« N'avions-nous pas, en tant que nation, trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides ? Notre système de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n'était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu'avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est possible ? Rien en vérité. Telle fut, certainement, la grande faiblesse de notre système, prétendument démocratique, tel fut le pire crime de nos prétendus démocrates »
Marc Bloch, extrait de L'Étrange défaite
Marc Bloch (1886-1944), historien et patriote français, a fondé avec Lucien Fevbre, Les Annales d'histoire, qui bouleversa l'étude et l'analyse scientifique des faits historiques. Combattant de la Première guerre, juif, refusant de quitter son pays, il s'engage dans la Résistance.
Arrêté, emprisonné au fort Montluc, il meurt fusillé, avec quelques compagnons, le 16 juin 1944. On sait qu'il eut le temps de crier « Vive la France ! ». Ce cri n'a certes pas un écho nationaliste, mais il est distinctement une forme d'ultime appel au sursaut d'une nation qui fut grande et mérita qu'on mourût pour elle. Car enfin, pourquoi sont-ils morts, ces femmes, ces hommes traînés dans des cellules humides, soumis à d'atroces tortures, puis sortis à la lumière pour y recevoir les balles d'un peloton, quand ils n'avaient pas succombé sous les coups ?
Voilà où j'en suis ce soir.
Demain sera un autre jour.
Document : Marc Bloch en uniforme, pendant la Première guerre mondiale.
1 commentaire:
Merci pour cette découverte noble et particulièrement enrichissante. J'aime beaucoup ce billet.
- Vous savez, cher Patrick, "être juif, c'est être comme tout le monde. Juste un peu plus."
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