups qu'il distribuait généreusement à sa femme et à son fils ; un homme brutal, égaré.

Plus tard, il suscita le désir du monde.
Et il fut mélancolique.

Deux films sont disponibles, en ce moment, dans l'Internet :
1) cette manière de biographie augmente encore le mystère qu'a fondé cet homme :



2) Pour celles et ceux qui n'auraient pas vu le film « maudit », décrié, honni, le voici :



Et pour le retrouver : 
Le fantôme du métro aérien 1   Retour sur le pont   Le fantôme du métro aérien 2  L'indésirable 2  Brandobsession (Brando's session)  Dernier sanglot à Paris  L'enfance, notre passager clandestin

  Le principe de fascination   De profil, de dos et de face




Après la guerre, c'est déjà la guerre



Babylon Berlin : je n'aime pas les séries, je n'aime pas les rendez-vous réguliers avec la télévision, j'ai l'impression d'en devenir le prisonnier. Je ne connaissais pas Babylon Berlin. Dans l'un de ses messages, notre ami suisse m'a mis la puce à l'oreille. Le bref extrait qu'il me suggéra, cette scène d'un cabaret où régnait une sorte de dominatrice bi-sexuée, et cette chanson comme une menace séduisante… J'ai attendu impatiemment la sortie de cette œuvre sous la forme d'un coffret de trois DVD.
Babylon Berlin est particulièrement réussie. Nous sommes en Allemagne, entre les deux guerres. La Première a profondément marqué les corps et les esprits. Le pays ne vacille pas encore, mais on voit bien que se mettent en place, de manière souterraine, tous les éléments d'une puissante et redoutable métamorphose.
Il arrive que la tragédie s'annonce par l'entrée des artistes. 

On ira ici et là :   
Le goût de la rengaine et des cabarets 2
Le goût de la rengaine et des cabarets

            

samedi 20 octobre 2018

Dans la cour des grands


Charles Aznavour, paraît-il, ressentait une forme d'amertume parce que les juges des élégances artistiques l'excluaient de l'Olympe, où siégeaient Brassens, Brel et Ferré. Le public, fidèle et nombreux, ne suffisait pas à combler son désir de reconnaissance, il lui fallait aussi le sacre de l'élite. Or, l'élite de ce pays s'est souvent fourvoyée, démontrant à maintes reprises d'abord un certain mépris, puis une pulsion grégaire, un conformisme qui ne l'a jamais quitté. Elle montra de l'intérêt pour les choses, qui n'effrayaient pas son audace apprivoisée…
Or, Aznavour était d'abord un artiste. Il voulait être jugé comme tel.

Voici, réunis exceptionnellement, Léo Ferré et l'autre grand Charles interprétant une chanson peu connue, La Chambre. La musique est de Ferré, le texte en est remarquable : c'est un constat dressé avec un détachement mélancolique. Il est signé René Baer, personnage singulier (Édouard Baer, singulier tout autant et talentueux, est son petit-neveu), une manière de dilettante doué, qui écrivit aussi La Chanson du scaphandrier pour Ferré, également chantée par Henri Salvador et, me semble-t-il, par le méconnu Jacques Douai, ainsi que par Claude Nougaro.



Voici Léo Ferré seul au piano avec La Chambre. La vidéo montre deux Léo : le premier, après 1968, le second (à partir de 4.24, où l'on entend La Chambre) dans les années cinquante, en compagnie de Jacqueline Joubert, laquelle procède à un très habile entretien avec un Ferré emprunté, timide, apeuré presque. Il y a une grande différence entre celui-ci, humble et fier tout à la fois, et l'insupportable prophète d'Apocalypse des années soixante-dix, visionnaire pour grandes surfaces, pontifiant gourou du hit-parade qui vitupérait les puissants, les militaires, les mouches et les coches, la justice des hommes, la chute des corps, la réverbération de la lumière sur les crânes chauves, mais, malgré tout, capable de produire de superbes chansons tendrement désespérées, qui nous permettront d'atteindre à notre dernier soupir sans hâte extrême et même avec un peu de regret.
Précision : j'avais 20 ans, j'ai assisté à nombre de ses concerts, d'où je sortais la tête pleine de bruit et de fureur, pleine de musique, de mots, de poésie tantôt délicate, tantôt facile, tantôt absconse, j'avais 20 ans, j'étais tendre et furieux, je croyais que l'avenir était du présent immédiat, j'étais alourdi du passé. J'étais jeune, je ne le suis plus ; j'étais stupide et vain, je le suis resté !



La Chambre, par Yvette Giraud, qui en fut la première interprète, peu de temps après la fin de la Seconde guerre.



