vendredi 25 octobre 2013
La stratégie de l'araignée
Cette robe date de 1925. Elle n'est pas signée. Quelle belle idée que d'habiller le corps de la femme d'une manière de toile d'araignée, dont l'origine se situe autour du nombril ! Le nombril des femmes… C'est bien dans cette région du monde que tout se passe. Une femme ainsi vêtue étend sa toile, guettant la proie aventureuse, qui viendra se perdre dans ses rets.
Robe en mousseline de soie, brodée de perles transparentes comme la rosée du matin, qui s'attarde sur les brins de l'herbe. Veuve noire : c'est le nom d'une redoutable espèce d'araignée. Voyez le rideau de perles qui termine ce beau vêtement : une cascade de sang pâle…
Et puis encore ceci, sur la stratégie de l'araignée, chez Balzac :
« Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que vous avez à faire et de l'acharnement du combat. Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu'il n'y a pas cinquante mille bonnes places. Savez-vous comment on fait son chemin ici ? par l'éclat du génie ou par l'adresse de la corruption. Il faut entrer dans cette masse d'hommes comme un boulet de canon, ou s'y glisser comme une peste. L'honnêteté ne sert à rien. ».
Vautrin à Eugène de Rastignac, pension Vauquer, dans Le Père Goriot
Et puis Madame Grès, Cocomérages, Au bal en Cristòbal, Les dames dans la vitrine, Le tremblant des vitrines, Vitrines, The fair lady
vendredi 18 octobre 2013
Cet homme est dangereux !
Où l'on apprend qu'un fier partisan de toutes les libertés, et surtout de la liberté d'expression, a voulu interdire à Lorànt Deutsch de poursuivre la publication de ses livres d'historien amateur. Ce monsieur, nommé Alexis Corbière, membre du Parti de gauche, chargé de la lutte contre l'extrème-droite, conseiller de Paris, premier adjoint au maire du XIIe arrondissement, est sans nul doute un vigilant antifasciste doublé d'un antinazi intransigeant. Or, on sent parfaitement dans toute l'argumentation de Lorànt Deutsch, je dirais même dans toute sa personne l'affleurement nazi, qui ferait de ce comédien doué et sympathique en apparence, si les circonstances lui étaient un jour favorables, un tortionnaire.
Alexis Corbière… Ce qu'il y a de bien avec certaines personnes, c'est qu'elles s'enflent de bêtise sans qu'on ait besoin de leur souffler dans le derrière…
Alexis Corbière… Ce qu'il y a de bien avec certaines personnes, c'est qu'elles s'enflent de bêtise sans qu'on ait besoin de leur souffler dans le derrière…
samedi 12 octobre 2013
Jeune homme, qu'est-ce que tu crains ?
Zizi Jeanmaire et Rudolf Noureev dansent Le jeune homme et la mort
On nomme ce genre « mimodrame » : imaginée par Jean Cocteau, l'histoire rapporte le suicide d'un homme encore jeune, pour cause de tragédie d'amour. La musique, à l'origine, est de Jean-Sébastien Bach (il s'agit de La Passacaille), adaptée par Respighi. Ce rituel dépouillé, cruel a été crée à l'Opéra de Paris en 1946 : Roland Petit en était le chorégraphe, Wakhévich le décorateur, Jean Babilée et Nathalie Philippart les deux danseurs.
