lundi 8 décembre 2014

Brandobsession (Brando's session)

Voyez et pleurez !
Il refusa d'apprendre par cœur le monologue, qu'il devait dire au cours de cette scène, préférant improviser sur un canevas. Longtemps, il attendit derrière la porte, où se trouve la dépouille de sa femme, qui s'est suicidée. Puis il pénétra dans la pièce.
Voyez comme il se rapproche du lit, en déplaçant le fauteuil, jusqu'à prendre place sur la couche même.
Il déclare d'emblée, s'adressant à la défunte, que son maquillage excessif lui donne un air ridicule.
Il dit ses propres mots, accomplit le rituel que lui souffle une voix intérieure. En deux minutes, il suggère l'épais mystère de celle qui fut sa femme (« le chef d'œuvre de [sa] mère »), et remplit toute la semi-obscurité de la chambre de son désarroi fondamental.
Voyez et pleurez !
Le crépuscule est avec lui.

(Scène extraite de Le dernier tango à Paris)



Puis, pour le seul plaisir de le revoir, de traquer sa déambulation d'homme provisoirement surnuméraire,   de contempler ce visage d'une beauté dangereuse, ces images extraites du Dernier tango, habillées par la chanson de Leonard Cohen Dance me to the end of love, dans la superbe version qu'en donna Madeleine Peyroux. Son texte énigmatique convient parfaitement à l'histoire de ces deux êtres, que seul le hasard pouvait « apparier ».



Je vois bien ce que ma Brandobsession peut comporter de ridicule et de lassant, mais je ne peux m'en débarrasser.

 L'indésirable 2 Brando sur le trottoir,  Le fantôme du métro aérien 1,  Le fantôme du métro aérien 2,  Retour sur le pont  Le principe de fascination,  Marlon B, for Lady Tanya, and for all Tous les garçons' ladies  Voici Leonard, sortez vos mouchoirs ! L'étrangeté sentimentale

13 commentaires:

Florence a dit…

Ridicule et lassant ? Je pense que c’est comme une sorte de plaisanterie que vous énoncez là, cher Patrick. Non seulement ce que vous nous racontez, donnez à lire et à entendre est beau et intéressant, et souvent peu connu, mais la grande sensibilité et l’élégance avec laquelle vous le faites confèrent à vos sujets une grandeur, une profondeur et une humanité qui, forcément, touchent. Ces êtres fêlés, géants fragiles, anges perdus qui vous fascinent nous deviennent, grâce à vos « obsessions », plus proches, un peu nôtres. Si c’est ça être ridicule, alors oui, nous voulons tous être ridicules.

Patrick Mandon a dit…

« Ces êtres fêlés, géants fragiles, anges perdus qui vous fascinent nous deviennent, grâce à vos « obsessions », plus proches, un peu nôtres. Si c’est ça être ridicule, alors oui, nous voulons tous être ridicules. »
Chère Florence, c'est bien de cela qu'il s'agit : « Ces êtres fêlés, géants fragiles, anges perdus[.]». Je crois bien que cette fascination remonte à l'enfance. J'ai eu, de ce point de vue, une enfance très libre. À Paris, j'allais au cinéma facilement. il nous arrivait même d'entrer en contrebande, sans payer, dans la belle salle de mon quartier, place de Lévis (XVIIe). Les stars, certaines d'entre elles, me fascinaient. Elles me paraissaient ultraréelles, supraréelles. Elles n'appartenaient pas au même ordre que moi. Plus tard, j'ai encore affiné ma fascination, pour la r&server à ces Ces êtres fêlés, géants fragiles, anges perdus[.]». Mais vous connaissez sans doute ce genre de fascination.
Chère Florence…

Patrick Mandon a dit…

Florence, je dois ajouter que j'éprouve une sorte de fascination en présence de ce que je crois être la beauté physique des êtres, de même devant la beauté de certains tableaux, une sorte de vertige très conscient. Les mots ne me manquent pas, mais je veux qu'ils épuisent le sentiment, qui me bouleverse alors. La situation que je vis, dans ces moments, est étrange : il n'est pas rationnel d'être gouverné par la fascination, alors que le langage,la conversation intérieure relèvent de la pure rationalité.
Oui, le spectacle, espéré ou inattendu, accidentel, de la beauté des humains, et celle que contient (libère) la peinture, me sont une manière d'épreuve .

Patrick Mandon a dit…

Depuis cet après-midi, on demande à tout intervenant de « prouver qu'il n'est pas un robot ». Je n'ai nullement demandé cette vérification. Or, la petite manipulation qui, normalement, supprime cette vérification, demeure pour le moment inopérante.
Je m'efforce de la supprimer.

