samedi 11 mars 2017

Retrouvailles



Il y a dans la lucidité de Drieu la Rochelle une sorte d'adieu aux armes qui sont données aux hommes dans l'enfance.  Non pas des armes de poing, non plus des armes blanches, seulement des armes de parade et des armes d'esquive : plutôt que des escrimeurs, elles font de nous des « esquiveurs ». Un jour, l'une d'entre elles s'enraie, et nous voilà désappointés ! Puis le mécanisme d'une autre se dégrade, et nous nous sentons menacés. La dernière nous lâche en pleine bataille, et nous sommes désarmés.



Au vrai, Drieu se tint à l'écart du monde, choisissant une vie « libre et dérobée ». Quand il voulut « épouser son temps », maladroit qu'il était, et blessé depuis l'enfance, obsédé de décadence, rongé par ce terrible poison de la mort lente qu'on nomme la détestation de soi-même, il choisit à dessein le numéro perdant de la tombola.
À la Libération, se sachant compromis et compromettant, n'espérant aucune grâce, il n'accepta de sanction que de lui-même. Il voulait un jugement sans appel, et la détestation générale. Il n'obtint ni l'un ni l'autre. Son souvenir n'a cessé de hanter ceux qui l'avaient connu ; quant à celles et ceux qui l'avaient aimé, ils firent sans effort prospérer leurs sentiments pour lui.




Deux chansons, deux interprètes accompagnent cet insignifiant billet : je parlerai prochainement de Marie France, qui donna un ravissant spectacle très cabaret-velours-cramoisi au Divan du monde, et je voulais partager le charme « balnéaire-côte-d'Opale » de ce dandy tranquille nommé Benjamin Schoos.
Si vous passez par ici, qui que vous soyez, sachez que je vous les destinais.

Sur Drieu la Rochelle :

L'homme égaré    Le choix d'un frère     L'amour aux enchères     Fin de partie 2 Avec amitié–     Bruissement     Et l'argent de mes cheveux…    La belle argentine et l'homme perdu

4 commentaires:

R. Claude a dit…

Cher Patrick,

Merci de vos commentaires... Que je ne parviens pas à afficher (?)
A bientôt

RC

R. Claude a dit…

Au moment de la Libération, des collègues écrivains et des amis avaient conseillé à Drieu d'aller se faire oublier quelques temps en Suisse (comme Morand). Ils lui promettaient l'Académie française à condition d'être patient (comme Morand). Si l'auteur de "Parfaite de Saligny" avait été complaisant, Drieu s'était sérieusement compromis et avait perdu. Il s'est épuré tout seul. J'ai posé la question d'un exil helvétique de Drieu à Pol Vandromme qui m'a répondu "Peut-être..."

Nuagesneuf a dit…


Fallait attendre quelques jours après votre communication ...quelque peu subjective (à mon goût que vous connnaissez ou pouvez deviner (!) ) pour vous souhaiter aujourd'hui une bonne fête!
Avec toute l'évidente amitié.

ps : rien à voir. Curieuse époque que la nôtre où les allemands font du business et les Juifs font la guerre...!...

Patrick Mandon a dit…

Cher Nuage, mes compliments pour ce trait d'humour, qui est un trait d'esprit : « Curieuse époque que la nôtre où les allemands font du business et les Juifs font la guerre...! ». Le prince de Ligne l'aurait beaucoup apprécié. Je l'imagine même le répéter, en nommant son auteur, dans un couloir du congrès de Vienne. Considéré comme le « Maître des plaisirs » du congrès, il aurait suivi une jeune personne, un soir, jusqu'à son domicile. Mais, « au déduit », comme on désignait la chose au XVIIIe siècle, trahi par ses forces, il aurait eu un malaise.
Il est mort le 13 décembre 1814. Lié d'amitié avec notre Talleyrand, il lui avait glissé à l'oreille, quelques jours auparavant « le plaisir conquiert la paix ». La légende (à la hauteur du personnage) veut qu'il ait murmuré avant de quitter ce monde : « Il manquait une chose au Congrès : l'enterrement d'un feld-maréchal (c'était son grade dans l'armée), je m'en occupe personnellement ! » (ce genre de cérémonie donnait lieu à une étincelante parade militaire dans les rues de Vienne). Là-dessus, il rejoignit son Créateur, qui souhait depuis toujours avoir avec lui une conversation « spirituelle ».