Deux français, Lucie Galibois et François Grimaud, ont superbement assimilé l’esprit musical de la Roumanie ; ils l’ont marié à des influences serbes et croates, et ils font chanter tout cela sous l’archet d’un violon et dans le souffle d’un accordéon. Je dédie ce morceau à la belle brune Nadia, comme un rappel heureux de ses longues origines roumaines et ashkénazes :
Le cher Jean-Michel Théaux me souffle à l'oreille une autre tonalité de notre Europe centrale tant aimée, un son tzigane modifié yddish, klezmer pour tout dire, joyeux, accompagné, s'il-vous plaît, par Itzhak Perlman en personne :
À quelques autres, je suggère d'entendre ce pur moment de belle humeur, extrait du film Ko To Tamo Peva, film yougoslave (1980) écrit par Dušan Kovačević, mis en scène par Slobodan Šijan.
À toutes celles et à tous ceux qui m’ont fait la grâce de suivre mes petits chemins de contrebande, j'offre cet instant, en compagnie de Volodia (Vladimir) Poliakoff. Il fut la très belle voix de basse de la chanson tzigane. À Paris, il se mêla souvent à la famille Dimitrievitch, et fit les belles nuits des cabarets. Il put compter sur l'amitié de Joseph Kessel, qui ne fut pas avare d’admiration ni de soutien au génie tzigane :
La musique tzigane est désormais délaissée, elle ne paraît plus combler l’attente sentimentale de mes contemporains ; bien sûr, je le déplore, mais je me réjouis de l’excellent travail de mémoire qu’accomplit notre ami RusNasledi, dont vous trouverez l’adresse dans la liste « Gotha » ci-contre.
Je vois bien que quelque chose se trame, un grand « remuement », et que s’annoncent des temps difficiles. Je suis partagé entre la double tentation du neuf et de l’ancien. J’appartiens au signe du verseau. Feue Madame Soleil, qui officiait jadis à Europe 1, et que j’ai bien connue, le regardait comme le parfait signe de l’air. Germaine Soleil était une femme très étonnante, bien supérieure à la pittoresque pythie périphérique, dont la mémoire s’éteint avec les derniers lecteurs de France-Dimanche. Elle me dit un jour, sur le ton de la confidence navrée, que nous quittions progressivement l’ère du verseau, née avec le Christ, expansive, dilatée, voyageuse, avide de science, de découverte, de sensation. Elle fixait le terme de cet accomplissement, progressif, vers l’année 2010.
Je me trouve, bien loin d’ici, dans un pays de brume et d’eau. Depuis quelque temps, je ne cesse de me déplacer, tel un tzigane de luxe. Il y a une sorte d’enchantement des brumes crépusculaires, un envoûtement : elles semblent vouloir nous entraîner après elles, nous envelopper, nous ensorceler de vapeur froide. Je crains la terre sombre, la dure logique de la glaise, qui se tient sous nos pieds, toujours prompte à nous blesser, impatiente de nous ensevelir.
Mon sang mêlé aime les métamorphoses.
Le vent passera sur tout cela, et le dissipera.
10 commentaires:
Merci, cher Patrick, pour ce bien joli billet et ses trois superbes extraits. La belle voix de basse de Volodia Poliakoff, en particulier, donne le frisson. Cette musique tzigane, qui nous remue au plus profond, exprime à la fois le gai et le tragique, elle contient à la fois le mal de vivre et son remède. Dans le film de Monicelli « Mes chers amis », ressorti en salle ces jours-ci pour la plus grande chance et le plus grand bonheur des Parisiens (au Champollion), les cinq compères ne disent-ils pas d’ailleurs qu’ils sont « d’humeur tzigane » quand leur prend l’envie de faire une de ces virées où reprend le dessus leur désir de liberté, de fantaisie, de fuir l’ennui et le désenchantement du quotidien – le désespoir n’étant toutefois jamais très loin…
Très beau texte, cher Patrick, cher enfant de la Mitteleuropa; texte si frémissant qu'on en risquerait un rhume de coeur.
(et comme la musique klezmer est proche de ce que vous avez si justement choisi de nous faire entendre aujourd'hui)
ps : je ne manquerai pas de souhaiter une heureuse fête à Florence.
À Florence, une fête d'amour et d'humour, une fête jusqu'à la fin de la nuit, une fête qui valse et virevolte, dans les bras de celui qu'elle aime, une fête éblouissante à trois temps, dans un bal perdu…
Nouvelles de la brune...
Si l'Est vous a pris, alors l'Est n'est pas prêt de vous rendre mon cher Patrick. Il est du genre à coller au coeur, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai. Il correspond si bien à nos natures inquiètes et secrètes, tristes et gaies, ardentes et contemplatives. Si le delta vous y autorise, retrouvez un jour la route de Londres néanmoins, c'est bruineux et ombré à souhait ! Je vous embrasse très tendrement mon ami.
Merci beaucoup à tous les deux ! Oui Patrick, je n'y manquerai pas. Ce petit bal perdu, on y revient toujours finalement, et quand il ne reste que l'essentiel il reste toujours ces quelques pas de danse.
Cet espace reste pour moi un enchantement, un refuge, la belle référence. Pour tout cela, merci Cher Patrick.
Corinne est de retour ! C'est pour nous tous une très heureuse surprise. J'ai toujours aimé le talent d'esprit et de plume de cette discrète jeune femme, qui fut parmi les premières visiteuses de ce lieu.
Je la salue chaleureusement, et, pour tout dire, je l'embrasse.
Merci très cher Patrick, votre accueil chaleureux me touche, j'en suis émue. Votre amitié m'est précieuse et réciproque n'en doutez pas. Je vous embrasse tout également.
Un bonsoir très amical à Corinne, je savais que nous nous reverrions "ailleurs" n'est-ce pas ? Chez Patrick, nous sommes un peu chez nous...
Nadia
Chère Nadia ! Merci de cet amical salut que je vous rends bien volontiers. Toujours dans les brumes londoniennes ? Ravie de vous retrouver ici. Chez Pat, c'est bath, oui ! :-)
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