jeudi 26 avril 2012

Comme un adieu dans une langue inconnue -2-


La très jolie femme que j'évoquais hier (voir message précédent), se nomme Ludmila Lopato : née en 1914, dans la famille d’un magna russe du tabac à Harbin, la plus russe des villes chinoises. En 1929 sa famille quitte la Mandchourie pour Paris où Ludmila étudie le chant au conservatoire Rachmaninov. Quand vient la guerre elle quitte l’Europe pour l’Amérique du nord, sur un navire où se trouvent, paraît-il, Ingrid Bergman et Albert Einstein. En 1960, elle fonde « Le pavillon Russe », un établissement de belle réputation :  "le plus princier, le plus chic des cabarets russes de Paris". Elle meurt en 2004, sur la Côte d'azur, où elle s'était retirée. (source : Stengazeta) 
La voici encore, car je ne m'en lasse pas : elle chante Les bleuets (paroles, P. Shlakat, musique A. Tchernïavski).



Te souviens-tu, te souviens-tu de cette prairie,
Le petit soleil rouge, les fleurs ;
Dès l’aurore dans la prairie,
Toi et moi, nous nous promenions.
Les bleuets, les bleuets,
Les bleuets bleus-ciel. Oh, vous mes douces fleurs, Oh, vous, mes petites fleurs.
Cette prairie déversait
Cette couleur bleue veloutée
Des bleuets, je les ramassais,
Et tu étais là, avec moi, mon aimé.
Refrain.
Nous penchant, nous riions,
Et, malicieux nos regards, brillaient,
Et, après, comment nous nous embrassions !
Jusqu'à ce jour, je ne l’ai pas oubliée.
Refrain
Et, Aujourd’hui, nous sommes séparés
Ces jours-là, se sont envolés

Et, en mémoire, me sont restés
Des bleuets séchés.
       Refrain

(Traduction : Sarah P. Struve)

mercredi 25 avril 2012

Comme un adieu dans une langue inconnue


Chez RusNasledie, l'ami des Tziganes et de la mélancolie slave (l'un de nos blogues de référence, figurant dans notre liste) j'emprunte ces merveilleuses chansons, cette voix, cette femme. Et je dis merde à tous ceux qui se sont efforcés, depuis trois décennies au moins, de nous diviser et subdiviser en ethnies, communautés, groupes de pression et autres intérêts, croyances et éparpillements. Ils peuvent être satisfaits, ils ont gagné ! Je rappelle enfin que Lénine est mort, qu'il ne nous servira plus à rien, qu'il est donc parfaitement vain d'énoncer ses principes de guerre sociale, et que le regrettable Adolphe H. a été arraché à l'affection des siens. J'ajoute que nous ne saurions durablement nous priver du talent des grands administrateurs républicains, augmenté de celui de quelques entrepreneurs dignes de ce nom. Pour ma part, je n'appelle pas au dépérissement de l'État mais, au contraire, à son rétablissement dans toute son austère indépendance. Indépendance à l'égard des puissances d'argent, intolérance aux propos et prétentions religieux ou communautaires qui veulent imposer des mœurs et des comportements, publics et privés, sans rapport avec notre histoire et notre évolution. L'ordre républicain n'est pas la contrainte insupportable ; dans un pays comme la France, il demeure le plus sûr moyen de coexister pacifiquement. La vie est une course brève, elle place sur notre chemin d'« éblouissants repères », et nous disposons de si peu de temps pour les découvrir !






Voici d'autres interprétations de la chanson ci-dessus. Écrite en 1940, elle est l'œuvre de Jerzy Petersburki (1895-1979). Il paraît qu'elle fut très populaire parmi les soldats de l'Armée rouge, pendant la guerre.

La Rochelle (sans Drieu)

































Nombreux et brefs séjours en province, ces derniers temps. Ainsi, je suis allé à La Rochelle, à Cognac, à la Ferté Saint-Aubin… Déambulation, plaisir, surprise.
Depuis La Rochelle, j'aurais aimé pousser jusqu'à Rochefort, pour y retrouver un joyau de l'architecture classique d'État, la Corderie royale, mais je n'ai pas eu le temps. J'aime l'architecture classique d'État. En passant, j'ai salué Eugène Fromentin (1820-1876), auquel un fier cavalier arabe rendait un bel hommage sur sa monture cabrée. Cet homme très doué, d'une brillante intelligence, peintre de talent, écrivain de premier plan fut refusé à l'Académie française, il est vrai contre Charles Blanc, qui n'était pas un personnage négligeable. De nos jours, on lui eut préféré sans doute Jean-Lou Dabadie, Valéry Giscard d'Estaing, ou Jean-Christophe Rufin… De Fromentin, il faut vraiment lire ce roman d'apprentissage, « Dominique ».

