samedi 1 décembre 2012

Petite vertu
























Eugène Atget (1857-1927), prostituée devant une maison close à Versailles, 1921, dite « au grand 2 ». Cette photographie a été mise en vente récemment à Drouot, par l'étude Beaussant-Lefèvre ; estimée 5000/6000 €, elle fut adjugée 35 000 € !  Il s'agissait d'un tirage original 21, 9 x 18, 3

Du même Atget, la vente proposait trois autres belles photographies : une vue du Moulin Rouge, boulevard de Clichy, à Paris, sans doute au début du XXe siècle, associée à un cliché du balcon de l'hôtel de Blégny, 12, rue Guénégaud (Paris, VIe arrondissement), les deux ensemble estimées 1500/2000 €, vendues 3200 ; et le portrait d'une orientale, tirage original d'un contretype par Eugène Atget, estimé 600/800 €, adjugé 3200 €.

Le marché de la photographie ancienne, surtout quand il s'agit de grands noms, connaît un succès qui ne se dément pas.
La différence dans les adjudications de ces quatre clichés s'explique peut être par la rareté du premier, mais aussi, je le crois, par son thème, et par la singularité de son sujet. Elle est charmante, et presque étrange, cette « créature », et sa silhouette, fine, fluette, est d'une très jeune fille. Depuis combien de temps est-elle « rompue aux servitudes » ? Par son apparence, elle appartient encore au XIXe siècle, plus précisément à la Belle époque, mais sa jupe à volant, qui découvre ses genoux, ses bottines et ses bas blancs signalent une certaine « modernité » de la ligne.

Cette gracieuse personne, dans sa représentation, paraît très éloignée de l'univers irrégulier, où tentaient de survivre, sous la férule des « julots casse-croûte », la plupart des femmes de la rue. Il est possible que les conditions de travail ait été moins pénibles dans certaines maisons closes, il reste que la réalité sociale, économique, psychologique des prostituées, est très sombre. Mais leurr silhouettes, leur vocabulaire, leur démarche, leur allure (à partir des années trente : cigarette, talons hauts, sac négligemment tenu par-dessus l'épaule), la petite société qui prospère autour d'elles, appartiennent à une sorte de « mythologie » plutôt heureuse, en tous les cas très éloignée des ruelles sordides et sanglantes de Londres, au temps de « Jack the ripper », l'assassin nocturne des misérables « filles de joie ».
























C'est une toute autre vision de la prostitution, que nous fait partager l'école japonaise dite de l'Ukiyo-e (de la fin du XVIIe siècle jusqu'au milieu du XIXe). Les courtisanes du quartier Shin-Yoshiwara, à Tokyo (ou Edo, capitale du shogoun) sont d'adorables jeunes femmes parfumées, superbement parées, entièrement vouées au plaisir et au raffinement qui l'accompagne (ci-dessous ; musée Cernuschi, Paris ).

























Et cette chanson, dont le texte est de Pierre Mac Orlan, interprétée par Germaine Montero : l'histoire d'une fille « perdue », sujette à une puissante mélancolie…

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