lundi 29 mai 2017

Beaucoup de Sicile, un peu d'Italie

Il y a peu de temps, l'exquise Anne me suggérait d'entendre une chanson italienne, par Fausto Mesolella (voyez À nul autre pareil, le plaisir de déplaire). Celui-ci, me précisait-elle, venait de mourir : il avait le cœur faible… et tendre assurément. Ce fut une découverte et un grand plaisir, dont je la remercie vivement.
J'ai trouvé cette chanson, interprétée par le même, à la guitare, et Toni Servillo au chant. J'aime beaucoup Toni Servillo, qui me fut vraiment révélé dans La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino (2013).
Anema e core (anima e cuore, Âme et cœur) est une chanson napolitaine, composée, dans les années cinquante, pour la musique, par Salve D'Esposito, et, pour les paroles, par Tito Manlio (pseudonyme de Domenico Titomaglio. On notera que Tito Manlio est le titre d'un opéra moins connu de Antonio Vivaldi).
Il est question de quelqu'un qui perd le sommeil, de lèvres (de bouches) qui ne veulent pas de baisers, d'appels qui demeurent sans réponses…
Nuje ca perdimmo 'a pace e 'o suonno
Nun 'nce dicimmo, maje pecchè?...
Vocche ca vase nun ne vonno,
 Nun so' 'sti vvocche, oj né!
 Pure, te chiammo a non rispunne
 Pe' ffà dispietto a mme...

Toni Servillo et Fausto Mesolella, Anema e core



Roberto Murolo, Anema e Core


Voici encore Mi votu e mi rivotu, écrite dans les années 1880 par Paolo Frontini (1860-1939), originaire de Catane, très connu et apprécié au-delà de sa terre natale. Le texte original, dans la langue siclienne, dit à peu près ceci en français (pour les premières strophes):
Je me tourne et me retourne en soupirant
Je passe la nuit entière sans sommeil
J'imagine ta beauté
Ainsi va ma nuit jusqu'au jour

À cause de toi je ne trouve pas le repos
Mon pauvre cœur ne trouve pas le repos…
 
La voici par Carmelo Zappulla :


Enfin, pour mon plaisir (le plaisir est la manifestation la plus aboutie de l'égoïsme aimablement partagé), cet extrait du film La Grande Bellezza :



Un homme (Toni Servillo, napolitain d'origine)) contemple l'arrogante bêtise de certaines choses contemporaines (dont l'art du même nom). Il s'en console en déambulant dans l'incroyable beauté de la ville de Rome et de quelques autres paysages. Il fut un mondain fameux, naguère, un critique d'art courtisé, mais aussi, finalement, soumis et conformiste. Il a vieilli, son esprit, sans s'aigrir, observe avec une distance de sévérité amusée la comédie, à laquelle il accordait tant d'importance. Il n'est pas encore las des êtres et des choses, mais il n'est plus la dupe de lui-même. Il n'a rien perdu de sa séduction, mais il n'en joue plus de la même manière. Bientôt, il n'accordera plus la moindre part au théâtre des apparences, mais, déjà, il ne convoite plus, il ne possède plus : il s'attarde, il contourne, il circonvient. Il ne craint pas la solitude, qui l'attend ; il a anticipé ses plaisirs comme ses désagréments. Il a consenti à s'avouer qu'il avait vécu. Rome est toujours dans Rome, et lui, un jour, n'y sera plus.
Nous sommes les passagers d'un véhicule immobile. Le brouillard qui environne notre course stationnaire et rapide ne nous interdit pas, cependant, de distinguer des formes et des visages adorables, qui peuplent nos souvenirs. C'est ainsi qu'un jour, allégés du chagrin ou de la ferveur qu'ils nous causèrent, ils viennent nous solliciter de ce service intime qu'on appelle la mémoire, par quoi ils survivent encore un peu et nous permettent de durer honorablement.

7 commentaires:

V. s a dit…

Une bonne idée que de découvrir la Sicile en chansons.
Un peu d'Italie, mais quelle Italie ! J'ai vu la Grande Belleza et c'est un film - tout comme son personnage principal - qui m'a marqué et que j'aime beaucoup. Et j'aime beaucoup ce que vous en dites ici.

Nuagesneuf a dit…

Plaisir d'apprendre et de découvrir, merci de cet article. Amitiés.

Patrick Mandon a dit…

« Le jour creusois d’une nuit parisienne
Le jour religieux d’une nuit païenne
Le jour indécis d’une nuit déterminée
Ou le jour cendres d’une nuit brasier… »

Voilà le début d'un poème que V.s a écrit dans son blogue. Je vous invite à le visiter, on y trouve une belle sensibilité.

Cher Nuage, je vous salue d'un geste de la main, qui a la signification d'une vive amitié, dont je ne me lasse pas !

Célestine ☆ a dit…

Magnifiques soupirs italiens, où la force de l'évocation nous emmène loin, au bout de trois simples notes de guitare. Voix chaudes, sensuelles, sourires enjôleurs.
Inutile de vous dire que j'aime.
Et quand Patrick rencontre Patrick, je suis doublement contente des hasards de cette blogosphère si décriée, et pourtant si charmante.
V.s alias Villa Seurat alias Patrick est un authentique poète du vingt et unième siècle, vous avez raison.
Mille baisers à tous ceux qui liront.
¸¸.•*¨*• ☆

Patrick Mandon a dit…

Ah, V.s serait arrivé ici via le réseau Célestine ! Il me paraît aussi qu'il y a chez ce Patrick une belle résonance .
Je ne m'étonne pas que les voix siciliennes séduisent la belle Céleste… La blogosphère est décriée par ceux qui en font un mauvais usage : ils n'ont qu'à éviter les mauvais lieux !

V. s a dit…

Merci beaucoup Patrick de l'invitation que vous faites d'aller visiter mon blog ainsi que de vos commentaires à Celestine et à vous, cela me touche beaucoup.
Comme elle vous l'a dit, je suis également un garçon qui s'appelle Patrick et je fais partie de son réseau. Je vous rejoins d'ailleurs tous les deux sur votre opinion de la blogosphère. Mon blog est sur le totem de Celestine et avec le votre et bien d'autres, je me sens en excellente compagnie.
A bientôt.

Célestine ☆ a dit…

Tout cela fait bien plaisir à lire...
Merci à tous deux
¸¸.•*¨*• ☆