Photographies PM

samedi 21 avril 2012

Une peau de pêche















« Vous pensez que vos livres n’en feront que mieux aimer la France. Je le pense aussi. Je pense qu’un pays où se forma la plus belle société, du monde est le plus beau des pays. Je me disais, en lisant votre livre : ta France est en Europe ce que la pêche est dans une corbeille de fruits : ce qu’il y a de plus fin, de plus suave, de plus exquis. Quelle merveilleuse culture que celle qui a produit une Delphine de Custine ! »
Anatole France, à propos du livre « Madame de Custine, d'après des documents inédits », d'Agénor Bardoux

Je retiens cette image : une pêche dans une corbeille de fruits. Je retiens ce mensonge durable et qui me demeure nécessaire, et qui ne fut pas toujours mensonge, la France à la peau de pêche, le plus exquis, la plus velouté des épidermes qu'un esprit eut jamais caressé.

Quant à Delphine de Custine, elle fut l'un des plus beaux esprits de son temps, qui n'en manquait pourtant pas. Chateaubriand l'aima avec une négligence affectée, dont elle ne lui tînt pas rigueur. Je vous ai parlé d'elle, trop rapidement, ainsi que de son fils, l'épatant Astolphe de Custine ici : http://touslesgaronssappellentpatrick.blogspot.com/2011/01/je-suis-rahelien.html (mes liens ne fonctionnent pas !).
Je vous entretiendrai un jour prochain de ces deux très brillants et audacieux personnages.



mercredi 18 avril 2012

Obsessed by Auermann -5-

In memory of the late Mr and Mrs Comfort (2)

Ci-dessous, la suite de la série que Richard Avedon a réalisée en compagnie de Nadja Auermann, où l'on voit la magnifique allemande dans la compagnie d'un squelette très entreprenant…
(voir message précédent)





Obsessed by Auermann -4-

In memory of the late Mr. and Mrs. Comfort (1)












































Le raffiné Sébastien Paul Lucien me demande si je connais les photographies que Richard Avedon a faites de l'Auermann “ à côté d'un squelette dans des tenues de soirées d'un luxe funèbre ” ?
Oui, bien sûr, cher SPL, je connais cette série, qui a paru dans « The New Yorker », en novembre 1995, sous le titre « In memory of the late Mr. and Mrs. Comfort ». La fille de Diane Arbus, Doon Arbus, et Polly Mellen en étaient les « fashion editors ». Je les ai retrouvées, en voici quelques-unes.
On les interprètera comme on le veut : un signal de la mort programmée de la grande couture, la dérision des choses du luxe et de la chair (Vanités), une provocation luxueuse et gratuite d'un photographe comblé… À l'époque, ces photographies m'avaient impressionné, plus de quinze ans après, je leur trouve une force intacte, et un mystère plus épais encore. Avedon a magnifié Auermann :
La mort viendra et elle aura tes yeux -
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence
.
[…]
(Extrait du dernier poème de Cesare Pavese (1908-1950), « La mort viendra et elle aura tes yeux ( « Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »), qui se trouvait sur son bureau. Pavese s'est suicidé. Les suicidés sont très fréquentables, pour certains d'entre eux, surtout après leur mort… (voir également article « La nuit 7 », sous la rubrique A man and his music )

J'en profite pour dire que Richard Avedon est, avec Cecil Beaton, mon photographe de mode favori. Je les trouve tous deux bien supérieurs, en tout, à Helmut Newton, très surfait à mon avis, dont j'ai vu la rétrospective au Grand palais.

Ci-dessous : l'une des plus belles « vanités » au monde, Marie-Madeleine à la veilleuse, par Georges de la Tour (Musée du Louvre) : sa lampe à huile s'éteindra bientôt, et la belle Marie-Madeleine, à son tour, rejoindra le pays des crânes, dont elle caresse un représentant d'une main lasse (voir également Tous les garçons s'appellent Patrick: Madeleine reviendra-t-elle ?).
Le goût des Vanités en peinture remonte au XVIIe siècle. Richesses, savoir, apparence, beauté, plaisir des sens, tout cela est vain ; il est vain vouloir les acquérir ou en jouir, car ils passeront. Ils composent un monde de pures apparences.