À la suite, ce moment de perfection qui se passe volontiers de mon commentaire balourd.




Et la version féminine, sinon féministe, de cette chanson, par la même Annie the great Cordy : rappelons qu'elle est une immense comédienne jouant très finement le drame, parfaitement ignorée du cinéma français.


samedi 13 octobre 2018

Le bel été

- Tu ne m'avais pas dit que Cali enregistrait un album, dans lequel il reprenait des chansons de Léo Ferré.
- Je l'ignorais, et, l'aurais-je su, j'aurais choisi de l'oublier aussitôt !
- Pourquoi donc ?
- Dès que je l'entends couiner, je cours à la rencontre d'un bruit, qui couvrira sa voix.
- Tu n'as pas de goût !
- C'est vrai, mais j'ai le dégoût très sûr.
- C'est un garçon sensible, Cali ; d'ailleurs, il est de gauche, il a soutenu Ségolène Royal ! Il laisse parler son cœur.
- André Gide a dit de Jean Guéhenno : « Il parle du cœur comme d'autres parlent du nez. ». Eh bien, ton Cali souffre d'un rhume chronique !
- Décidément, nous n'avons rien en commun ! Le printemps nous avait rapprochés, l'été nous avait réunis, l'automne nous sépare.
- Trois saisons pour un amour, c'est trop, deux suffisent. D'ailleurs, dès le mois d'août, cela sentait la fin.
- Je ne m'en suis pas rendu compte.
- Moi si !
- Tu n'as pas de cœur !
- Non, mais j'ai du nez ! Aznavour lui aussi le savait. Et Aznavour, c'est autre chose que Cali !







mardi 28 août 2018

Une place pour Paul !

Vous trouverez aisément des informations relatives à James Corden, l'animateur, et à son émission Carpool karaoke (carpool pouvant se traduire par covoiturage). C'est une idée simple, superbement réalisée, avec un humour et une fantaisie dont la télévision française paraît définitivement incapable : chez nous, dans le domaine de ce qu'on appelle le divertissement, on se satisfait, depuis trente ans, des tristes bouffonneries d'Arthur !
Montez plutôt à bord de ce véhicule, en compagnie de James et de son prestigieux passager. Nous sommes à Liverpool. C'est aujourd'hui et c'était hier… Une merveille !


jeudi 16 août 2018

Aretha franklin, femme soul

Bien sûr, à chaque fois il se dit, ici et là : « C'était la plus grande, c'était le meilleur, la plus talentueuse… ». Ils sont tous grands, ils eurent tous du talent, mais Aretha Franklin fut immense. Dieu descendait sur la terre par le truchement de sa voix, et, dès qu'elle chantait, il venait à toutes les saintes et à tous les saints un déhanchement un peu canaille, qui faisait trembler le plancher nuageux du paradis. Elle était la preuve de l'existence de Dieu et démontrait que l'âme logeait dans la gorge. Elle ne fut pas la seule, mais elle fut la soul.


jeudi 31 mai 2018

Le désir fait écran

Cet article est parti plus tôt qu'il ne fallait, je le complète donc.

