Il s'appelle Arnaud Fleurent-Didier, et doit avoir une trentaine d'années. J'avais entendu sa chanson, intitulée France Culture, il y a quelque temps déjà, une chanson triste comme une génération mollement sacrifiée. J'ai l'impression qu'elle dit, sur un ton de banalité morne, des choses intéressantes…
16 commentaires:
Et même un peu plus que ça, mon cher Patrick. C'est le constat brillant, amer, lucide d'une fin de l'histoire. La nôtre, celle des hommes du monde d'avant.
Il faudra songer à partir un jour ou l'autre, et ce ne sera pas à cause de je ne sais quelle invasion allogène, ce sera parce que nos propres compatriotes auront muté, comme dans ce film, ou plutôt ces films, prodigieux que sont Body Snatchers.
oui Patrick plus que ça! c'est si juste! merci pour la découverte
J'ai presque envie de dire à Jérôme Leroy, comme Atreyu dit à son cheval dans L'Histoire sans fin "non, ne te laisse pas envahir par la mélancolie des marécages". Il y a encore du monde d'avant dans ce monde pendant.
Ouais, c'est pas mal, il y a du punch dans cette aphasie. Les invasions de toutes sortes, allogènes aussi, nonobstant les bonnes consciences, jouent leurs rôles dans cette mutation qui n'est pas arrivée par hasard non plus. Comme lorsqu'on n'a plus comme référence que des films américains de troisième zone. Voilà une invasion allogène. Ce n'est pas la seule, c'est sans doute la pire.
Eh bien, une petite chanson peut déclencher une passionnante réflexion sur l'époque !
Cécile Delalandre : heureux de vous l'avoir fait découvrir. Votre propre écriture, certains de vos récits relèvent d'une forme d'inventaire de la France. Je recommande évidemment à tous de vous rendre visite.
Suzanne, vous aussi, à votre manière, vous nous parlez de la France « passée » mais persistante, comme on le dit du feuillage de certaines plantes.
Jérôme et Thierry (Marignac), deux amis très unis dans la vie, se répondent ici. Comme Thierry, je pense qu'une forme d'« invasion allogène » n'est pas tout à fait nulle dans le processus en cours. Les étrangers ne me dérangent nullement, bien sûr, mais je souhaite que ces étrangers (dont quelques-uns sont inquiétants), ne cherchent pas à nous imposer leurs comportements sociaux. Ainsi, par exemple, je ressens le voile intégral, la burka, visibles désormais dans de nombreuses villes de France, comme une agression culturelle, comme une manière de refus systématique et raisonné de se mêler à nous, de se laisser pénétrer par notre culture.
La question demeure posée : sommes-nous encore conscients de cette culture, de sa force et, en particulier, de sa grande « ductilité », de sa capacité à ingérer, digérer des cultures « allogènes », à les transformer et à les restituer sous une autre forme, celle-ci « française ». Le malaise vient peut-être de nos propres rangs : que reste-t-il de France culture ? Cette réflexion n'est pas strictement nationaliste, mais elle peut nous aider à survivre dans un monde prétendument unifié. Ce monde est un leurre. La vielle Europe a inventé une chose exceptionnelle, une manière de traverser le réel, de s'en défier, de le défier aussi, et une façon de vivre qui n'a pas d'équivalent.
Brillant, certes. Lucide. Certes. Mais trop amer. Je refuse de croire que tout un pan de notre culture est mort. Parce que je suis dans la transmission, et que j'y crois. Parce que si on n'y croit pas un minimum, dans ce travail-là, on meurt. Et je vous avouerai que je n'ai pas trop envie de mourir tout de suite.
Mais il est vrai que c'est un combat (d'arrière-garde?) de tous les jours que de maintenir la pratique d'un français correct, de l'orthographe, de la syntaxe, du beau langage. Et surtout de donner le goût et l'envie de lire et d'écrire aux enfants à l'heure de l'omniprésence de l'image et du numérique. Si l'on ajoute que la maison est minée de l'intérieur par les politiques et les pédagogistes,et le culte du "tout se vaut" j'admets qu'il y a de quoi être amer. A moins d'être une incorrigible optimiste, ce que je suis.est-ce que cela fait de moi une "femme d'avant"?
