vendredi 5 mai 2017

Faites vos jeux !

Faites vos jeux, en effet, pour que M. Macron, la créature de Hollande, puisse rafler la mise. Il a réussi son coup, le Bobonaparte de l'Amiénois ! Il convient de saluer son coup d'état tranquille : en quelques mois, il nous aura débarrassé de ce qui flottait encore de la médiocrité socialiste, et il aura pris dans ses filets le menu fretin comme les gros poissons paresseux du fleuve politicien. Hier, l'ineffable Manuel Valls, toreador pour salle de bain, arrogant et dominateur quand il est entouré de garde du corps, contrit et modeste dès qu'il est seul, petit bonhomme dans tous ses états qui se voudrait homme d'État, Manuel Valls, donc, l'avait chassé, avec cet air ulcéré de Jupiter sur talonnettes qu'il prenait pour se pousser du col. À présent, il se déclare prêt à le servir humblement. Ils iront nombreux à Canossa : la génuflexion les fait encore paraître plus grands qu'ils ne sont ! Grâce à lui, les extrémistes du centre-droit et les léninistes du centre-gauche, tous augmentés des girouettes émotives, auront connu une nouvelle jeunesse. Il est jeune, ils sont vieux et il les prolonge un peu ; il virevolte, ils bougent encore.
Emmanuel Macron les aura humiliés, c'est à dire qu'il aura soulevé le rideau de scène, qui dissimulait leurs ficelles de coulisse. Un jour, il faudra analyser ce phénomène français.
Il faudra aussi revenir sur l'écœurante propagande de la France dominante, avec ses alliés de circonstance, journalistes, intermédiaires divers, « intellectuels organiques d'État » ; cette propagande s'est mise, comme naturellement, par soumission naturelle à ce qui la récompensera selon ses vœux, au service de M. Macron. Celui-ci la soumet, d'ailleurs, avec cet air angélique et triomphant des séducteurs de petite envergure, qui connaissent par avance et par expérience le point faible de leur proie. L'acmé de ces manifestations d'allégeance restera sans doute l'accueil réservé par Mme Ernotte, patronne de la télévision publique, aux deux candidats, avant leur affrontement devant les caméras. La scène eut lieu à l'extérieur du studio, qui allait accueillir leur ultime rencontre avant le vote des français. Mme Le Pen est saluée courtoisement d'une poignée de main par Delphine Ernotte, puis pénètre dans les locaux. Arrivent M. Macron et son épouse. Mme Ernotte serre la main du prétendant, puis, se présentant devant Brigitte Macron, l'embrasse, affirmant ainsi non seulement une forme d'intimité, mais encore de connivence et d'allégeance. Même si les deux femmes se connaissaient suffisamment pour s'autoriser cette privauté, on pouvait s'attendre à une retenue dans cette circonstance. J'ai vécu en direct cette séquence avec stupeur : ces gens s'autorisent absolument tout. Ils ont la morgue de certains personnages de l'Ancien régime, ils jouissent de privilèges plus grands encore, et sans contrôle, mais ils n'en ont pas la légitimité, ni la simple noblesse sinon d'origine, tout au moins d'allure.
Je ne voterai pas pour Marine Le Pen : des « fidélités », à la fois heureuses et encombrantes, à des épisodes de ma jeunesse et à des personnes estimables me l'interdisent, mais je comprends que d'autres le fassent. et je me sens solidaire de ce peuple des oubliés, qui a trouvé dans les discours de Mme Le Pen un réconfort passager. Les socialistes de pouvoir, constamment à la recherche d'une clientèle électorale, qui leur garantira des places et des honneurs, ont délaissé le peuple, au profit des nouveaux possédants, de cette récente bourgeoisie urbaine, plus habile à dissimuler son appétit de possessions que les bon bourgeois de Flaubert, dodus et naïfs (leur ancêtre, le Bourgeois gentilhomme, a la naïveté des enfants qui s'émerveillent devant un jouet). Les socialistes de pouvoir ont également « considéré » les immigrés, ils ont cherché à rassembler sous leur bannière et à guider vers leurs bulletins de vote cette masse hésitante, voire indifférente. Pour cela, ils ont agité la menace d'un racisme agressif, qu'ils ont prétendu latent dans la société française.
Enfin, je trouve ignoble ce « mantra » des imbéciles de gauche, qui va répétant qu'il faut faire « barrage au fascisme ». Le fascisme premier, dans son origine italienne, a produit des idées et des œuvres, qui le place très au-dessus des pseudo-résistants du boulevard Saint-Germain. Le futurisme n'est certes pas le fascisme tout entier, mais il le frôle, l'inspire en partie, jusqu'à sa récupération, qu'il ne souhaitait pas nécessairement. Ce fut un mouvement culturel très nerveux, d'une grande ambition, certes dangereux dans sa volonté farouche de tout abolir de ce qui venait du monde ancien, mais passionnant et jeune à jamais. Alors, bien sûr,  frotté de politique et d'ambition totalitaire, il fut en quelque sorte « contaminé » par une idéologie, laquelle sombra dans la comédie absurde, puis dans le crime et la tragédie.
Emmanuel Macron est une énigme, dont la solution nous sera peut-être révélée, quelque jour, par une bouche d'ombre. M. Macron est un effaceur. Il installera dans ses meubles IKEA une république sans mémoire, un pays 2.0, affolé de selfies, morcelé, divisé comme jamais.
En attendant, il est là pour liquider la France, telle que je l'ai connue, telle qu'elle m'a séduit, irrité, émerveillé. M. Macron me liquidera.
Faites vos jeux, rien ne va plus !


