Cet homme est beaucoup moins connu que son nom : Serge Lutens. Je l'ai rencontré il y a longtemps, à l'occasion du lancement d'un parfum. C'est dans cette manifestation élégante, que j'avais croisé une égérie de la scène pop anglaise, Anita Pallenberg : elle ne s'en souvient pas, mais, quant à moi, je me le rappelle parfaitement.
Serge Lutens, dans cet entretien, livre des choses fondamentales, sur le ton amusé de la confidence. Son raffinement ne sent pas la fabrique, il en a trouvé la source en lui-même, et, certainement, grâce à son audace morale.
Sur sa mère, sur le maquillage, le noir, les parfums, sur la transformation d'un visage (l'épisode de la coupe des cheveux d'une jeune femme, alors qu'il est apprenti coiffeur), sur l'apparence et l'anti-nature, sur la sophistication baudelairienne… Serge Lutens parle, c'est rare et c'est remarquable.
33 commentaires:
Quel délicieux moment vous nous faites partager là !
Cet homme a tout ce qui représente pour moi "l'honnête homme", en son sens XVIIe. Le récit de sa première coupe de cheveux qu'il voudrait symboliser par la coupure du cordon alors que tout au long de son propos les références à sa mère et à son père sont légions : cet homme rare ne ment pas, il ne connait pas le détour.
ps : bien sûr, anecdotiquement, je remarque qu'il n'a rien perdu de son accent (léger) du Nord : écoutez les mots "autre", "chose", "dispose" où le son "o" est prononcé de manière ouverte !...
Lors des mes passages à Paris, je ne manque jamais flâner au Palais Royal, me disant chaque fois... c'est aujourd'hui que je l'apercevrai. Un sourire dans un regard, comprendra-t-il ? (tous les voyages dans une chevelure qu'il me donne)
Bel entretien, merci pour ce lien.
IS, vraiment ? Vous répétez cette cérémonie secrète, connue de vos seul(e) ? Ce qu'il a conçu, au Palais Royal est si parfait !
Il me plaît l'éternel retour au Palais Royal, que vous accomplissez.
On cherche des êtres « au fond des chambres, où la lampe est allumée »…
Revenez ici, comme au Palais Royal.
C'est un cache-cache muet et respectueux, que lui dirais-je ?
Oui, la boutique est un endroit merveilleux, dont on peut très aimablement lire les détails tout en laissant flotter un bout de son nez sur la trace évanescente des parfums qui ont été ouverts avant que vous n'entriez...
Je ne connais pas, ou ne reconnais pas, les mots que vous citez.
Le texte exact est :
Je t'ai cherchée au bout des chambres
Où la lampe était allumée
Nos pas n'y sonnaient pas ensemble
Ni nos bras sur nous refermés
Que sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée à la fenêtre
Les parcs en vain sont parfumés
Où peux-tu, où peux-tu bien être
À quoi bon vivre au mois de mai
Que sais-tu du malheur d'aimer
(extrait d'un poème d'Aragon, « Le malheur d'aimer », tiré du recueil Le voyage de Hollande et autres poèmes
On notera la grande qualité du journaliste, Patrick Simonin, attentif aux propos de Serge Lutens, parvenant, par l'admiration qui sollicite le questionnement, à vaincre la réserve de ce dernier. Ce type d'homme, chez les journalistes de télévision, est une exception.
Merci d'avoir recherché le texte pour moi
("Néanmoins la lampe allumée sur l'interminable lecture" P. Jaccottet)
Serge Lutens parle de ses malheurs d'enfant dans le rire et le détachement, non comme un parvenu qui croirait avoir définitivement soldé cette période en échange du luxe, mais par la grâce de la sensibilité intelligente, celle qui vous rend capable de devenir, à travers tout.
Courtoisie accomplie de celui qui sait ne rien faire peser sur les autres.
Jaccottet, dans l'ordonnancement strict de ses traductions d'haîku (Jaccottet ne met jamais de 's' à haîku) :
Monde né d'une déchirure
apparu pour être fumée!
