mardi 20 mars 2012
L'ondoiement d'Esther
Comment suis-je parvenu jusqu'à cette adresse mystérieuse, comme retirée du monde atroce qui est le nôtre ? Je ne sais plus ; assurément par ricochet, ou par reflet. J'ai eu l'impression de me glisser à l'intérieur d'une demeure secrète et d'y observer, caché derrière une tenture, les cérémonies familières d'une femme. Or, loin de m'y éprouver tel un voleur d'intimité, un voyeur blafard craignant toujours d'être surpris, j'ai compris que l'on m'observait, et que, loin de me craindre, ou de me dénoncer, on m'y attendait, et qu'on me donnerait volontiers le spectacle de l'attraction féminine. Et je sus alors qu'en ce lieu me serait rapportée, comme on le fait d'un très ancien récit d'émerveillement, l'histoire toujours recommencée d'un fameux « appareil ondoyant ».
Vous irez à cette adresse http://secrete-volupte.blogspot.fr/
Esther y a placé les images de la chair, les traces de l'incarnation la plus tendre, la plus désirable qui soit. Si l'expression “grain de la peau” a un sens, c'est chez Esther qu'il se vérifie. Quelques lignes de Pierre Louÿs vous accueillent, sans indication de leur origine :
"La sensualité est la condition mystérieuse, mais nécessaire et créatrice, du développement intellectuel. Ceux qui n'ont pas senti jusqu'à leur limite, soit pour les aimer, soit pour les maudire, les exigences de la chair, sont incapables de comprendre toute l'étendue des exigences de l'esprit."
Je les connaissais, mais où les avais-je lues ? Après réflexion, le nom d'Aphrodite m'est revenu. Elles sont extraites d'une préface que Pierre Louÿs avait écrite à son Aphrodite.
En voici un plus large extrait :
« C'est que la sensualité est la condition mystérieuse, mais nécessaire et créatrice, du développement intellectuel. Ceux qui n'ont pas senti jusqu'à leur limite, soit pour les aimer, soit pour les maudire, les exigences de la chair, sont par là même incapables de comprendre toute l'étendue des exigences de l'esprit. De même que la beauté de l'âme illumine tout un visage, de même la virilité du corps féconde seule le cerveau. La pire insulte que Delacroix sût adresser à des hommes, celle qu'il jetait indistinctement aux railleurs de Rubens et aux détracteurs d'Ingres, c'était ce mot terrible : eunuques !
Mieux encore : il semble que le génie des peuples, comme celui des individus, soit d'être, avant tout, sensuel. Toutes les villes qui ont régné sur le monde, Babylone, Alexandrie, Athènes, Rome, Venise, Paris, ont été, par une loi générale, d'autant plus licencieuses qu'elles étaient plus puissantes, comme si leur dissolution était nécessaire à leur splendeur. Les cités où le législateur a prétendu implanter une vertu artificielle, étroite et improductive, se sont vues, dès le premier jour, condamnées à la mort totale. Il en fut ainsi de Lacédémone, qui, au milieu du plus prodigieux essor qui ait jamais élevé l'âme humaine, entre Corinthe et Alexandrie, entre Syracuse et Milet, ne nous a laissé ni un poète, ni un peintre, ni un philosophe, ni un historien, ni un savant, à peine le renom populaire d'une sorte de Bobillot qui se fit tuer avec trois cents hommes dans un défilé de montagnes sans même réussir à vaincre. Et c'est pour cela qu'après deux mille années, mesurant le néant de la vertu Spartiate, nous pouvons, selon l'exhortation de Renan, “maudire le sol où fut cette maîtresse d'erreurs sombres, et l'insulter parce qu'elle n'est plus” »
Verrons-nous jamais revenir les jours d'éphèse et de Cyrène ? Hélas ! le monde moderne succombe sous un envahissement de laideur. Les civilisations remontent vers le nord, entrent dans la brume, dans le froid, dans la boue. Quelle nuit ! un peuple vêtu de noir circule dans les rues infectes. A quoi pense-t-il ? on ne sait plus ; mais nos vingt-cinq ans frissonnent d'être exilés chez des vieillards. »
Vous irez également sur les pas d'Esther en vous rendant ici http://esther-des-plumes.blogspot.fr/
Photographie : © Esther
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5 commentaires:
Quelle délice vous nous donnez-là en partage ! Merci, mon cher Patrick.
Tout le mystère ondoyant d'Esther s'écrit dans son prénom : Esther a une double généalogie. D'une part son nom vient du vieux perse ester, l'étoile, associé au nom de la déesse babylonienne Ishtar/ Astarté, " la brillante ". C'est ce mot qui est à l'origine du français astre.
D'autre part, Esther vient également du verbe hébreu lehastir, cacher, et, dans ce cas, Esther signifie " je cacherai ".
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Enfin, je veux dire que le goût précoce du monde féminin, mundi muliebris, de tout cet appareil ondoyant, scintillant et parfumé, fait les génies supérieurs ; et je suis convaincu que ma très intelligente lectrice absout la forme presque sensuelle de mes expressions, comme elle approuve et comprend la pureté de ma pensée.(...)
Charles BAUDELAIRE
Petits poèmes en prose– 1868 –
Les Paradis artificiels, Un Mangeur d’opium. VII. Chagrins d’enfance.
Bonjour M. Mandon,
je suis vos papiers sur votre blogs et sur causeur. Ce qui est certain, c'est que vous écrivez fort bien.
Quand bien même nous fûmes mutuellement accusés d'être l'un , l'autre je ne partage pas tous vos goûts mais au moins vous éclairez les vôtres de manières chaleureuses.
J'ai été ravi de constater récemment la fermeture d'une fosse septique numérique et n'ai rien cru en la fable infâme vous concernant qui en constitua la dernière couche putride.
Veuillez à l'occasion transmettre mes amitiés à la charmante roumaine dont je lis les messages sur le site ou nous avons été tant été mépris l'un pour l'autre.
A2lbd
Cher A2lbd, vous avez bien fait de ne rien croire de ce qu'écrivait cette créature de clinique, assurément et profondément frustrée, qui, sans doute, creusera un peu plus loin sa fosse d'aisance.
Être mépris est une chose, s'éprendre en est une autre : on s'éprend aisément de la roumaine, on s'en déprend difficilement… Elle vient ici de temps à autre, et lira avec attention les lignes aimables qui, dans votre message, la concerne.
Vous êtes le bienvenu, revenez quand vous voulez !
A deux ailes !! quel plaisir de vous (re)trouver ici ! J'ai un jour funeste perdu mon mail et mes adresses et depuis je me demande comment reprendre ce lien charmant que nous avions tissé ! Demandez à Patrick mon adresse ou confiez lui la vôtre ! Sinon il est bien la meilleure plume de Causeur... mais nous en reparlons quand tu veux !
Quelle ne fut pas ma douce surprise que de croiser mon ombre sur cette page, avec la faveur d'un effeuillement à la fois poétique et presque biblique dans l'un des commentaires. Délicieux.
Merci infiniment pour toutes ces attentions délicates, qui ne frôlent pas que mon ombre, mais réussissent à atteindre l'âme d'Esther.
Au plaisir, bien à vous.
Esther
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