Oui, cher Patrick, ce qui me choque dans les discours œcuméniques des penseurs de la Grande Fraternité sans Frontières, c’est l’absence de réalité. En ce sens, je n’aurai aucun scrupule à la ramener une fois de plus sur mes années de lumpen, et mes années tant à la Goutte-d’Or, qu’à Jersey City chez les Noirs ou dans le quartier d’Akademitcheckaïa à Kiev, haut lieu des gangs et de la came. Lorsque mon voisin rebeu à Château Rouge où je vivais avec mon ex-épouse d’origine algérienne a commencé à me regarder de travers parce que que je rapportais de la bière pour moi et ma femme, je l’ai pris à part pour lui dire que s’il insistait je ne descendrais plus avec lui virer les fumeurs de crack qui pourrissaient l’immeuble. Or, je suis, c’est de notoriété publique, un ancien toxico. Ce qui ne signifie pas que je vais laisser les camés me pourrir la vie pour l’éternité. Ni que je vais les balancer. Du reste, je leur ai plusieurs fois sauvé la mise, en leur conseillant de mettre les bouts avant que mon voisin rebeu, qui protégeait ses enfants, ne se mette à les ruiner (au sens concret du terme, et il était costaud). En gros, je veux dire qu’hélas la vie est plus complexe que ne se représentent ceux qui ont des idées généreuses à bon marché puisqu’ils vivent hors de portée des conséquences réelles qu’elles auraient s’ils étaient vraiment au milieu de la merde. En bref, l’hypocrisie des nantis de gauche qui n’ont jamais sauté un repas de leur vie, me fout souvent les glandes. Elle est bien commode, et il est clair qu’ils n’ont jamais eu à faire face à la réalité du peuple, lequel n’a, la plupart du temps, rien de plus pressé que de reproduire les hiérarchies en vigueur. Apôtres du troisième millénaire, ils prétendent le « sauver » de son « aliénation », prétendument coupable de tout. Ils ont lu Marx et l’ont compris, ils peuvent éclairer l’humanité égarée de son errance dont seul le capitalisme est coupable, bien entendu. Je pense qu’entretenir des doutes sur ce prêchi-prêcha est plutôt un signe de santé. Ses sectateurs privilégiés tourneraient vite casaque s’ils étaient confrontés aux conditions réelles dans lesquelles l’affrontement se déroule. Et si ça doit me faire passer pour un facho, je répondrai une fois de plus que peu des grandes consciences ont vécu là où j’ai vécu, par choix, et en étant respecté.
Célestine, Thierry, vraiment, je vous remercie pour la qualité, la force de vos interventions, que je trouve, l'une et l'autre, exemplaires. Célestine proteste au nom de la transmission : en effet, comment ne pas croire à la pérennité des choses de l'esprit et de la culture, donc de la langue, lorsqu'on se donne pour métier de transmettre ? Célestine ne saurait s'offrir le luxe, ni céder à la tentation de désespérer.
Thierry, je vous retrouve ici tel que je vous imagine et vous connais. Depuis si longtemps, depuis votre premier livre, vous refusez l'hypocrisie et la fausse, prétendue et mauvaise « bonne conscience » de nos sociétés. Je vous remercie pour la puissante sincérité des lignes, que vous avez écrites. Je vous sais gré de nous les avoir confiées. Ni racisme ni angélisme, lequel est d'ailleurs une forme déguisée de racisme.
Je vous recommande la visite du blogue de Célestine http://celestinetroussecotte.blogspot.fr/: il y a de la finesse, de la malice et du simple et complexe bonheur de vivre.
Thierry et ses amis Vincent Deyveaux et
Kira Sapguir, ont fondé et animent un repère de littérature, qui nous permet de supporter l'atroce médiocrité des « rentrées littéraires » françaises : http://antifixion.blogspot.fr/
Merci beaucoup cher Patrick, pour votre réponse. Je vois qu'il existe encore maintenant des " hommes d'avant" qui connaissent le raffinement et la cordialité. Ça fait plaisir.
C'est assez bien ficelé et plutôt roublard mais au final, j'y retrouve l'attitude résignée et irritante des trentenaires J'en fréquente au travail surtout. Ils sont vêtus comme des touristes du Réel, vous voyez le genre faux pauvre avachi et ils soupirent que "tout a été fait", ont des avis sur tout en nous demandant, en l'exigeant, le mode d'emploi pour tout.
Le titre de votre blog me plaît bien alors j'ai cherché (un peu) du côté du cinéma français d'"avant". Si j'écris "Charlotte et Véronique", je suis sur la bonne piste ?
René Claude : vous êtes en effet sur la bonne piste ! Voyez ici : http://touslesgaronssappellentpatrick.blogspot.com/2010/06/comment-tappelle-tu.html
« Touristes du réel », joli ! Ce trentenaire-là est peut-être différent. J'ai l'impression qu'il veut sortir du lot
J'aurais du être plus attentif.
Vous avez raison, ce trentenaire a un talent, il sait rassembler assez joliment des fragments encore vifs du grand miroir aux alouettes. C'est déjà ça, même si c'est encore pour chanter l'amère impuissance devant (dans ?) ce miroir que les trentenaires ont appris à aimer. Faire l'école buissonnière du postmoderne, c'est autre chose.
« Faire l'école buissonnière du postmoderne, c'est autre chose. »
Ah, là, René Claude, vous êtes tout près de quelque chose. Ce « postmoderne », n'est ce pas la terrible contrainte, d'apparence fort aimable, qui nous invite à passer à « autre chose », à nous débarrasser définitivement des formes anciennes, mais non pas à la manière de Baudelaire, ou de Rimbaud, pressés d'en finir avec le monde ancien, parce qu'ils pressentaient une beauté neuve et jamais mise au jour, mais à la manière d'un liquidateur, qui veut une vente rapide ?
Les nouveaux talents n'osent plus vraiment chanter. Ils ont adopté ce parler/chanter façon Gainsbourg sous valium qui les fait tous sonner pareil. Je les entends gênés d'oser encore laisser filtrer leur mince souffle de voix. Les jeunes talents britanniques du songwriting - je ne parle pas de la pop - n'ont pas cette retenue, du coup sur album et sur scène, ils redonnent envie.
Pour illustrer ma remarque précédente sur la systématisation du parler/chanter, j'ai ressorti l'album - plutôt bien produit d'ailleurs - de Nicolas Comment, "Nous étions Dieu" édité il y a quelques saisons. (2010)
http://www.youtube.com/watch?v=bMzMTCvElxY
Je ne l'avais pas réécouté avant de déposer ce commentaire...
Enregistrer un commentaire