À quoi servent les refrains d'épanchement, les couplets d'effusion ? À éprouver des affections certes légitimes que nous refoulons pourtant, à nous amener à frôler des sentiments qui nous encombrent, à nous représenter des situations où nous jouons des scènes délicieusement cruelles, qui nous font adorablement souffrir. Souvent, nous refusons de nous sentir en simple harmonie avec la marche sentimentale du monde, parce que nous refusons de reconnaître son innocence. Est-ce parce qu'elle nous effraie, ou parce qu'en éprouver les effets nous navre ?
Les refrains d'amour nous mettent à l'unisson des autres, et nous refusons cette allure commune, cette promiscuité sentimentale. Or, c'est précisément leur facilité émotionnelle, leur pauvreté d'inspiration, qui leur permettent de contourner les défenses que nous leur opposons. Plus sophistiqués, cherchant à les ébranler, à les abattre, ils échoueraient. C'est en ignorant notre orgueil que les « airs de trois fois rien » nous surprennent et nous contraignent à nous représenter dans les rôles qu'ils distribuent.
Tôt ou tard, quels que furent nos efforts pour en différer le moment, nous devons nous faire l'aveu de notre misère, et consentir ainsi à nous reconnaître aussi misérable que nos semblables.
Sortez vos mouchoirs !
Pour Anne :
Et encore celle-ci, à l'intention de toutes et de tous, qui ferait pleurer une horde de Huns rassemblés dans un banquet où la viande crue serait servie dans les crânes de leurs ennemis vaincus !
Anne, j'ai d'abord pensé que vous vouliez dire « Pleurer des rivières », que voici, d'abord dans sa version française, fort honorable :
Puis dans sa version d'origine, évidemment magistrale, par une souveraine :
Et encore dans cette interprétation, qui serait ma préférée si…
… si Julie London n'avait pas existé : extatique je suis, figé, languide.
Mais, dans votre message, le titre est bien « Pleurer des fontaines ». J'ai fait une recherche, et j'ai trouvé une chanson et son créateur. Celui-ci m'évoque Depardieu dans le film de Xavier Gianolli « Quand j'étais chanteur ». Il y est un émouvant chanteur du samedi soir et du dimanche après-midi, un habitué des baltringues, celui qui, sur l'estrade, murmure des slows, pleure le chagrin des séparations, et rapproche encore les corps déjà moites. Au reste Franck Olivier -c'est son nom de scène- assume parfaitement son rôle, avec talent et sincérité, serviteur talentueux de la slow connection.
Je veux saluer Claude Gibrat, qui est venue s'inscrire dans notre « blogue note ». Je crois comprendre qu'elle fait partie d'un ensemble baptisé Totirakapon. Sa peinture m'a paru fort intéressante, et j'y reviendrai prochainement (quelque chose entre la maîtrise figurative et la tentation « Rothko », si j'ose dire).
24 commentaires:
Message personnel
Anne, j'ai reçu votre excellent commentaire, mais j'hésite à le publier pour la raison suivante : il est signé de votre nom complet. Je pense que vous souhaitez conserver un certain anonymat « nominal ».
Voulez-vous me le renvoyer avec votre simple signature « Anne » ?
Merci pour ces voix italiennes à la belle raucité.
Merci!
Et hop donc:
Foin du snobisme en matière de culture!
Combien de temps m'aura-t-il fallu pour dire hautement: "J'ai relu "Le Comte de Monte Cristo", je pleure à "Cyrano de Bergerac", j'ai été plus affligée par la mort de Delpech que par celle de Boulez, j'aime la chansonnette, surtout italienne, je me soucie peu d'aller au bout du monde, l'Europe me suffit, et même l'Italie -je rêve de Trieste comme d'autres du Taj Mahal- je prends plaisir à un bon boulevard, je n'aime pas Pascal Rambert, et plains les ministresses qui se font un devoir d'assister à ses pièces..."
Et à propos de Frioul...
