J'épuiserai sans doute le sujet avec ce deuxième Intermède. Peut-être ai-je voulu signifier à la fois la marche du temps, la perception rétinienne que fondent durablement des visages associés à des faits négligeables en eux-même. Ils avaient la valeur d'un symbole, mais nous ne pouvions pas le connaître alors. Ce jeune homme aux traits réguliers, mort prématurément, incarne idéalement le bonheur français et la parenthèse heureuse qui va s'ouvrir au milieu des années soixante. Il s'oppose, ainsi, à ce temps d'épouvante que nous connaissons. Il permet, par sa seule grâce, que nous arrêtions les horloges, et que nous mesurions la profondeur d'un abîme… ou d'une illusion?
Mais j'ai cherché à dire autre chose, ou plutôt à dire plus intensément, plus sûrement la même chose, et je n'y parviens pas. Il se mêle à cela l'Histoire, la sociologie, la mode, la rêverie intime, la comédie charmante que se jouent les êtres, l'évidence du désir et ses masques, ses hésitations, ses parades. Je mesure ainsi mes faibles moyens.
Une excellente chanson :
Despax forme un joli duo en compagnie de Marie-France Boyer, actrice fameuse jusque dans les années soixante-dix, et, en outre, excellente photographe.
Et Bardot, encore !
Et Bardot d'abord !
En compagnie d'Olivier Despax (rare !)
Bardot en short : difficile à porter, mais, sur elle, pas une once de vulgarité ;
cherchez bien, vous ne trouverez rien qui contrarie vraiment le goût,
l'élégance, ni l'allure. Dix ans de danse classique, une éducation française, c'est à dire libérale et de bon aloi : d'où ce maintien, cette allure, cette sobriété.
Une choucroute pareille, qui se termine en queue de ragondin tressée, cela nuirait définitivement à n'importe qui ; Bardot n'est pas n'importe qui…
Pour le seul et futile plaisir de voir la beauté passée, dépassée d'un garçon d'autrefois. Tout dans son allure, dans la régularité tendre de sa physionomie, dans la coupe impeccable de sa veste (peut-être signée Renoma), dans sa gestuelle à la fois fluide et empruntée, dans le casque de ses cheveux qu'une vague paisible anime un peu, tout en lui relève d'un charme définitivement absent.
Et même lorsqu'il joue le jeu du chanteur de charme jusque dans la
niaiserie, dans la sucrerie amoureuse, dans le diabète sentimental
(l'époque voulait cela) son visage, la douceur de ses traits, la rupture
avec notre temps que toute sa personne physique incarne, tout cela le
distingue absolument et suffit à signaler un autre monde, englouti
désormais, et qui frémit encore dans ma mémoire.
Et Bardot.
Pourquoi Bardot ? Parce que c'est beau !
Voilà ! C'était un intermède, un moment futile, sans doute un peu vain, un truc qui n'a peut-être pas de sens, ou alors un sens caché.
En quelle année ? 1967 ? 1977 ? 1987 ?
Il y a longtemps.
J'ai suivi Barbara, je l'ai écoutée dans différentes salles parisiennes.
J'ai entendu cette chanson alors que j'étais encore un adolescent - en ce temps-là, j'étais en mon adolescence -, dans des circonstances très singulières. Évidemment, cela paraît difficile de reprendre les chansons de Barbara. Elles sont si intimement liées à sa personne physique, à son personnage aussi. Elles sont également solidaires de notre perception.
Mais enfin, si quelqu'un pouvait s'y risquer, c'était Depardieu. Je crois bien qu'elle l'a aimé.
Nous naissons déchirés, nous mourons en lambeaux.