Nous sommes en 1965, lors de la cérémonie des Oscars (bien supérieure, relativement à l'éclat, à l'organisation, au simple intérêt, à nos lamentables Césars). Il a trente ans, ce jeune homme qui surgit de la coulisse. Il est une silhouette sombre, souple, qui s'avance vers le pupitre. Et l'on distingue alors parfaitement son visage, ses traits d'une juvénilité désarmante. Il ne paraît pas intimidé, alors qu'il doit l'être. Il parle, sa voix ne tremble pas, son accent est presque mieux qu'américain : anglais. Qui le connaît vraiment, alors, en Amérique ? Le public ? Qui a vu, dans l'Arizona, en Louisiane, dans le Connecticut, ou encore en Virginie, Plein Soleil, Rocco et ses frères, Le Guépard, L'Éclipse, Mélodie en sous-sol ? Chez les professionnels, il en va autrement. On lui fait entendre qu'une carrière s'ouvre en Amérique. D'autres français, avant lui, ont remporté tous les suffrages, entraîné tous les cœurs après eux. On lui cite le grand Maurice Chevalier, bien sûr, Clodette Colbert, Charles Boyer, Leslie Caron, Louis Jourdan…
Il part. Il reviendra bien vite, déçu, impatient, définitivement français et européen. Il a eu raison : son ambition n'aurait pas pu s'exprimer aux USA.
Mais, pour l'heure, il suit les conseils de ses mentors : Hollywood cherche constamment des têtes nouvelles, il faut qu'il se montre. Pour cela, la soirée des Oscars est idéale. C'est ainsi qu'il paraît sur la scène du Civic Auditorium (Santa Monica, Californie).
Il a trente ans, donc. De toute sa personne, sombre et lumineuse, de cet éclat de beauté délicate et nerveuse, émane une grande sobriété, peut-être soutenue par la conviction d'incarner une forme unique, singulière de séduction absolue.
Il évoque un peu Montgomery Clift, par exemple, mais il ne semble absolument pas hanté par ce trouble d'origine, ce malaise « ontologique », cette émouvante indécision qui « fondait » le merveilleux « Monty ».
Alain Delon a trente ans. Il ne devrait pas se trouver là. Quinze ans auparavant, il cherchait le moyen de fuir un destin, qu'il refusait absolument. Il y eut l'armée, puis Paris, puis le cinéma.
C'est à dire, plus explicitement, il y eut le désir. Ce désir que toute sa personne suscitait à chacune de ses apparitions, dans quelque lieu qu'il se trouvât, chez les femmes, chez les hommes. Il voyait bien la joie qu'il leur procurait quand il leur souriait, et l'espoir qui les gagnait, quand il s'approchait d'eux, quand il semblait les désigner, les sortir du lot.
C'est ainsi que se renouvellent les représentations du désir.
Il ne demeurera pas longtemps « à portée de main », il mit entre les autres et lui un écran, celui du cinéma.
Il ne devait pas être là, rien ne le prédestinait à irradier cette soirée des Oscars, en 1965. Rien, sinon le désir et son renouvellement. Alors, il prit toute sa place.
Il était là. Toute sa personne imposait sa propre réalité du désir humain. Il appelait l'écran : par ce moyen, par ce truchement, il pourrait être l'amant du monde. il pourrait être espéré, attendu, désiré. Le désir faisait écran. Il s'offrait sans se donner. Il avait trouvé son destin.



Pour illustrer tout cela, une chanson m'est venue à l'esprit. Elle est l'œuvre, paroles et musique, d'un personnage flamboyant du théâtre et du cinéma, anglais d'origine, snob, charmant, subtil, extrêmement doué : Noël Coward (1899-1973).
Pour un spectacle musical, en 1932, il créa Mad about the boy (Folle de ce garçon) destinée à une artiste féminine. La chanson connut un immense succès, avant la Seconde guerre mondiale et après, et jusqu'à aujourd'hui.
Toutes les femmes étaient « folles de ce garçon ». Toutes les femmes, ainsi que… Noël Coward himself. Le grand Coward était homosexuel, à une époque où il n'était pas aussi simple d'en faire « profession de foi ». Il enregistra sa propre version, qui demeura longtemps… discrète voire secrète.
La voici, le voici, lui aussi « folle » de ce garçon  :



Et voici un florilège, parmi toutes les interprétations qui me plaisent infiniment.

Swing et grâce, quelque chose d'entêté aussi, orchestre et voix en accord parfait, Phyllis Robins et Jack Hilton :




Greta Keller, dans un genre un peu cabaret berlinois, mélancolie rhénane :



L'immense Dinah Washington, à la fois chic et canaille, a véritablement transformé le style de la chanson, dans les années cinquante :



La perfection  « jazz » de l'impeccable Anita O'Day :



Jessica Biel joua dans une adaptation cinématographique (2008), assez banale (Alfred Hitchcock avait signé la première, muette, en 1926 ou 1927) de la pièce signée Noël Coward, Easy virtue. Elle ne se sort pas si mal de l'exercice :



Très comédie musicale, très anglaise au vrai, Marianne Faithfull :



Une classe folle, une facilité, une maîtrise incroyables, Ernestine Anderson :



Un murmure de sensualité dans ce monde de brutes, Julie London :



Voilà : cette liste n'est pas exhaustive, mais il est vrai que je suis loin, moi-même, d'être exhaustif !

N.B. : J'augmente cette liste d'une interprétation par Esther Ofarim, conseillée par debout (sans majuscule, ainsi qu'il ou qu'elle signe son message). En effet, tout est excellent et original, et d'une épatante fantaisie (très sixties) :



Pour Alain Delon on pourra aller voir : 

Delon, sans retouche

Alain, sors de ce corps !  Nico, une allemande dans la Factory  Le décor d'une vie -3-  Les désirables


lundi 14 mai 2018

La vie, événement capital, un peu vain et si mélancolique

Quand j'étais enfant, Mouloudji évoluait sur la scène avec la grâce canaille d'un roi bohémien. Kabyle de Paris, breton par sa mère, homme par les racines, français par les branches, chanteur par le feuillage, il faisait tourner les têtes des filles et de leurs mères.
Je m'aperçois qu'il accompagne parfaitement les petits méandres de la vie.