Voici, rapporté par Cocteau lui-même, à propos de ce spectacle, le récit de sa genèse et ce que lui inspira tout ce qui le précéda et le suivit (c'est assez long, bien sûr, mais vous n'en voudrez pas à Cocteau de prendre un peu de votre temps) :
« Notre machine se démembre chaque jour davantage et chaque matin l’homme s’éveille avec une nouvelle entrave. Je le constate. Mes nuits, je les dormais d’une traite. Maintenant, je m’éveille. Je me dégoûte. Je me lève. Je me mets au travail. C’est le seul moyen qui me rende possible d’oublier mes laideurs et d’être beau sur ma table. Ce visage de l’écriture étant, somme toute, mon vrai visage. L’autre, une ombre qui s’efface. Vite, que je construise mes traits d’encre pour remplacer ceux qui s’en vont. C’est ce visage que je m’efforce d’affirmer et d’embellir avec le spectacle d’un ballet, donné hier soir, 25 juin 1946, au théâtre des Champs-Élysées. Je me suis senti beau par les danseurs, par le décor, par la musique, et, comme cette réussite soulève des chicanes qui débordent la satisfaction d’auteur, je me propose de les mettre à l’étude. De longue date, je cherchais à employer, autrement que pour la cinématographique, le mystère du synchronisme accidentel. Car une musique se trouve non seulement des réponses dans chaque individu, mais encore dans une œuvre plastique avec laquelle on la confronte, si cette œuvre est du même registre. Non seulement ce synchronisme est air de famille qui épouse l’aspect général de l’action, mais encore – et c’est là que réside le mystère – il souligne ses détails à la grande surprise de ceux qui en estimaient l’emploi sacrilège. Je connaissais cette bizarrerie par l’expérience des films, où n’importe quelle musique un peu haute intègre les gestes et les passions des personnages. Restait à prouver qu’une danse, réglée sur des rythmes favorables au chorégraphe, pouvait se passer d’eux et prendre des forces dans un climat musical nouveau.
Libellés :
Des hommes fréquentables
La mémoire des failles
Ce sont choses faciles, ce sont choses simples : un air de sirop, des paroles pour sauter les ruisseaux, un arrangement très années quatre-vingt (vingt ici est un ordinal, donc il ne prend pas l's, non ?), la belle tête patriarcale de Jean Marais, et l'affaire est faite (et fête)
samedi 5 octobre 2013
Invitation au château
En matière de décoration d'intérieur, on est Garcia ou l'on est Starck, mais l'on ne saurait être l'un et l'autre, ni, certes, tantôt l'un et tantôt l'autre, et non pas l'un ou l'autre et les deux à la fois ! Quant à moi, je suis Garcia. M. Starck m'ennuie : je trouve que son travail a nui au Meurice, rue de Rivoli.
Mais Jacques Garcia ne me lasse nullement. Il aime l'or et les tentures en lourd velours rouge sombre, il a le goût excessif, et s'arrête au moment où commence le mauvais goût. Il faut absolument rendre visite au château du Champs de Bataille (XVIIe et XVIIIe siècles), dont il est devenu le propriétaire en 1992 : à force de volonté, d'acquisitions, d'investissements, il a donné à ce lieu non pas une nouvelle vie, mais une autre vie : le mobilier, les diverses collections qui le peuplent, révèlent justement l'esprit de curiosité et la patience du personnage. Ses jardins sont désormais classés.
Garcia a cette formule, qui tient de la profession de foi : « Je ne possède ni yacht, ni Rolls, tout ce que je gagne, je l'investis dans mon château, et je le montre au public. ». Il jouit des choses et accorde à ses contemporains le droit d'en jouir également.
Sur la décoration et surtout sur Mario Praz, on lira Le décor d'une vie -2-
Mais Jacques Garcia ne me lasse nullement. Il aime l'or et les tentures en lourd velours rouge sombre, il a le goût excessif, et s'arrête au moment où commence le mauvais goût. Il faut absolument rendre visite au château du Champs de Bataille (XVIIe et XVIIIe siècles), dont il est devenu le propriétaire en 1992 : à force de volonté, d'acquisitions, d'investissements, il a donné à ce lieu non pas une nouvelle vie, mais une autre vie : le mobilier, les diverses collections qui le peuplent, révèlent justement l'esprit de curiosité et la patience du personnage. Ses jardins sont désormais classés.
Garcia a cette formule, qui tient de la profession de foi : « Je ne possède ni yacht, ni Rolls, tout ce que je gagne, je l'investis dans mon château, et je le montre au public. ». Il jouit des choses et accorde à ses contemporains le droit d'en jouir également.
Sur la décoration et surtout sur Mario Praz, on lira Le décor d'une vie -2-
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