lundi 12 septembre 2011

Delon, sans retouche






















Cela se passait jeudi dernier, dans les locaux d'une chaîne de télévision. On y présentait à la presse un film, un documentaire sur la période de l'Occupation. Vous le verrez prochainement, je vous en reparlerai ; d'ores et déjà, je peux vous dire qu'il s'agit d'un très beau travail historique, d'une œuvre forte, audacieuse.
Son commentaire est dit par Alain Delon et par sa propre fille, Anouchka. Ils étaient présents jeudi. J'ai pu observer Delon. Le temps, sans l'épargner, ne l'a pas « déconstruit ». On lit sur ce visage les mêmes traces, plus profondes, de mélancolie que celles de sa maturité lisse. Il y a, chez cet homme, un dépôt, une sédimentation de tristesse que le cinéma aurait pu exploiter, comme on creuse une mine pour en trouver un filon d'or. Qui donnera à Delon son dernier grand rôle ? Il se tient debout, solitaire et sans emploi, il porte en lui la grande douleur d'un monde perdu.

Photographie PM

Sur Delon, voir également Alain, sors de ce corps !, Delon ne mégote pasNico, une allemande dans la FactoryLe décor d'une vie -3-

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Delon était je crois le plus beau specimen humain qui soit. Il a eu la chance de naître au XXème siècle et d'éviter les scrofules, les dents pourries, les dartes et les bubons mal placés. Delon dans le Guépard ou La Piscine est un pur miracle insolent de perfection. Le dieu vivant s'est fait homme ? J'aime bien ses cernes, ses poches et ses cabosses visibles, plus Salina que Tancrède. Toujours magnifique. Juste plus accessible.

Anonyme a dit…

Et c'est un père fou de sa fille dit-on. Qu'y a t-il de mieux qu'un père fou de sa fille ?
Ne partez plus si longtemps...

Arnaud Le Guern a dit…

Cher Patrick,
très beau texte.
J'ai relu une belle note, également, sur Gégauff. Vous disiez l'avoir croisé, rue du Bac, du côté de La Table ronde. Ca m'intéresse beaucoup. Le bistrot, l'époque, les camarades de mots, de boissons, présents.
Sincèrement vôtre.
ALG

Patrick Mandon a dit…

Nadia, votre portrait photographié est l'exact reflet de votre beauté brune : il y a de la louve des Carpates dans votre regard, princesse de Bran.