On part au loin, on est las soudain, et l'on veut revenir. Je cherchais cette chanson, la voici  :



Toujours notre vie est entre deux rives. La distance qui les sépare mesure notre exil intérieur, notre confort et notre chagrin.
Mouloud se montrait délicat tel un prince oublié de sa cour, que rien ne divertit durablement :



Et si nous prenons des mesures radicales, elles ne serviront qu'à nous rendre plus complaisants encore envers nous-mêmes. Ce que nous laissons derrière nous ressemble à une carlingue rouillée peuplée d'ombres que nous croyons reconnaître. Et notre mémoire impitoyable leur a fait les poches.



À la fin, malgré le bilan mitigé, si l'on se retourne, une sorte d'éblouissement persiste. Ce fut certes inutile, mais ce fut souvent très agréable. Et l'on se dit que cela valait la peine de poursuivre la petite aventure médiocre de l'existence. Au fond de nos prunelles, on voit les lueurs persistantes d'éblouissants repaires.



 Il n'y a pas de remède à notre mélancolie fondamentale. Un souffle léger, peut-être l'invisible main d'une vie supérieure, malicieuse, amusée, nous donne un élan tantôt brisé tantôt repris, et, si l'on entend l'air entêtant d'une valse à trois temps (l'un pour le néant, l'autre pour l'espoir, le dernier pour la fantaisie), c'est qu'il convient de ne pas perdre le rythme, avant de céder la place. Dans la coulisse, déjà, d'autres silhouettes se préparent à paraître, et nous n'aurons pas existé…


vendredi 27 avril 2018

Les montagnes russes

Mes contemporains détestent Vladimir Poutine. M. Hollande tint à distance, avec un peu de mépris affecté, le chef du Kremlin. Hollande ! Qui se risquerait à acheter une voiture neuve à ce dépositaire d'une marque en faillite ? M. Hollande n'est plus, à présent, que le mémorialiste de l'espace vide qu'il a laissé derrière lui…
Je vois bien tout ce qu'on reproche à Vladimir, et je ne le tiens pas pour un modèle d'humaniste germanopratin. Mais je crois qu'il est à l'exacte mesure du pays qu'il gouverne, dans les conditions matérielles et morales où il l'a trouvé.
Par surcroit, la Russie, le peuple russe ne m'ont jamais paru « étrangers », et moins encore hostiles. Lointains, certes, brutaux également, avides de sensations, des hommes, des femmes différents de moi, assurément, mais qui me ressemblent, en plus accomplis, en plus passionnés, en plus rudes. Ils sont les extrémistes de moi-même : des brutes sentimentales, des écrivains inquiets, des mathématiciens surdoués, des ogres effarés, des êtres de drame et de comédie.
Cela dit, d'autres que moi, plus avisés, plus perspicaces, mieux documentés, plus subtils, moins puérils surtout, démonteraient aisément mes médiocres arguments.
L'essentiel est ailleurs, ou plus précisément ici, dans ce petit blogue quelque peu insignifiant, qui accueille néanmoins de très nombreux visiteurs d'horizons parfois lointains. Ils restent anonymes, leurs ombres s'allongent un peu, puis disparaissent…
Alors, voici, pour évoquer le « sentiment russe », deux interprètes d'exception, dans un récital de chants traditionnels, donné sur la place Rouge, à Moscou. La soprano se nomme Anna Netrebko ; sa taille s'est un peu arrondie, ses joues et son cou ont gonflé mais la beauté de ses traits est intacte, sa sensualité toujours affleurante, et son timbre s'est magnifiquement assombri, ce qui l'autorise désormais à chanter les grands rôles féminins de Verdi.
Et voici l'éblouissant baryton Dmitri Hvorostovsky, un sibérien né en 1962. On le célébrait sur toutes les grandes scènes d'opéra, où sa voix s'augmentait du charme physique que dégageait toute sa personne. Une tumeur cérébrale a mis fin à sa carrière, le 22 novembre 2017.
Je vois aussi quelque chose, dans cette video, qui me touche ; je vois des spectateurs, qui représentent le peuple russe, me semble-t-il, qui l'incarnent, et qui reprennent pour eux-mêmes les paroles, par bribes, de ces chants constitutifs de leur âme collective. Certains d'entre eux, en particulier dans la dernière chanson, qui évoque les âmes des soldats tombés au front, me paraissent fortement ébranlés : dans leurs yeux défile tout le passé de cette vieille terre spirituelle pleine de drames, de colère et de soumission, que Staline et les siens voulaient déraciner. Un peuple spirituel ne se déracine pas !