Florence a dit…

Je crois Patrick que je vois très bien ce que vous voulez dire concernant cette fascination, que je connais aussi, d’une certaine manière.
Quant au barrage anti-robots, il est effet un peu ennuyeux, mais il est surtout dommageable en ce qu’il empêche, peut-être, l’accès de ces lieux poétiques à des anges perdus comme Roy Batty, dont la poignante et déchirante humanité n’est plus à prouver, tout réplicant qu’il soit…
http://noel69aclermontferrand.blogspot.fr/2014/07/tears-in-rain.html

Unknown a dit…

"Le Feu follet" et ici "Le Dernier tango à Paris", deux univers suicidaires qui disent le désespoir de deux époques, qui aujourd'hui n'en font plus qu'une, non ?

Patrick Mandon a dit…

Jacques-Émile Miriel, il me semble qu'il y a une différence fondamentale entre ces deux personnages. Le Feu follet considère son suicide avant de le réaliser. Par les visites qu'il rend aux uns et aux autres, il ne cherche pas à dévier de sa route, de son but final. Il veut revoir une fois ultime les personnages de son échec et de sa lassitude, mais il ne les sollicite pas d'une aide quelconque. Il demeure résolu. Il est fatigué de vivre.
Dans Le Dernier tango, Brando est pris au moment où sa propre femme s'est suicidée. Il est certes lui-même « au bout du rouleau », mais, contrairement à Alain Leroy, il est émotionellement disponible. Ce qu'il croit être une aventure purement sexuelle va le transformer, lui rendre l'espoir. Ce sera sa perte. Il s'est attaché, il veut vivre. Tel n'était pas l'objet du Feu follet
« Je me tue parce que vous ne m’avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent lâches, pour resserrer nos rapports. Je laisserai sur vous une tâche indélébile. »
Cela dit, votre idée de « deux époques, qui aujourd'hui n'en font plus qu'une » me semble très pertinente. Je vais y réfléchir.

Unknown a dit…

Cher Patrick, il y a certes beaucoup de différences, mais plutôt dans les détails, entre ces deux films. Je sens ces deux personnages, dont l'un est français et l'autre américain, très proches, par une sorte de fatalité commune faite de rébellion avortée, de désespoir, de nihilisme et d'amour fou. Ces deux films, qui se passent à Paris, ont repris les grands thèmes dramatiques, et les ont rendus méconnaissables, mais d'une manière si belle, si troublante... Vaste débat, en effet ! Allez, bonne nuit à tous.

Patrick Mandon a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Patrick Mandon a dit…

Jacques-Émile, votre blogue est tout à fait remarquable. Je suis bien certain qu'il intéressera tous ceux qui viennent ici. Parmi vos blogues « amis », je note la présence de Roland Jaccard : voilà un garçon épatant, d'une très grande finesse. J'ai le plaisir de le rencontrer de temps à autre, et je ne me lasse pas de sa conversation.

Unknown a dit…

Merci d'aimer ! Bonne journée.

Célestine ☆ a dit…

Ayant revu pour la enième fois "Un tramway nommé Désir",il y a deux jours, me voilà tout naturellement portée vers votre espace où la mâle et dangereuse beauté de votre idole me poursuit, donc. Ce que vous dites de votre fascination tenant du vertige me fait furieusement penser au fameux syndrome de Stendhal, qu'il m'arrive d'éprouver en présence d'oeuvres d'art emblématiques. Et je dois dire que le même vertige mesaisit à regarder fixement les commissures sensuelles de ce personnage hors norme dont je rêve qu'il m'embrasse dans les deux sens du terme. De la bouche et des bras.
Pardon de me laisser aller à l'évocation de ce fantasme sulfureux mais bien innocent, vous en conviendrez...

Patrick Mandon a dit…

Nuit d'insomnie. Je découvre votre message, Célestine au regard de braise. Brando… Je comprends fort bien qu'il vous fasse un tel effet, et certes, Céleste, vous eût-il vue qu'il vous aurait aussitôt entraînée dans son vertige… On voit bien le choc de sensualité qu'a pu représenter l'irruption sur les écrans du jeune Brando. On n'avait jamais vu cela auparavant. Le génie de Kazan fut d'avoir sollicité et canalisé cette manière de brutalité musculeuse. Brando, c'est vraiment un mélange de testostérone et de chagrin inconsolable, avec ce qu'il faut d'œstrogène pour le rendre plus sensible encore à tous les désirs. Célestine, je vous souhaite d'être souvent visitée par cet ange « sulfureux » nommé Brando.