Cher Arnaud, voici quelques éléments de réponse :
Cela se passait entre 1975 et 1977, sur le territoire compris entre l'église Saint-Germain-des-Prés, le quai Voltaire, la rue du Bac. J'étais très ami avec un grand directeur artistique d'édition (nous nous voyons toujours). Il travaillait avec les uns et les autres et, souvent, avec La Table ronde, par amitié pour son fondateur, le fameux Roland Laudenbach. Or, Laudenbach connaissait tout le gratin des vrais réfractaires, qui formaient une tribu dressée contre l'énorme conformisme du temps. Moi-même, je sortais à grand peine de ce confort intellectuel.
Je me souviens d'un curieux bonhomme, dont j'ai retrouvé le nom récemment, un certain Jacques d’Arribehaude, avec une vraie dégaine de rôdeur céleste (il fut l'un des derniers à s'entretenir avec Louis-Ferdinand Céline, à Meudon. L'imprécateur grinçant est au bout du rouleau, mais il n'a rien perdu de sa terrible perspicacité). J'ai aperçu une fois ou deux Dominique de Roux, peut-être aux éditions de l'Herne, rue de Verneuil, ou simplement dans la rue. De Roux n'était plus vraiment présent à L'Herne, dirigée par un certain Constantin Tacou (je me souvenais de son prénom, mais j'ai du m'enquérir de son nom). Dominique de Roux figurait pour moi, à l'époque (et encore aujourd'hui) l'aventurier total, capable de surmonter ses propres contradictions. Chose curieuse, il n'avait physiquement rien d'un aventurier, alors qu'il frôlait les mines et les balles de kalachnikov au Mozambique. Je crois me souvenir qu'il est mort d'une crise cardiaque, alors qu'il allait s'envoler vers l'Afrique.
Pour Paul Gégauff et Maurice Ronet, je les ai approchés dans deux établissements de la rue de l'Université, dont un troquet, qui existe toujours (mais sa patronne a pris sa retraite). Ronet était très aimable, Gégauff un peu plus réservé. Deux beaux mecs, bien habillés ; ils tranchaient sur les types de ma génération, qui n'aimaient ni les beaux tissus ni les bonnes coupes. Avec Laudenbach et quelques autres, ils narguaient l'esprit de cette époque, qui pâmait devant les médiocres provocations de l'éternel Cohn-Bendit, et criait à la persécution sociale quand un flic dressait une simple contravention pour stationnement illicite. Dans l'entretien que Alexandre Astruc m'a accordé pour Causeur, je fais allusion à un festival du film de droite, organisé peu de temps après 1968, par Maurice Ronet. J'ai le souvenir d'une affiche annonçant ce festival, mais je ne me souviens plus du tout de la manifestation en elle-même. A-t-elle été interdite, par crainte des représailles de la part des gauchistes (fervents défenseurs de la liberté d'expression), ou annulée ? Et, si elle a eu lieu, quels films a-t-elle présentés ? Mais je vous assure qu'il fallait une belle audace pour imaginer ne telle manifestation ! Les éditions de La Table ronde avaient une réputation soufrée, et Laudenbach, celle d'un fameux découvreur de talent.
Il faudrait retrouver l'esprit des années 50 et 60, bien plus excitantes que tout ce qui a suivi. La beauté canaille de Paris, jolie môme en robe grise moulante, était intacte. En y repensant, ce petit territoire que j'évoque, avec La Table ronde pour citadelle imprenable, constituait une sorte de réserve, où se retrouvaient les mousquetaires de la droite buissonnière, toujours menacée d'envahissement. Il s'y mêlait une forme moderne de souplesse et de nonchalance, et l'esprit français du XVIIIe siècle. Et puis, j'étais si jeune…

Florence a dit…

Delon fut aussi un impeccable et magnifique Monsieur Klein, tout en ambigüité. Un de ses grands rôles.

Patrick Mandon a dit…

Florence, M. Klein, c'est l'un de mes films « de chevet ». Delon est un acteur, comme il aime à le rappeler, et non un comédien. Il ne fait pas reposer son jeu sur une technique, il « produit » son personnage, il le suscite. Autre chose, me semble-t-il : il ne déteste pas se nuire, ni se faire souffrir. Il creuse son propre malaise. C'est peut-être cela, une star, un être capable d'ouvrir sous nos yeux une faille qui nous attire, et non pas un être capricieux, tout gonflé de lui-même.

Tanya a dit…

Hello Dear Patrick and thanx for this great post!
I have always been and forever will be under a spell of Alain Delon's sinister talent..

St Loup a dit…

Magnifique billet! Et la suite de commentaires aussi. Bravo!

Patrick Mandon a dit…

Très heureux d'accueillir St-Loup en ces lieux. Il tient un blogue de belle audace, tout de délicatesse, de curiosité sereine. St-Loup est de ces raffinés discrets, qui nous font partager leurs émerveillements.

Anonyme a dit…

Tout le mérite en revient à Patrick. Il fait partie de ces êtres (rares) qui vous emmènent avec eux. Ce blog en est l'illustration. Faire la droite buissonnière et canaille avec vous et quelques beaux garçons élégants dans les années 70, voilà qui aurait eu de la gueule !

Nuagesneuf a dit…

Quel joie de vous retrouver, bien cher Patrick !

Les commentaires exprimés à la suite de la parution de votre texte plus que parfait sur Alain Delon m'interdisent par leur perfection.

Delon parle de lui comme le Général parlait de lui/de la France. A la troisième personne.

Nadia a très justement dit "Ne partez plus si longtemps". Je m'associe.

St Loup tient en effet un blogue de haute classe.

Amitiés à tous. Jean-Michel