Voici, par son compositeur en personne, Yan Abramovitch Frenkel (1920-1989), la dernière chanson du récital Netrebko/Hvorostovsky (à écouter en premier,  à partir de 13. 53). Vous pouvez verser des larmes, personne ne vous regarde.




Un peu de précision ne nuit pas à la santé
Ce chant (Zhuravli, Les Grues, oiseaux ainsi nommés) est certainement l'une des plus fameuses et peut-être la plus troublante parmi les grandes lamentations lyriques nées de la Seconde guerre mondiale, qui fit des hécatombes dans la population russe et, bien sûr, dans les rangs de l'Armée rouge. À son origine, selon Wikipedia, il y a un poème de Rasul Gamzatov, poète et écrivain du Daguestan, bouleversé par une visite sur le site d'Hiroshima, et par l'histoire de Sadako Sasaki. Frappée par une leucémie, consécutive à la forte radioactivité persistante, la jeune fille voulut conjurer la maladie en construisant une sorte de monument de papier : des centaines de grues symbolisant à la fois l'espoir et la fatalité. Mais le cancer l'emporta. Cette histoire inspira un poème à Rasul Gamzatov, traduit de l'avar -sa langue natale- en russe par Naum Grabnyov. Le chanteur Mark Bernes sollicita Frenkel, qui composa la mélodie.

Pour agacer les appareils dentaires des opposants français constamment au bord de la crise de nerfs dès qu'on prononce le nom de Vladimir Poutine devant eux (je pense à Christine Ockrent, par exemple, qui dénonce ses turpitudes chaque semaine à France-Culture), voici cette chanson dans une mise en scène « hyper-patriotique », en présence de l'« ogre » du Kremlin (avec traduction en français du texte) :



Enfin, déjà frappé par la maladie mais encore solide, le grand Dmitri Hvorostovsky, en 2016, avec les chœurs de l'Armée rouge (et la traduction en français) : devant ce spectacle, madame Ockrent a cru défaillir !



Pour mettre un terme (provisoire) à cette page russophile, ce moment éblouissant où paraissent les chérubins de la tradition orthodoxe (selon la liturgie dite de Saint Jean Chrysostome). Il y est question du « roi de tous les hommes auquel font escorte les cohortes d'anges » : l'Hymne des chérubins, de Piotr Tchaïkovski. 




Sur Anna Netrebko, voir ici

lundi 2 avril 2018

Le goût de la rengaine et des cabarets 2

Avec cela, j'ai toujours eu le goût des cabarets.
À l'intérieur des cabarets, le temps n'assujettit plus le réel, il ne règle plus la marche du monde, mais il autorise le développement harmonieux d'une fantaisie obstinée, qui s'impose à la raison-même. C'est ainsi que les portes de ces établissements se referment sur la raison ordinaire, la laissant au-dehors ; ils s'ouvrent vers un ordre parallèle, qui trouve sa cohésion dans l'enchaînement des tableaux et de la féérie qu'ils produisent.
Avant la guerre, les allemands, en Europe, particulièrement à Berlin, dominaient la discipline. Ils y démontraient une audace agressive, augmentée d'une puissante mélancolie. 
S'imposait alors au cabaret une logique d'évolution (parfois d'alternance), qui va de l'euphorie, de la fête surjouée, au plus redoutable abattement (ou qui mêle ces deux sentiments jumeaux), la langue allemande se prêtant, par surcroît, fort bien à la diffusion de la sentimentalité cabaretière. Il y avait de la canaille dans tout cela, du frôlement d'épidermes, de l'accouplement de porte-cochère, du rut furtif, une hâte de plaisir sans espoir de lendemain.

Zarah Leander (1907-1981) n'était pas allemande mais suédoise d'origine. Au contraire de la grande Dietrich, qui les haïssait, elle approcha d'un peu près les dignitaires nazis sans adhérer cependant à l'idéologie inspirée par le regrettable oncle Adolphe. Elle mit fin à ce dangereux compagnonnage en 1943, en regagnant sa patrie. Sa belle voix grave aux accents de fatalité nordique, qui ne cessa d'envoûter ses contemporains, jusqu'à sa mort, en 1981, s'accordait parfaitement au genre.






