Pulpe friction, en pensant à La Guerre de Troie n'aura pas lieu, du merveilleux Jean Giraudoux, qui n'est plus ni lu ni joué, peut-être pour avoir trop aimé la langue allemande…
HECTOR – Et il y en aura d’autres
après lui, n’est-ce pas, pourvu qu’ils se découpent sur l’horizon, sur le mur
ou sur le drap ? C’est bien ce que je supposais. Vous n’aimez pas Pâris,
Hélène. Vous aimez les hommes !
HÉLÈNE – Je ne les déteste
pas. C’est agréable de les frotter contre soi comme de grands savons. On en est
toute pure…
(Scène 8)
De grands savons dont on fait des bubble gums, des chairs pour jolie femme, des chairs à canon en quelque sorte, des chairs à friction : Bardot s'est aventurée souvent sur leur pente savonneuse, elle s'est enduite de leur mousse. Elle revenait de leurs émulsions, de ses ablutions, à chaque fois la peau lisse et plus pure, en effet : car enfin « C’est agréable de les frotter contre soi comme de grands savons. »…
Ici, Bardot chante pour son show télévisé de 1967, filmée par François Reichenbach dans les rues de Londres, « The Devil is english », vêtue du même costume à brandebourg que celui qu'elle arborait, lorsque, conviée à l'Élysée, elle rendit visite au général de Gaulle, auprès de qui elle fit une forte impression. Celui-ci résuma son émotion par une formule admirablement gaullienne : « Cette jeune personne a une simplicité de bon aloi. ».
Bardot, c'est mon pays rêvé, idéal, accompli. Elle le résume totalement. Tout son être irradie la France : sa nuque droite, son cou mobile, son regard de défi tendre, ses lèvres gonflées, ses seins dressés, son élégant joufflu que divise une raie d'ambre et d'ombre, bien fait pour que la caméra de Jean-Luc Godard s'y attarde lentement, et toute son incarnation radicalement offerte et soustraite, désirable et honorable. La France de Bardot, c'est : « Faites la moue et la guerre ! ». C'est le pays du singulier pluriel, où l'unique est sa propriété, où la solitude est un peuple, où la multitude est un couple. C'est le pays de Michel de Montaigne, qui dit « je » quand il se couche, des adolescents rêveurs qui disent « moi » quand ils se touchent, le pays où Dieu s'amuse qu'on le réfute. C'est le pays des individus irréductibles et des anonymes qui se sentent fameux. C'est le pays des carrés qui s'additionnent à la ronde pour dessiner un cercle. La France n'existe pas : comme Bardot, elle veut être vue et désirée, puis disparaître et se recomposer plus loin ; comme elle et comme l'eau, qui échappe à l'étreinte, elle fuit la contrainte et le repos.
C'est ici que Bardot vous observe !
2 commentaires:
Vos hommages à B.Bardot sont frissonnants, tels des messages d'amants éperdus et perdus. Vous l'aimez comme on l"aime ici, de cet amour béat qui laisse un léger sourire sur nos lèvres, un sourire sans équivoque et sans espoir avéré. Elle rendit tant d'hommes heureux -on peut l'imaginer - et tant malheureux... Tenez, Gunther Sachs qu'au bout de quelques semaines elle trompait allègrement pour retrouver S.Giansbourg, pourtant peu gâté physiquement par la nature! Allez comprendre.
Notre tendresse pour elle quoi qu'il a pu se produire reste te restera intacte. Et puis le talent autorise tout, même de bien mal vieillir.
Béat, mon amour pour Bardot ? Je ne crois pas, Nuage. Bardot m'apparaît comme un moment de perfection, une sorte d'aboutissement de civilisation. Elle ne pouvait naître et croître que dans ce pays, où elle incarne un émerveillement. J'ai essayé d'expliquer pour quelles raisons tout cela se produisit. Bardot a trouvé réunies les conditions de son épanouissement. Elle signale l'apothéose (et le déclin) d'une certaine bourgeoisie française, encore assurée du rôle qu'elle peut jouer, mais, dans le même temps, portant à son point de rupture son droit à manifester son goût, ses caprices, sa liberté. Après elle, cela ne sera plus possible. Regardez la vivre, saisir ce qui passe à sa portée et lui plaît : elle est souveraine. Elle a mille ans de civilisation et d'évolution derrière elle, elle a plus d'un siècle d'énergie bourgeoise, mais encore de contradictions, de chagrins, d'ambition nés de la révolution bourgeoise de 1789. J'exagère ? Je me trompe ? Je me trompe souvent, j'exagère toujours !
Enfin, elle ne m'a jamais déçu. Je ne me soucie pas de ses déclarations politiques en faveur de la firme Le Pen, et je soutiens son combat en faveur des animaux. La condition que nous imposons à ces derniers est l'une de nos fautes mortelles. Les animaux sont innocents. Je sais, mon cher Nuage, que d'autres innocents, humains ceux-là, ont disparu dans « la nuit et le brouillard ». Et tant d'autres après. Il n'empêche : nous faisons subir aux « bêtes » un vrai calvaire. Pensez à cette histoire, que m'a donnée un jour un ami tunisien : après sa mort, un âne monte au ciel. Un joli chemin semé de fleurs s'ouvre devant lui. Il l'emprunte. Les oiseaux chantent, il fait beau, une pancarte annonce « Direction le Paradis ». L'âne accélère le pas, tout heureux. Or, après un virage, il entend des rires d'enfant. Aussitôt, il fait demi-tour, se disant à part soi : « Si des enfants se trouvent là, ce ne peut être le Paradis ! ».
Bardot ma ferveur, my fever, Bardot for ever !
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