Connaissez-vous Massimo Ranieri? Il est napolitain, mais il un visage de vieux ragazzo pasolinien. Je n'imagine pas vous le faire découvrir, mais qui sait?
https://www.youtube.com/watch?v=wf8kdxRsn9
Anne : « j'ai été plus affligée par la mort de Delpech que par celle de Boulez ». Certes, moi aussi ! Cet homme ne m'intéressait ni me touchait. Je suis imperméable à sa production musicale, et le personnage était odieux, un vrai caporal de la musique, méchant, hargneux, mesquin. Je reconnais volontiers qu'il fut un excellent chef d'orchestre pour Wagner et Mahler.
Je connais vraiment mal ce monsieur Rambert, coqueluche de Télérama. N'ayant rien vu, ni de son théâtre ni de ses mises en scènes, je m'abstiendrai de porter un jugement sur ce monsieur, qui démontre cette arrogance des directeurs du subventionnés. Je lui accorde un bon point : sa révérence à Pina Bausch, dont les spectacles m'ont enchanté au théâtre de la Ville.
J'ai augmenté ma liste de « lacrymaux » d'une chanson très triste de Massimo Ranieri, lequel, en effet,présente aujourd'hui « un visage de vieux ragazzo pasolinien ».
Il fut un temps où je me rendais une fois par mois en Italie, en particulier dans la région des lacs, près de Vérone. Nous parlerons un jour de l'Italie, qui est la seconde patrie de tout français respectable.
Je crois à la vertu des épanchements de larmes. Les pleureuses versaient sur le malheur des hommes des flots lacrymaux qui les lavaient en quelque sorte, emportant dans le bouillon d'un torrent de larmes leurs aigreurs et leurs peines. C'était leur fonction.
Je reconnais aimer écouter ces rengaines languissantes quand j'ai un chagrin à expurger, à extirper de mes tripes. La musique alors jouerait le rôle du furoncle que l'on triture à la limite de la douleur, pour en extraire la purulence. On aime bien se rouler dans ses petites misères...
Je me souviens avoir écouté Marguerite en boucle dans ma jeunesse et cette chanson me donne toujours des frissons. Allez savoir pourquoi, vous avez peut-être mis le doigt sur une plaie à la cicatrice un peu boursouflée...
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Célestine : « me donne toujours des frissons… vous avez mis le doigt sur une plaie… un peu boursouflée… ».
Voilà ce qui arrive quand on pose ses mains partout !
-"vous avez peut-être mis le doigt sur une plaie à la cicatrice un peu boursouflée..."
- Ah! vous appelez ça comme ça, vous? Serait-ce une de vos énigmatiques métafores?
"Je me souviens avoir écouté Marguerite en boucle dans ma jeunesse et cette chanson me donne toujours des frissons." Eh bien voilà, je me permets de reprendre exactement les mots de Célestine, et j'ajoute que Marguerite continue de faire partie de mes chansons préférées, ever. Terribles sentimentales que nous sommes...
Quant à l'Italie, nous attendons bien sûr vos mots avec une tranquille impatience, cher Patrick.
@Patrick
Certes...Je crois qu'il me faudra mieux regarder à l'avenir où je pose mes mains...;-)
@Nuageneuf
Métaphore avec un F ? Vous êtes sûr ? Vous mettriez-vous à la réforme des " minables à jabot, des paresseux satisfaits, des pédagogues claironnants" si bien décrits par notre hôte ?
@Florence
Merci de me comprendre si bien. Le monde est rude pour les sentimentales...
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Florence, s'agissant de l'Italie, je parlerai avec prudence et sous l'influence, non d'un artilleur de Mayence, mais de l'exquise Florence. Quant à Marguerite, j'ai trouvé sa version italienne par Riccardo Cocciante (à votre intention).
Jean-Michel : une cicatrice avec boursouflure est une cicatrice qui se montre, une cicatrice dont on ne guérit pas, un mal ancien qui nous fait du bien, une entaille ourlée, une faille signalée par un repli de chair sombre. À quoi pensiez-vous, garnement ?
Céleste : Si j'osais, je vous dirais volontiers de laisser mes mains sur vos hanches, mais je n'oserais pas, de peur de prendre votre main sur la joue. Cela dit, j'ai souvent rêvé que ma maîtresse (d'école) me mette en joue… Enfin, de grâce, ne revenons pas sur cette funeste affaire de réforme de l'orthographe, qui nous a conduits à des extrémités, et dont le porte encore les cicatrices même pas boursouflées !