- Bon, à présent Zarah, comment pourrais-je leur dire adieu ?
- Comme cela, Patrick, comme cela :



On lira Effroi et magie d'Allemagne    Dernière chance

samedi 31 mars 2018

Le goût de la rengaine et des cabarets

Avec cela, j'ai toujours eu le goût des cabarets. Ils s'ouvrent sur la chaussée comme des portes dérobées. J'aime leur petite salle, dont seule la scène échappe à l'obscurité, les rideaux cramoisis, le raie de lumière qui fait surgir une suspension de poussière.
Je me souviens d'une chanteuse allemande, qui semblait sortir des ruines de Berlin. Elle n'a pas souri de tout son récital. Elle avait un air d'absence implacable. Je tentai de l'approcher, après le spectacle. Je me glissai dans la coulisse. Un malabar à lunettes noires m'interdit toute progression. Il dit quelque chose, que j'entendis comme une mise en garde, une menace même, dans une langue qui m'était tout à fait étrangère. Dégarni largement, jusqu'au sommet du crâne, il avait rassemblé ce que sa calvitie lui abandonnait encore en une queue de cheval tressée. De dos, cela apportait à sa silhouette un détail d'étrangeté comique. Je n'insistai pas.
Dehors, le froid était vif. J'étais un peu décontenancé par mon échec. D'habitude, je réussissais souvent à me glisser auprès des artistes ; sans m'imposer je trouvais une place naturelle d'admirateur tranquille, parfois même de confident fugace.
Je marchai, j'hésitai, j'errai, je revins sur mes pas, j'entrai enfin dans une brasserie. Elle était là, seule, à une place reculée de cet établissement bruyant, presque dans la pénombre. Son regard fixe ne dévisageait personne, ne s'attardait sur rien. Puis elle me regarda :
- Tu as vieilli, mais je te reconnais. Où as-tu laissé ta jeunesse ?
- Je l'ignore. Je ne lui ai prêté aucune attention, elle s'absentait de plus en plus souvent. Un jour, elle a disparu. Mais vous ? Où donc étiez-vous passée ?
- Peu importe ! J'étais ici, j'étais là.
- Étiez-vous aussi la la la ?
- Assieds-toi, écoute : c'est pour toi !




Sur Ingrid Caven  C'était hier…     La femme du Pigall"s


jeudi 22 mars 2018

Mémoire d'autre-tombe…

D'où venons-nous ?
De nos souvenirs, sans doute ? C'est à dire des souvenirs que nous avons fabriqués, souvent à la hâte, avec ce qui nous tombait sous la main. Nous naissons un peu de nous-même, nous sommes l'enfant de notre fantaisie. L'énergie de mémoire que nous avons accumulée nous autorise à tenir le rôle qui nous fut en partie attribué, et que nous avons modifié, dans la comédie des jours.
Où allons-nous ?
Vers notre mémoire résiduelle, qui nous attend, fidèle, ironique mais sans méchanceté, au coin de la rue, comme une vieille maîtresse, lorsque nous aurons joué notre rôle, et que nous aurons consenti à nous dépouiller de notre manteau de comédie.

Ce sera comme de sortir d'un immeuble et de suivre le flot des passants, dans la rue.














Nous n'aurons plus rien à craindre, nous ne ressemblerons plus au double inventé par notre orgueil et notre crainte de l'ennui : enfin libéré de nous-même, nous retournerons à notre lot commun de banalité.















Allons vers ce qui nous attend avec, en tête, une chanson de Françoise Hardy, celle-ci, par exemple :




vendredi 9 février 2018

Intermède 3

 Une chanson écrite par Carla Bruni, composée, je crois, par Julien Clerc.

Pourquoi cette chanson ?
Parce que nos vies sont peuplées d'ombres, et que l'écho de leurs voix ne nous atteint plus, un jour ou l'autre.
Parce que notre fantaisie amoureuse est un château de sable, qui s'effondre et veut être reconstruit.
Parce que les mots entretiennent en nous un chagrin adorable.
Parce que notre chagrin est inconsolable.

Par Carla Bruni, seule : 


Carla Bruni avec Julien Clerc :



Par Isabelle Boulay :


jeudi 25 janvier 2018

Soi-même, 1 : avant la mélancolie

De tous les grands peintres, Albrecht Dürer (Nüremberg 1471-1528) fut le premier à s'être livré avec un soin particulier à l'exercice de l'autoportrait, ou plutôt, comme on disait alors, à la « peinture de soi-même ». Il s'est représenté avec une minutie fiévreuse, il s'est ausculté, il s'est magnifié, souvent, jusqu'à se donner l'aspect et l'allure du Christ : c'était tout de même faire preuve d'assez d'orgueil ! Et encore, il ne s'est peint qu'en buste !
Il s'est très tôt regardé dans un miroir ; l'objet était très rare à son époque, mais, même sans y penser il réfléchissait suffisamment, puisque le garçon avait à peine treize ans lorsqu'il se vit ainsi :