mardi 17 avril 2012

Her heart belongs to daddy




Cette photographie dit beaucoup de choses de Marilyn Monroe. Elle a sans doute été prise pendant le tournage du film « The Misfits ». Marilyn n'a jamais caché l'admiration qu'elle portait à l'acteur, qui lui semblait incarner une sorte de père idéal : beau, fidèle, ardent, viril, solide. On sait que ce film fut une rude épreuve, et que, pour ses trois acteurs principaux, Marilyn, Clark et Montgomery Clift, il signale une sorte de crépuscule. Clark Gable ne résistera pas à une quatrième crise cardiaque, et mourra le 16 novembre 1960, quelques semaines avant la sortie des Misfits, Marilyn décèdera le 5 août 1962, après avoir abandonné le plateau de « Something got to give », qui demeurera donc inachevé. Monty Clift relevait d'un grave accident de la route, qui l'avait salement amoché. Après maintes opérations, il reprit douloureusement le chemin des studios. Mais les producteurs ne lui faisaient plus confiance. Il mourut, lui aussi d'une crise cardiaque, en 1966.
Mon ami Jean-Louis Castelli, photographe de plateau, m'a affirmé que les relations entre les acteurs étaient très bonnes, contrairement à ce qui fut parfois rapporté. Certes, le comportement erratique de Marilyn compliqua un peu les choses, mais jamais Clark Gable, un parfait gentleman, ne se plaignit d'elle ; au contraire, il l'entoura d'affection. Observez le regard d'attendrissement admiratif qu'elle porte à ce héros fatigué.

Cette autre photographie est antérieure, vers le milieu des années cinquante. On imagine la joie de Marilyn ; elle danse avec l'homme qui incarnait son idéal !


vendredi 13 avril 2012

Obsessed by Auermann -3-



Un film, pour la voir se mouvoir, pour s'émouvoir. La mode qu'elle incarnait encore dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, était sérieusement menacée ; aujourd'hui, elle n'existe plus. Le rêve « couture » s'est dissipé dans les faillites, les scandales médiocres, les disparitions, dans les crises économiques qui nous ravagent, nous réduisent à l'état de quêteurs et d'importuns. Ce que nous vivons est atroce, il ne restera rien de l'édifice, hormis, chez quelques-uns, son souvenir.
Alors, la beauté de Nadja, comme le rappelait l'excellent Sébastien Paul Lucien (qui tient un blogue particulièrement fréquentable, et référencé chez Tous les garçons), ne se soucie ni du temps ni des épreuves. Elle est en quelque sorte un oiseau captif, une énigme admirable, pour toujours immobile.
Pardonnez-moi mon obsession, mais, vingt ans après, je la revois défiler, arpenter la rampe des lumières, abolir le temps. Elle n'a pas été remplacée.

Obsessed by Auermann -2-













































Photographies Dominique Issermann

Obsessed by Auermann -1-












































Photographies : Ellen von Unwerth, pour Vogue UK, octobre 1991

jeudi 12 avril 2012

Esther, visiteuse du soir



















Elle est venue cette nuit. Furtive comme une ombre qui glisse, fuyante, inaccessible et pourtant si incarnée, si magnifiquement charnelle. Elle a laissé derrière elle une trace de soie, le parfum entêtant d'une apparition aimable. Puis elle est repartie, absorbée par la nuit, Esther l'ondoyante.
Reviendra-t-telle ?
Elle reviendra. Je laisserai une lampe allumée et ma porte ouverte.

Je salue l'arrivée parmi nous d'Esther, qui tient un blogue comme une fée fabrique un élixir d'amour. Désormais, d'un clic, vous succomberez à ses sortilèges…

(La photographie représente Nadia Auermann, modèle absolue, selon moi, des années quatre-vingt. Ses jambes interminables ont un galbe parfait. ) Photo DR

lundi 9 avril 2012

Pascal





Pessa'h, Pâques… À vous toutes et tous, je souhaite, pour leur chair, les plaisirs et la résurrection !

dimanche 8 avril 2012

La taille de Darc





Il est très loin de moi, de mon mode de vie, de tout ce qui fonde mon quotidien. Je suis un bourgeois parisien plein de souvenirs et d'incertitudes, j'aime le confort et la facilité. Il n'empêche, ce type, avec sa dégaine du malheur surmonté, de la dérive corrigée, avec son énergie d'épuisement différé me touche infiniment, et depuis longtemps. Il revient de loin, il est tombé, on l'a cru mort. Il vit, il semble même plus heureux, plus tranquille. Il faut entendre sa dernière chanson « La longueur de mon âme ».
Il était, le 5 avril, au Trianon à Paris. Il part en tournée en France. Si vous êtes sur son chemin, ne le manquez pas. C'est un homme inconsolable, mais il vous consolera.