mercredi 18 mai 2016

Des ombres sur la scène

Dans l'article précédent, Un peu de désir dans l'eau froide, j'évoquais la belle figure de Jean-Luc Boutté. Voici un court portrait, qui témoigne justement de cette beauté, à tous les sens du mot. Entendez, par exemple, ce qu'il dit de son chien, un teckel, qui l'a « inspiré ». J'ai eu une chienne teckel, et même deux : elles se comportaient avec moi comme se comportent les mères ; j'étais leur fils, elles me « gourmandaient », veillaient sur moi. Les animaux en général devraient nous inspirer, alors que nous ne savons que les soumettre et les massacrer.



Dans l'extrait ci-dessus, on voit aussi le « jeune premier » Richard Fontana, mort prématurément : délicatesse et virilité des traits, un vrai prince de Racine ! Et l'on croise encore Françoise Seigner, qui eût pu jouer un sémaphore en demeurant immobile ! Elle fut la digne fille de son père, qu'il faut avoir vu dans Le Bourgeois gentilhomme pour croire que les miracles sont possibles.
Vous réclamiez cette version du Bourgeois ? la voici (enjoy !) :



Et, pour le plaisir, le vôtre autant que le mien (car le plaisir est un moment intense d'égoïsme partagé), voici peut-être ce qu'une troupe telle que celle de la Comédie française réussit mieux que tout, un genre qui convient parfaitement à sa mécanique de précision : Doit-on le dire ?, du grand, du très grand Eugène Labiche, lequel reconnut et encouragea le génie de Georges Feydeau, beau jeune homme triste, qui s'adonnait à tous les plaisirs sans paraître s'en réjouir.
Feydeau et l'autre grand du boulevard, musical celui-ci, Jacques Offenbach, furent tous deux plutôt neurasthéniques. Ils ne se plurent vraiment que dans le bel exercice et la volonté charmante de nous faire rire. Pour le reste, ils s'attendaient au pire, ce qui est infiniment respectable.
Alors, heureux ?


5 commentaires:

Célestine ☆ a dit…

le plaisir est un moment intense d'égoïsme partagé
C'est tellement vrai. Et en même temps, joindre l'égoïsme au partage, n'est-ce pas réussir la quadrature du cercle ?
Merci pour le Bourgeois. Je l'ai revu avec grand plaisir, chaque acteur est un monument, quel que soit son rôle et la classe sociale qu'il est censé représenter.
Et ça, c'est très fort.
¸¸.•*¨*• ☆

Patrick Mandon a dit…

« […] joindre l'égoïsme au partage, n'est-ce pas réussir la quadrature du cercle ? » (Célestine, ci-dessus).
Vous prolongez bien l'affaire, laquelle est annoncée, âprement disputée, comme vous l'avez déjà entendu, par Sacha Guitry : « Un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi ! ». À vrai dire, c'est en pensant aimablement à soi qu'on prend soin des autres. Mieux vaut un égoïste bien élevé qu'un altruiste sans éducation.
Par exemple, je me réjouis d'avoir été à l'origine de votre plaisir… à la vision du Bourgeois gentilhomme. Le chef d'œuvre de Molière porté à ce point de perfection, c'est à l'évidence un grand moment de la scène. Pourquoi les metteurs en scène renoncent-ils à la difficulté d'être simple ? Parce qu'ils manquent de modestie ? C'est possible.
Note : avez-vous lu quel bien nous pensons de vous, Nuageneuf et moi-même, dans ce commentaire ? : https://www.blogger.com/comment.g?blogID=4555643572926376728&postID=8841163144876753512

Anne a dit…

Quant à "Doit-on le dire?", c'est Monsieur Jean-Laurent Cochet qui avait concocté cette association si spirituelle entre la musique d'Offenbach et Labiche.
Ce spectacle, réussite absolue, a été remonté par lui il y a une dizaine d'années au Théâtre Mouffetard, avec d'autres acteurs (mais aussi Paule Noëlle, qui était passée du personnage de la fille à celui de la mère). Quand tout est fait, avec goût, pour le plaisir du spectateur, pour qu'il sorte tout gaillard de la salle, quelle légèreté sur le moment, et avec le recul, le sentiment d'un des meilleurs moments de théâtre de ma vie.

Patrick Mandon a dit…

Vous avez raison, Anne, pour Jean-Laurent Cochet, inestimable découvreur de talents (dont celui de Depardieu), et grand serviteur du théâtre. À Hébertot, il a accompli un travail remarquable. Il dit des choses sévères sur la prétention de quelques-uns, les mêmes qui vous (nous) « gâchent » le spectacle de leur arrogante prétention et de leurs assommantes « relectures ».
Plaisir rare et précieux de vous accueillir, depuis quelques années, déjà…

Anne a dit…

Merci!
La courtoisie exquise de l'hôte n'est pas pour rien dans ma fidélité...