Merci beaucoup pour Margherita ! En italien la vie est plus belle, n'est-ce pas ? Ce soir c'est donc, à l'orée de la nuit, frissons et mélancolie puissance deux...
Et pour l'Italie, n'ayez crainte, parlez sans prudence, car je suis toute bienveillance !
Merci pour Massimo, et pour le rab de Cocciante
"Il fut un temps où..." Est-ce à dire "Nevermore", le mot le plus triste, quoique bien soyeux et bien doux à l'oreille de la langue... française (oui, depuis Verlaine!)?
Plus jamais les lacs? Il y aurait en effet là de quoi "pleurer des fontaines" (dans quelle chanson cette expression? J'ai oublié...)
Anne, Never say never again ! Les lacs reviendront. J'ai trouvé quelque chose pour vous, autour de « pleurer des (fontaines, rivières) : sortez votre mouchoir, mais ne retenez pas vos larmes !
Je pensais aussi à "Pleurer des rivières"
Connaissez-vous la version de Viktor Lazlo ?
https://youtu.be/0bR60Y-t0v8
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Figurez-vous Céleste que j'avais sélectionné la version par la belle Viktor, et que je l'avais même présentée par une phrase, mais j'ai oublié de donner le code d'intégration : ma vieillesse sera un naufrage, on me retrouvera sur le rivage d'une île, assis dans l'eau, en train de ramer, croyant être sur un radeau !
Accrochez-vous à mes hanches...je vous sauverai de la noyade.
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Ah, puisque je ne risque pas votre main sur ma joue, je pose donc les miennes sur vos hanches. Vous me conduirez bien jusqu'à la maison de retrait(e) ?
Oui, c'est "pleurer des rivières" que je cherchais, et justement cette interprétation de Viktor Lazlo) mais je me suis arrêtée modestement aux "fontaines".
Pourtant la chanson que vous avez dénichée éveille une trace: j'ai dû l'entendre à la radio, dans mon enfance, et peut-être en voir l'interprète dans "Mademoiselle Âge tendre" - dont à l'époque, encore ou déjà snob, j'achetais les numéros en cachette!
Il fut un temps où "La belle vie" reprise par l'immense Gérard Darmon vous faisait pleurer, non?... C'est en tout cas ce que vous confiiez à certains de vos lecteurs/trices mais peut-être me trompé-je?...
Anne, j'aime infiniment ce genre d'aveu « "Mademoiselle Âge tendre" - dont à l'époque, encore ou déjà snob, j'achetais les numéros en cachette!. Vous avez bien fait d'être précocement snob, d'abord parce que cela vous a permis très tôt de faire des choix souvent utiles (il y a un snobisme nécessaire), ensuite parce que vous avez ainsi pu vous en débarrasser ultérieurement, alors que ses effets prolongés pouvaient vous être préjudiciables.
Anonyme : Non seulement vous vous trompez, mais, en plus, vous êtes anonyme. Vous cumulez !
Je ne connaissais pas la version de Julie London...Pour tout vous dire, je ne connaissais pas Julie London. Sublime en effet.
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Chère Céleste, moi non plus je ne vous connaissais pas, avant. Depuis que je vous connais, je me sens moins bête, moins laid, moins reclus, moins répréhensible. Vous aussi, vous êtes sublime. Et si vous nous chantiez « Cry me a river » ?
Pour en savoir un peu plus sur l'admirable London, je vous recommande cette excellente adresse http://touslesgaronssappellentpatrick.blogspot.fr/2009/11/je-ne-degage-plus-semble-t-il-cette.html (lisez bien ce qui est dit de Bob Troop).
On lira
On lira Bobby (Bob) Troup
Cher Patrick, vous avez loupé d'un jour la journée mondiale du compliment, mais je prends les vôtres avec grand plaisir.
Pour la chanson, je crains hélas de ne pas arriver à la demi-malléole de votre Julie London...mais je connais votre indulgence, alors...peut-être...
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