mercredi 19 novembre 2014

L'indésirable

















Hollywood a méprisé Marilyn Monroe, du début à la fin. La fausse vénération dont elle y fit l'objet ne reposait que sur sa valeur financière. Elle a dit elle-même qu'elle avait passé plus de temps à genoux avec les producteurs et autres hommes d'influence, qu'à tenter de les persuader de son talent. Quant à l'une de ses plus belles conquêtes, John Kennedy, celui-ci ne fut ni plus ni moins attentionné que la moyenne basse de toutes les autres…
Il y a quelque chose de curieusement incompatible entre Marilyn et Hollywood. En apparence, elle est une créature des studios, qui la façonnent et la soumettent. Puis elle s'en émancipe, mais alors totalement, c'est à dire qu'elle se dégage de leur emprise matérielle et morale. Elle imagine et invente une renommée, qui n'est plus celle qui lui était destinée. Elle n'existe que pour être une star, puis, progressivement, elle excède ce statut, qui lui semble réducteur. Elle ne renie nullement son ambition, mais elle lui donne une autre dimension. Elle devient incontrôlable.
C'est qu'elle a eu accès, essentiellement par elle-même, à un monde « englouti », où s'anime des ombres et des songes obscurs. Or, elle ne craint nullement de l'affronter, elle se risque même à espérer qu'il lui permettra d'améliorer encore son jeu. Elle a raison. Dans le même temps, elle s'approche d'un précipice.   Ni la psychanalyse, ni le cinéma hollywoodien ne pouvaient l'empêcher d'y tomber.
Alors, il lui restait à accomplir son destin, seul moyen de démontrer l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'être tout à la fois surnuméraire et désirée.

Lorsque John Huston, pour The Misfits (1961),  réunit à l'écran Marilyn, Montgomery Clift et Clark Gable, qu'avait-il en tête ? Il les éloigna d'Hollywood, la colline en manque d'inspiration, pour les plonger dans la chaleur suffocante du désert, près de Reno, Nevada. L'affaire sera rude à mener à son terme. Marilyn, certes, leur donnera à tous du fil à retordre, mais, semble-t-il, les envoûtera tous. La seule personne indésirable fut sans contestation cette épouvantable bonne femme, nommée Paula Strasberg, qui prétendait veiller sur le psychisme de Monroe. Son mari, Lee Strasberg, avait succédé au grand Elia Kazan à la direction d'une sorte d'école d'acteur. Kazan, qui se méfiait de Strasberg, lui avait recommandé de ne pas vendre sa camelote prétendument émotionnelle, introspective… Il fallait s'appeler Kazan pour susciter chez Brando le surgissement du chagrin fondateur, inconsolable. On mesurera la distance entre Kazan et Strasberg en observant le jeu pitoyable, misérable, de l'infortuné Paul Newman, le plus mauvais acteur américain de son temps. Il y aurait beaucoup à dire sur tout cela, mais ce billet imparfait traîne en longueur, je l'interromps donc.

Quelques photographies, prises hors champ, des « Misfits », comme autant d'instant dérobés à la joie simple d'exister tout en se sachant menacé de disparaître prochainement : c'est ainsi, par hasard, que s'installe en nous l'effet d'une puissante, d'une tendre mélancolie.


























 Ci-dessus, deux photographies d'Eve Arnold, en qui Marilyn avait toute confiance.



















Dans cette chanson de Bruce Springteen, il est question d'une jeune femme, abattue à bout portant (point blank) :

« Dis-tu toujours tes prières, petite chérie ?
Vas- tu toujours au lit
En priant le ciel, pour que tout aille bien le lendemain ? »




Si l'on veut, on lira  Her heart belongs to daddy


3 commentaires:

Pierre a dit…

Cher Patrick, enfin un sujet de désaccord avec vous! J'enrageais de ne pas en trouver un. Enfin , je le tiens! (par la barbichette): Paul Newman. N'ayant pas le moins du monde envie de vous faire changer d'avis, je vous embrasse. (en copain! On pourrait jaser.)

Patrick Mandon a dit…

Beau gosse (la photo ici n'est pas la même). À propos de Newman, je vous réponds sous Les désirables. Moi aussi je vous embrasse en copain.
La prochaine fois, j'aimerais bien votre défense de Newman.

Patrick Mandon a dit…

j'aimerais bien LIRE votre défense de Newman