  Le texte, en haut à droite du dessin, de sa main, dit ceci : « J'ai fait ce portrait d'après moi-même, en me regardant dans un miroir, l'année 1484, quand j'étais encore un enfant. (Vienne, Graphishe Sammlung Albertina) »


Le voici encore, en 1493, dans le portrait dit « au chardon ». Il a quelque chose de raide ; cela s'explique par la nécessité tout à la fois de tenir la pose, de s'observer, puis de peindre. C'est un bel homme, avec une chevelure de paille mouvementée, une expression sévère et inquiète, un nez fort, des lèvres comme deux vagues charnues, un cou gracieux, long, une chair aimable. Il a pris conscience de son talent, et saura le faire reconnaître.
















Autoportrait ou portrait de l'artiste tenant un chardon (1493), musée du Louvre


Dürer, artiste complet, est un type sérieux, très fin, réservé. En 1493, il poursuit, en Allemagne, sa formation artistique. Un premier séjour en Italie, assez court (1494-1495), alors qu'il est encore un inconnu, lui présentera la figure de l'artiste (et du peintre) et son « emploi » dans la société, dans leur pleine mesure néoplatonicienne : un seigneur de l'esprit (« Pittura e cosa mentale » « La peinture est une chose de l'esprit » écrit Léonard de Vinci)
Sa piété est sincère : loin d'être menacée par l'accroissement incessant de ses connaissances, en particulier dans le domaine des mathématiques, elle s'augmente  avec le temps. Il connaît tôt sa valeur, juge son talent en le comparant à celui des autres, et surtout des Italiens. Il se produit en Europe, alors, un immense « remuement de compréhension » du monde.
Il ne cesse de s'observer, en artiste, mais aussi en humaniste, sans complaisance. Ce qu'il voit, c'est un un homme tout entier singulier. Il voit encore et toujours les métamorphoses de son reflet. Il se traque, sans souci autre que celui de se « reproduire ». Dürer exerce ce qu'on pourrait appeler son « droit de circonspection ».

Vers 1505, il se dessine nu, vraiment nu, et encore menacé, attaqué par le temps, mortel. Le miroir est certainement trop petit pour qu'il puisse s'y considérer du haut jusqu'en bas, alors il présente ce qu'il perçoit : le voici incomplet (plume, brosse, lavis et rehauts de craie). Du buste musculeux, sec, de la verge courte et vigoureuse comme une racine, et des testicules, se dégage une impression de vraie force. Cet athlète vieillissant ne se ménage pas. La part d'ombre qui l'environne est égale à celle de la lumière qui le saisit, les deux ensemble révèlent les traits d'un visage inquiet, que la grâce a quitté. Cet homme est résolu à poursuivre un chemin, dont il n'ignore pas l'issue.




















Nous retrouverons Dürer prochainement.

Le thème de l'autoportrait, et, plus précisément, de l'éternel et permanent « retour sur soi »,  m'a inspiré un poème de mirliton, qui ne figurera certes pas dans une anthologie consacrée à la poésie du XXIe siècle, mais qui aurait sa place, au reste fort digne, dans une résurrection de l'Almanach Verts Maux : 

Est-ce soi que l'on voit ?
Et ce « soi », est-ce moi ?
Est-ce moi que je vois ?
Et ce « moi », est-ce soi ?
Est-ce toi que je vois ?
Et ce « toi », est-ce moi ?


Soi, moi, toi : en tout trois  ;
Trois en un, tous en moi,
Toi, soi, moi : tout cela !
Et sous le même toit !
Moi à tu et à toi
Avec un même soi !

Est-ce à soi que je dois
De tant tenir à moi ?
Et ce moi, quel qu'il soit,
Qu'est-il en soi, ce moi ?

Est-ce bien moi, ce « soi » ?
Qui est ce toi en moi ?
Et puis, ce quant-à-soi,
Que cèle-t-il de moi ?

Que dit-il donc de moi ?
Eh bien, de toi à moi,
Et du vers à la soie : 
- Tu es une merde dans un bain de soi ! (1)

1) « Vous êtes de la merde dans un bas de soie », Napoléon à Talleyrand, conseil des ministres, château des Tuileries, 28 janvier 1809.