Néanmoins la lampe allumée
sur l'interminable lecture
----- et celui-ci aussi :
Ce mouvement presque invisible
sous la brume
comme si là-bas
s'envolaient des oiseaux
------
"Il faut toutefois remarquer que cette parole du haïku reste toujours parfaitement simple et naturelle, ou du moins le paraît. Mais ce qui paraît simple et naturel n’est pas du tout facile (comme ont l’air de le croire ceux qui fabiquent aujourd’hui du haïku en série). Il faut viser d’autant plus juste que sont peu nombreux les éléments du poème, en peser le poids sur des balances d’autant plus sensibles qu’ils sont plus légers. Alors seulement, la cible atteinte n’est plus une cible, mais une ouverture où la flèche se sera engouffrée ; alors seulement, le coup d’éventail imperceptible aura produit une onde capable de se propager à l’infini." P.J.
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Surprise également quand P.J. évoque Rimbaud comme premier français à écrire des haîku et rappelle :
J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ;
des guirlandes de fenêtre à fenêtre ;
des chaînes d’étoile à étoile, et je danse ».
Arthur Rimbaud, 1870
Merci, Jean-Michel, de cette belle variation sur le haïku.
(sourire) enfin apparaît le message me signifiant que mon commentaire a été enregistré.
Vous serez aimable de supprimer les triplons...
C'était donc vous ! Je vous salue, madame, et je vous accueille avec plaisir. Je dois partir, mais je reviendrai ce soir.
« Votre badinage d'une seule nuit est cependant plus convenu reconnaissez-le. »
Je le reconnais, je reconnais tout !
Comment m'avez-vous trouvé, je ne donne cette adresse à personne ? Avec l'Internet, bien sûr !
Cette "adresse" n'a pas changé depuis mes seuls commentaires sur cet article exactement... (et la suppression du dernier où je m'exposais un peu trop, il m'en souvient)
Fichtre, nous sommes déjà fâchés ?
Fâchés ? Jusqu'à présent, je ne vois aucune raison à cela, au contraire, ces rendez-vous clandestins, dans ce coin reculé de mon blogue, m'enchantent. À la vérité, quelle charmante invitation ! Si vous le souhaitez, nous pouvons nous fâcher, à condition que cela se fasse ici, pendant quelque temps encore, et par messages interposés. Ensuite, eh bien, l'un et l'autre, nous reprendrons le cours de notre vie numérisée. Contrairement à beaucoup, je pense que chacun d'entre nous a une empreinte numérique, qui le signale avec une certaine précision, qui délivre sa part de vérité. L'Internet ne masque que l'apparence physique, mais il rend compte d'un, voire de plusieurs aspects de la personnalité. L'écriture par ce medium, c'est encore de l'écriture, c'est un exercice de restitution, contre le grand éparpillement. Même chez Causeur, dans l'énorme machinerie des attaques en règle et des réponses d'assaut, nous sommes à visage découvert, alors que beaucoup se croient masqués.
À bientôt peut-être, ici-même.
C'est bien pour ça [empreinte numérique]que je j'avais choisi de supprimer un de mes commentaires ci-dessus, il y a tout ce temps. C'était certes spontané (par rapport au fil) mais en quelque sorte prématuré.
Vous écrivez « il y a tout ce temps », qui n'est nullement fautif, pour « il y a longtemps ». L'expression « il y a tout ce temps » possède quelque chose de littéraire, mais aussi d'étrange, un raffinement sans calcul. On l'employait, jadis, dans les romans. Deux êtres se retrouvaient après « tout ce temps ».
Avez-vous conservé ce message « prématuré » ?
Je n'en ai conservé que l'esprit, et un détail, un lien qui menait à mon blog (ici l'on peut placer un smiley je crois).
Parlez-vous comme vous écrivez ? (je sais parler de quelques manières: charretier, gouailleuse, douce... tout dépend qui m'écoute, m'entend)(c'est terrible)
Il est bien tard, je me suis levée très tôt ce jour, permettez-moi de filer au chaud.
À demain, ou à un autre jour, quand vous le voudrez. Vous savez où me trouver.
Merci de votre gracieuse invitation dans votre repère. J'ai commencé à visiter, et cela me plaît. Essayons de ne pas nous fâcher dans l'immédiat, donnez-moi le temps d'en savoir un peu plus.
Je dois m'absenter, mais je reviendrai (votre observation de la vie commune est remarquable).
Le repère, sans doute, mais le repaire assurément !