8 commentaires:

ldm a dit…

Drole ! Mais on dirait que vous avez sous-estimé le toréador de salle-de-bain. Pas sur qu'il mérite encore un article.

Patrick Mandon a dit…

Valls finira peut-être par passer pour un martyr de la politique : rejeter par En Marche, condamné par les croûtons du Parti socialiste, sera-t-il contraint de placer un 49.3 personnel pour imposer sa personne dan le paysage politique ?
Il a fichu Macron à la porte, quant à lui, il passera par la fenêtre pour revenir. Valls ne connaît rien d'autre que la politique, il en vit depuis toujours, sans la politique, il n'existe pas.
Une chose apparaît dans ce psychodrame : le « gentil » Macron n'est peut-être pas si aimable qu'il a paru. Il se joue, ou laisse ses lieutenants se jouer, de Valls comme un chat de sa proie.

Patrick Mandon a dit…

Rejetez-moi, car j'ai écrit rejeter quand il fallait écrire rejeté !

Vincent Deyveaux a dit…

Il a surtout le don de faire le mauvais mouvement au mauvais moment, et entre démission ratée et ralliement intempestif, on ne retient plus que les trahisons ! Pourtant c'est lui, dit-on, qui a voulu Macron à Bercy, et qui souhaitait, mais ne l'a pas réalisée, la refondation du ps. Beaucoup de coups de menton, donc, et de comm.

Patrick Mandon a dit…

La surprise Vincent ! Figurez-vous que, dans la pile de livres que je lirai prochainement, se trouvent « Banditsky ! Chroniques du crime organisé à Saint-Petersbourg » de Andreï Constantinov , et « Guerre » de Vladimir Kozlov, deux titres de la collection Zapoï, aux éditions La manufacture de livres. Le premier est traduit par un certain Vincent Deyvaux, le second, par Thierry Marignac, lequel dirige la collection. Ces deux volumes me furent donnés par Daoud.
Pour ce qui est de M. Valls, en effet, on dit qu'il a souhaité qu'Emmanuel Macron rejoignît son gouvernement. On peut penser qu'il voulait orienter ce gouvernement vers le libéralisme, qu'incarnait le bel Emmanuel. Mais ce dernier ne démontra pas la reconnaissance qu'on attendait de lui. Il joua, très rapidement, sa propre partition. Je suis, jusqu'à preuve du contraire, persuadé que François Hollande a eu le projet politique de donner sa succession à E. Macron, et qu'il a berné M. Valls pour parvenir à ses fins.
À propos de communication : en effet, Valls fait un usage excessif et navrant de cet outil de gouvernement. Sa conception de la chose est terriblement datée, elle est d'ailleurs entre les mains de l'agence Havas, anciennement EuroRSCG, dont le président est Stéphane Fouks. Celui-ci a assuré toutes les campagnes du parti socialiste, celles de différents candidats (dont Jospin, éliminé au 1er tour !), et, par l'intermédiaire de Anne Hommel, s'est chargé de l'image de Dominique Strauss-Kahn. Ces gens ont un rapport ancien, je devrais écrire démodé, avec l'idée de communication. La France a changé, les temps ne sont plus seulement aux slogans sous une photo, renforcés par une campagne de soutien dans la presse. Qui prête encore une oreille attentive à ce que dit l'ineffable Jacques Séguéla, leur maître à tous ? La manipulation de l'opinion veut d'autres ficelles, que l'option hollywoodienne et l'usage de la langue de bois (dont la reine est indiscutablement Najat Vallaud-Belkacem) de ces personnages vieillis et dépassés.

Vincent Deyveaux a dit…

Ah… soyez indulgent avec le "Banditsky" SVP; j'ai été pressé et le résultat est un peu brut de décoffrage, trop, et cela manque d'huile, comme on dit à Marseille. EurosRSCG, tout cela sonne très "marrakech connection"… Maintenant, il faut etre young american leader ! Séguéla a su se mettre en avant, mais Colé était le vrai chef d'orchestre.

Patrick Mandon a dit…

Gérard Colé, certes, mais le grand inspirateur de la communication de François Mitterrand se nommait Jacques Pilhan. Il a théorisé, puis démontré par l'exemple, la valeur de sa « théorie » : un homme d'État, pour durer, doit créer le manque et, pour cela, ne se « produire » que rarement, comme doit être rare sa parole, son jugement. On verra dans cette idée fondamentale une sorte de sacralisation de la personne du président.
Les américains, aujourd'hui encore, considèrent que le maître de la communication politique à un haut niveau se nomme Jacques Pilhan.
Séguéla a joué une autre carte, qui lui a réussi, mais qui dure depuis trop longtemps pour ne produire d'autre effet que de mettre en évidence le ridicule de sa personne démodée. Il s'accroche aux branches.
Pilhan était vraiment intéressant, tout le contraire de Séguéla : un homme cultivé, réservé jusqu'au secret.

Vincent Deyveaux a dit…

Juste. Et je vous conseille le documentaire "les secrets des gourous de l'Elysée" où tout cela est décrit dans les détails, notamment la stratégie mise en oeuvre lors de la campagne de 81, chose peu connue. (La fameuse photo devant le village pour effacer la déplorable image du Mitterrand dans années 70 et d'avant, arriviste et retors) Colé a embauché Pihan, il a trouvé l'oiseau rare. Le documentaire était il y a 6 mois encore en accès libre, depuis je ne le retrouve plus.