mercredi 7 novembre 2012

L'amour aux enchères

























Pierre Drieu la Rochelle sut-il aimer les femmes qu'il aima ? Il est certains que presque toutes éprouvèrent pour lui une brève passion, suivi d'un sentiment très doux, maternel. Ce fut le cas de Victoria Ocampo. Il apparaît aujourd'hui que cette belle femme, d'un caractère fort, qui aimait les hommes séduisants, bien habillés, et intelligents, les écrivains surtout, ne cessa jamais de considérer Drieu d'un œil tendre, navré aussi. Elle fut charmée en un soir par ce grand gaillard solitaire, qui sentait bon, se montrait attentionné comme un jeune amoureux, mais pouvait disparaître sans laisser d'adresse.  Sur leur rencontre, la séduction immédiate qu'exerça Drieu sur la belle argentine, on en saura plus en lisant La belle argentine et l'homme perdu.
Quoi qu'il en soit, le jeudi 15 novembre, à l'hôtel Drouot, seront dispersés, dans une fort belle vente, des photographies, des livres et des autographes des XIXe et XXe siècles. Et, surprise, il s'y trouve deux lettres d'amour déclaré de Drieu à Victoria. Dans l'une, en date du 6 décembre 1939, l'entretenant de son roman « Gilles », sur le point de paraître, il a ces mots à l'adresse de sa chère argentine : « Il devrait t'être dédié en toutes lettres, en tous cas il l'est dans mon cœur, en tous cas il a été fait, jour après jour, en pensant à toi […] tu a été pour moi le modèle de force  selon lequel je pouvais lancer ma construction simple, hardie et vraie. ». Dans l'autre, non datée, il se reconnaît, une fois de plus, inférieur à son art, pratiquant l'autocritique avec une cruauté très lucide : « […] pourquoi ne suis-je pas un pur artiste ? Il y a cette passion politique […] Je regrette de n'être pas un pur, un plus grand artiste. […] Aime-moi, laisse-moi un peu m'appuyer sur toi. Nourrisons-nous l'un de l'autre […] à travers l'abominable, le vide, l'inhumaine absence, tâchons de tisser une toile réelle, une longue banderole d'un balcon à l'autre, à travers la nuit, à travers la mer […] »

Prix estimé de la première lettre : 1500/2000 € ; de la seconde : 800/1000 €

Vente organisée par maîtres Neret-Minet et Tessier ; expert Éric Fosse (par ailleurs excellent libraire).

On ira ici, et , et encore ici, et pourquoi pas là

7 commentaires:

Anna Valenn a dit…

...Ma réflexion, toujours la même, quelle trace laisserons nous ? Des pixels ? L'époque est à l'éphémère, au mouvement et au vide.

Patrick Mandon a dit…

« […] quelle trace laisserons nous ? Des pixels ? ».
C'est une formule vertigineuse, Anna ; vous devriez en faire quelque chose.

Anna Valenn a dit…

Patrick, aidez-moi. Seule, je n'y arriverai pas.

Sébastien Paul Lucien a dit…

Merci d'évoquer le souvenir de ce couple improbable. L'étonnante Victoria amoureuse du feu follet ... Je vais quelquefois visiter la demeure-musée de celle-ci, la superbe Villa Ocampo près de Buenos-Aires, et je songe souvent aux beaux ténébreux qui lui tinrent compagnie sous la grande véranda, Drieu, Caillois, Camus, Bioy Casares, Vargas LLosa,Tagore etc...
Amitiés
http://mescouleursdutemps.blogspot.com.ar/2010/10/chez-victoria-ocampo.html

Patrick Mandon a dit…

Cher Sébastien Paul Lucien, je ne peux que redire à ceux qui passent ici de se rendre dans votre belle demeure d'émotion. Ils y seront émerveillés.
Sébastien en Argentine, Nuageneuf dans le Nord, Joël H. à Lyon, Vincent Deyvaux, Thierry Marignac et Pat Caza à Moscou, Tanya en Amérique, Esther et ses amis ailleurs (?), tous les blogues qui peuplent mon Gotha démontrent la résistance de l'esprit, de l'intelligence, de la culture au conformisme et à la soumission.
Anna, vous êtes charmante, votre sourire est tendre, vos yeux réclament un intérêt que toute votre personne mérite.

Marignac a dit…

Bigre ! Quel dommage que je ne sois pas passé sur ce blog auparavant (extrême-oriental comme chacun sait) j'aurais participé aux enchères de Drouot…

Quels rêves visitent l'exilé,
Seul le Diable se figure…
(Sergueï Tchoudakov)

Patrick Mandon a dit…

La bienvenue à Thierry Marignac, dont je redis ici qu'il incarne une « tenue » littéraire, qui ne doit rien à la posture. Je vous engage toutes et tous à vous rendre au blogue antifixion, qu'il partage avec deux grands tempéraments, Pat « bielle hurlante » Caza, et Vincent Deyveaux, dont les portraits de russes « ordinaires » constituent un album absolument indispensable.
Ces trois garçons produisent quelque chose qui ressemble à une œuvre.