:)
https://www.youtube.com/watch?v=e8DDU7lufcI
« Zwei Einsamkeiten*
[…]
« J'ai consigné cela aux cauchemars – de la nuit, des jours, d'une vie – et je l'ai ajouté à mes pensées ; puis j'ai refermé la porte du placard dessus. C'est une lourde et laide porte de placard, celle que je n'aurais pas dû ouvrir lorsque j'étais enfant. Je l'ai choisie pour tout contenir, chargée qu'elle était déjà d'une puissance dévastatrice originelle, celle-ci que je sais et que je rouvre devenue grande ; je l'ouvre quand je le veux et parfois aussi quand je ne le veux pas. […] »
Bien, mais cela, c'est autre chose, c'est de l'effroi pur, n'est-ce pas ?
Une sorte de cadavre dans ce placard, oui.
Bonjour cher monsieur, beau matin ?
(Je vous demande, comme une faveur, de poursuivre notre plan stratégique en vue d'une fâcherie, par voie privée, par messagerie, s'il vous plaît)
Certes ! J'ai cru comprendre que c'est cela qui vous plaisait, chez causeur. Je suis tout prêt à me fâcher, mais il faut que vous m'aidiez à faire naître une occasion de fâcherie. Prenez garde, néanmoins, je ne m'emporte pas si aisément. Il faut solliciter mon imagination. C'est elle qui me permet de me représenter une situation et la personne contre laquelle je m'emporte dans cette situation (le psy de service, idiot inutile, me dirait que ce ressort relève de l'érotisme). Je peux être odieux, mais vous aussi, je pense.
Avez-vous en tête un calendrier, une date limite, au-delà de laquelle, si la fâcherie n'a pas eu lieu, il sera vain d'insister, une date de péremption, en quelque sorte ? Êtes-vous pressée ? Pensez-vous à quelque chose de précis, un prétexte imaginé à partir de ce que vous avez déduit de mes emportements chez causeur ? Bref, si vous souhaitez rapidement de la fâcherie, il conviendra de m'assister.
Je vous donne une piste : hélez-moi à deux ou trois reprises de ce navrant « Bonjour cher monsieur, beau matin ?», ou toute expression dans le style voisin-voisine et autres banalités pré-cadavériques, et je ne tarderai pas à vous exprimer mon détestable sentiment.
(écroulée de rire)
[odieuse] Mauvaise pioche, je suis d'une grande civilité (qui confine à la pusillanimité diront les méchants).
Des motifs de fâcherie, en veux-tu, en voilà : je suis de plus en plus ignare, le monde me submerge et je m'isole, les mots et les noms viennent à me manquer (foutue externalisation de ma mémoire à cause des moteurs de recherche où mon esprit quelque peu documentaliste s'est faufilé avec joie), je confonds le baroque et le rococo, j'habite en province très campagnarde et Paris m'emmerde d'être si loin, exprès.
La fâcherie, comme motif filé, en attendant d'autres écheveaux.
Cela ne sera pas facile, si vous ne m'aidez pas. Vous me parlez de vous dans des termes qui ne m'irritent nullement, et sur un ton qui n'a rien pour m'énerver. Essayez de trouver quelque chose, dans un ordre qui m'agacera. Qu'avez-vous pensé de ce fil, à propos de Soral (lequel n'est vraiment pas my cup of tea aujourd'hui, alors qu'il aurait pu jouer un rôle de trublion intelligent. Il s'est noyé dans l'antisémitisme et dans l'hypercriticisme des exclus.
Mais qu'importe tout cela ! Nous nous fâcherons bien assez tôt, pour une raison futile.
Je vous sentais « country » raffinée, spectatrice des désolations provinciales.
La vie passe, comme une rivière : l'eau que l'on retient dans le creux de ses deux mains jointes s'échappe aussitôt sur les côtés.
(pour me faire pardonner ce que je vais supprimer)
https://www.youtube.com/watch?v=BhMUG7tNUR8
Sauvage
Ce haut bouquées de centaurées
Que chevauche le vent mouillé
Garde une braise violette
Dans sa résille de paillettes
Comme une fine coupe d'or.
Frôlant un pied de serpolet
Presque insolent sur l'herbe sèche,
Une touffe de menthe grecque
Agitant ses pompons pourprés
Mêle une touche balsamique
D'un invisible bleu d'encens
Aux mauves de cette harmonie.
Armel Guerne (in Rhapsodie des fins dernières,1977)
Je n'ai pas pu me rendre à l'adresse indiquée dans votre message ci-dessus.
Avez-vous reçu le mien, antérieur, à l'adresse que vous m'avez donnée ?
Je ne m'offusquerai pas que vous supprimiez vos lignes, ici, qui, pourtant n'ont rien de compromettant.
Oui, et je vous ai répondu.
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