Dominique A ne cesse de nous séduire. Il vient de produire un superbe disque, dont j'extrais cette chanson, mêlée d'énigme et de mélancolie. Elle ne me semble pas hors-sujet.



mercredi 10 janvier 2018

Trève « Pascal »



Que peut-on dire de cette interprétation ? À Canal+, la chaîne de l'humour en chaussettes à clous, et de la rigolardise d'arrondissement, on la trouverait « ringarde », à peine digne d'un sketch de dérision à l'usage des nouveaux petits bourgeois déculturés. Mais, ici, nous dirons qu'elle possède un charme fou. Et nous insisterons sur la qualité générale de cette scène, qui touche également à la manière dont Jean-Claude Pascal est éclairé.
Barbara connaissait cet enregistrement : au reste, J. C. Pascal a contribué à faire connaître la dame en noir. À propos de Jean-Claude Pascal (et de quelques autres) : Connaît-on la chanson ? suite    Des fantômes familiers

mardi 2 janvier 2018

Un peu de désir dans l'eau froide

À Charleville, dans le beau pays d'Ardenne, le nom de Patti Smith est prononcé avec respect. Patti a toujours manifesté une grande admiration pour Arthur Rimbaud. Elle a donné plusieurs documents, dont un dessin, au musée Rimbaud de la ville (que le jeune Arthur qualifiait de « supérieurement idiote entre toutes ». La cité est magnifique : la place ducale est, selon moi, plus accomplie que la place des Vosges à Paris ). Il y a quelque temps, elle a fait l'acquisition d'une maison, sans grand charme d'ailleurs, située à Roche, une sorte de lieu-dit dans la campagne éloignée de Charleville. Aux yeux de Patti, qui souhaitait depuis longtemps acheter un bien dans cette région, cette bâtisse possède une qualité majeure : elle a appartenu à la mère du poète, une femme d'aspect revêche, abandonnée par son mari, crainte et profondément respectée par ce voyou d'Arthur, enfant colérique et imprécateur pour l'éternité des jours.
Jeune, Patti Smith avait un corps flexible d'adolescent. Elle fit la connaissance du photographe Robert Mapplethorpe en 1966. Leur couple fut de l'espèce fusionnelle, augmentée de l'effet « Enfants terribles » de Jean Cocteau : la relation est comme une île ; l'océan qui la cerne, pourtant immense, n'est qu'un décor ignoré. Il se peut que le monde existe, mais il n'aura jamais la consistance, la saveur, l'intensité, la grâce du désir qui nous fonde …

















Robert Mapplethorpe et Patti Smith au Chelsea hôtel, en 1969, par Norman Seeff

De 1969 à 1974, ils occupèrent souvent une chambre du fameux Chelsea hôtel, à Manhattan, où vivait à l'année, pour des loyers dérisoires, toute l'Amérique de la bohème. Ils se séparèrent amoureusement en 1974, mais demeurèrent très liés. Mapplethorpe, mort du sida en 1989, laisse une œuvre passionnante, profondément marquée par son origine catholique et par l'admirable exploration charnelle, sensuelle, la transgression vraie, violemment poétique, la foudroyante inconvenance qu'autorise cette sublime religion des corps et des cœurs « intelligents ».
Dans un récent entretien qu'elle accorda au journal La Croix, Patti fit part de son admiration pour Simone Weil, la jeune philosophe, que nous avons évoquée ici.

























Portrait de Patti Smith, sur un balcon du Chelsea hôtel, 7 mai1971, par David Gahr/Getty Images

Patti Smith chante Because the night :
Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to lust
Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to us





Sur Jean Cocteau : L'enchanteur du XXe siècle (1)   L'enchanteur du XXe siècle (2)

lundi 1 janvier 2018

Mes (A)vœux ou Tous mes vœux vous accompagnent !



En 2018, tout ira mieux. Les hommes ne mourront pas sans raison ; les lions épargneront les gazelles trop rapides ; les jihadistes présenteront des excuses aux familles de leurs victimes ; les socialistes français feindront avec une plus grande habileté de paraître de gauche ; M. Mélanchon ressemblera, de loin, à une manière de Lénine outrecuidant : de près aussi ; les néo-féministes se feront poser une ceinture de chasteté dont elles jetteront la clef, puis elles regretteront ce geste ; Harvey Weinstein ne produira plus que des documentaires animaliers, mais les femelles mammifères de ces films porteront plainte contre lui ; la délation numérique sera la règle ; les dieux grecs ressusciteront, et ils ne seront pas contents ; dans les abattoirs, on séparera les animaux qui seront tués dans d'atroces souffrances de ceux qui seront massacrés avec entrain ; les comiques français, conduits par Kev Adams, accablés de honte, comprendront enfin qu'ils ne sont pas drôles.