Il sera pour toujours un bloc d'ombre parmi les vivants.
Qu'est-ce qui fonde son énigme ? Sa mélancolie, qui semble contenue par sa lèvre inférieure comme gonflée sous l'effet d'une blessure ancienne jamais guérie complètement, sa mélancolie, dont on voit bien qu'elle peut le saisir à tout moment et le soustraire au rythme des humains ? Sa solitude essentielle, qui le constitue et le métamorphose ? Ce refus entêté de nous appartenir alors qu'il paraît s'offrir ? Un vertige sombre…
Qu'est-ce-que le cinéma ? Qu'est-ce-qui agit sur nous, immédiatement, pour que nous éprouvions la certitude absolue que ce qui « se produit » sous nos yeux, ce qui « fait écran », tout cela appartient exclusivement au cinéma ?
Je l'ignore. Mais je sais, de façon certaine, que la séquence d'ouverture ci-dessous relève uniquement de l'art cinématographique :
Encore ceci : notre société se désagrège, elle paraît vouloir abolir les objets du luxe, sanctionner le désir, abolir la sensualité. Voudrait-elle sentir la main de fer de M. Mélenchon sur son échine, et se distraire du navrant spectacle que lui offrirait quotidiennement le couple Garrido-Corbière ?
J'ai connu quelques personnes totalement démunies, qui considéraient la beauté des choses, des objets et des êtres avec admiration, sans envie jalouse. Dans le film, comme dans la nouvelle de Truman Capote, Holly Colightly, la jeune femme qui descend du taxi et vient, pendant quelques instants, retrouver le luxe de Tiffany's, porte en elle le lourd bagage de son enfance.
C'est ainsi que nous allons, accablés parfois, hantés par les souvenirs, rongés par le chagrin. Et nous consentons à nous laisser distraire par les rares formes de la beauté, que nous avons élues.
4 commentaires:
Cher Patrick
Voilà un de vos délicieux billets, comme je les aime.
Figures mythiques du cinéma, nostalgie française et goût du Beau, je vous retrouve.
Delon n'est-il pas, un peu, le Brando français ? Son indomptable et farouche beauté dans « La Piscine » reste pour moi l'archétype de la sensualité masculine dans toute sa splendeur. Inaccessible comme une icône, et pourtant crevant si bien l'écran que l'on sent son grain de peau vibrer sous les doigts.
Faire écran... Cela ne signifierait-il pas « cacher » ? « Se » cacher tout simplement la triste réalité politique, sociale, grise, terne, défaite, sous les sunlights endiamantés de ces belles histoires qui n'arrivent « qu'au cinéma »....
En tout cas revoir Audrey Hepburn dans sa robe de velours noir, nappée de sa candeur espiègle, m'a fait un bien fou.
Merci pour ce petit-déjeuner chez Tiffany's, monsieur.
Et belle année à vous
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Faire écran, en effet, c'est cacher : Delon se cache et se révèle à l'écran. il fait écran, c'est à dire, aussi,qu'il envahit l'écran, qu'il l'habite entièrement, qu'il y trouve sa place dans ce monde, où il n'en avait pas.
« Un bien fou », dites-vous de cette scène d'ouverture, où l'on voit Audrey dans sa robe Givenchy : oui, c'est cela, un bien fou.
Votre passage ici fut un ravissement.
Normal, j'avais mis ma robe de taffetas et ma rivière de diams, ça froufroute... 😉
Belle fin d'année à vous, cher Patrick
Célestement vôtre
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Delon dans "Le Samouraï "... Est l'icône en tête de la liste établie par le très "kraftwerkien" et futuristo-dépressif Pierre Robin dans son Manifeste froid, "L'esthétique contre-cool" - un "guide à l'usage de ceux qui veulent échapper à leur époque" - précise encore la couverture de l'affaire. Même si, bien sûr, on a le droit de ne pas partager tous les engouements de la cosmogonie froide et déserte revendiquée par l'auteur, une chose est sûre : je me sens moins seul en feuilletant le livre. J'aime assez les bouquins que l'on peut ouvrir n'importe. C'est bien tourné, érudit et provoc' - restes punks obligent - , un peu paresseux, insolent et drôle. Causeur en a causé. Pour débuter une année contre-cool ?
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