vendredi 30 avril 2010

La nuit

Tom Douce
C'est l'histoire d'un type qui tente sa chance, dans un bar, auprès d'une fille. Dehors, il fait froid. Il n'a rien d'un magicien, mais il supporte bien l'ironie amère. Elle sourit, un peu lasse, elle ne résiste pas vraiment, elle lui explique simplement qu'elle n'est pas née de la dernière pluie acide… C'est un type comme les autres, mais moins balourd que la moyenne. Elle a l'œil, elle évalue rapidement les chances qu'elle consent à accorder à un solitaire. Il porte un manteau en cachemire un peu fatigué, mais élégant, et ses ongles sont propres. il sent bon, et il n'a pas bu. Sa prunelle sombre, aimable, ne dissimule aucune turpitude qu'elle ne puisse partager…



Voici les paroles :

stop me if you've heard this one
i feel as though we've met before
perhaps i'm mistaken
but it's just that i remind you
of someone you used to care about
but that was long ago
do you think i'd fall for that
i wasn't born yesterday
besides i never talk to strangers anyway

i ain't a bad guy when you get to know me
i just thought there ain't no harm
hey just try minding your own business
bud who asked you to annoy me
with your sad repartee
besides i never talk to strangers anyway

your life's a dimestore novel
this town is full of guys like you
and you're looking for someone to take the place of her
and you're bitter cause he left you
that's why you're drinkin in this bar
well only suckers fall in love
with perfect strangers

it always takes one to know one stranger
maybe we're just wiser now
and been around the block so many times
that we don't notice
that we're all just perfect strangers
as long as we ignore
that we all begin as strangers
just before we find
we really aren't strangers anymore

Extrait de l'album Foreign Affairs, sorti en 1977. Le texte est de Tom Waits, il chante en duo avec Bette Midler.

mardi 27 avril 2010

L'éternité fait la moue

Elle n'était pas tout à fait de ce cinéma-là. On la voulait starlette minaudant, puis «star» vouée aux films à scandale, évoquant les drames minuscules d'une jolie fille peu farouche. Rétrospectivement, là où ils dorment, nous souhaitons des bouffées de honte aux critiques professionnels, qui dénoncèrent l'absence de talent chez Bardot, de son premier à son dernier film !
Mais voilà que surgissent d'internet ces quelques minutes magnifiques, consacrées au tournage d'un certain film de Jean-Luc Godard. L'affaire se passe près de Capri ; il y a un producteur, un metteur en scène, la villa d'un écrivain italien, bâtie sur un rocher… Godard filme le cinématographe, et cela, en soi, constitue une fiction.
En voici quelques images :



En supplément, une chanson rarement entendue, très tendre, très démodée, très sentimentale, une chanson de gitane blonde, un chant de vénusienne aux lèvres gonflées de sang ;

http://www.youtube.com/watch?v=HZxTqc5tiHg

Voir aussi :
Tous les garçons s'appellent Patrick: Faites la moue

mardi 20 avril 2010

Corinne à New York -2- (suite)

LES SEIGNEURS DES ANNEAUX

Ah les beaux biscotos ! Ils ne sont exposés que pour attirer le regard des passantes, qui d'un coup de coude, encourageront leur moitié un peu plus enrobée à passer le porche, pour acquérir très vite dans ce temple du muscle toute la panoplie, les instruments variés, le petit nécessaire du parfait «biscoté» !
En dessous, un joli défilé et son souffleur zélé, puis, plus bas un extraordinaire «amadoueur» de boas, tout enrubanné : ma pièce maîtresse ! J'ai beaucoup aimé son attitude, mis sérieuse mi amusée pour ne pas trop effrayer les enfants. Quand il a vu que je le photographiais, il a pris la pose, en vrai professionnel.

Texte et photographies © Corinne Salou





Corinne à New York -2- (suite)

WEST SIDE STORY

Derrière d'autres grilles se dispute un match de basket. Les murs de briques rouges, les escaliers métalliques qui dégringolent des façades des anciens buildings, les châteaux d'eau sur le toit des immeubles : rien n'a beaucoup changé ici depuis Tony et Maria.
La journée était idéale pour une promenade à Central Park en compagnie de "L'Américain" de Henry James. La confrontation des deux continents, la vieille Europe aristocratique désargentée contre le nouveau monde incarné par un millionnaire américain conquérant et un peu naïf, le vieux monde compliqué contre le nouveau trop simple… Un beau moment, même si les portraits nous semblent un peu surannés ; entre les lignes, on s'y retrouve, eux et nous. Et en revenant sur nos pas, à Wall Street, découverte d'un petit cimetière encerclé d'immeubles, à la pelouse bien entretenue. Là, une tombe ancienne, attira mon attention. L'année de décès de son occupant était de 1772, son nom de consonance écossaise. Quatre ans après, la déclaration d'indépendance était signée.
New York est, contre toute attente, une ville des plus romantiques qui soient.



Texte et photographies © Corinne Salou





Corinne à New York -2- (suite)

DE LA BOURSE À LA VIE

Un vaste chantier se profile derrière les grilles qu'hantent encore, et pour longtemps dans la mémoire collective, les tours jumelles. Les plus grands sont aussi les plus fragiles. Les funambules de la finance quant à eux, continuent leurs jeux d'équilibristes, sans filet. Ailleurs, en bas, quelques initiatives individuelles semblent bien dérisoires.

Texte et photographies © Corinne Salou









Corinne à New York -2-

Corinne, notre belle brune aux cheveux d'encre, vraie nomade, est allée à New York. Elle en est revenue, avec des récits et des photographies.
Voici, en quatre épisodes, ses «captures d'images», et ses commentaires.


LE BON OU LA BRUTE, LES BRUMES ET LES MARCHANDS

Le bon ou la brute ? C'est Al Pacino dans le rôle du Dr Kevorkian. Surnommé "Dr Death", dans les années Quatre-vingt-dix, ce mèdecin, militant pour la légalisation du suicide assisté, euthanasia plus de cent de ses patients. Après un procès et huit années de prison, il présenta sa candidature au Congrès…"Man should be brave"..
Depuis 1997, l'Oregon est le seul état autorisant le suicide médicalement assisté. Mais le tabou persiste sur le sujet, là bas comme ici les brumes ne sont pas dissipées ; devant les vitrines indécentes des marchands, le va-et-vient incessant des passants, les mugissements des sirènes, dans la ville qui ne dort jamais on ne peut rester longtemps à songer au grand sommeil...

Texte et photographies © Corinne Salou







samedi 17 avril 2010

La banlieue des Pâques

Mr PM, dans le fil de l'article " Entre Rhône, Saône et canal Saint-Martin”, recommandait l'interprétation des Pâques à New York, de Blaise Cendrars, par un certain Ekoué. Pour des raisons technologiques, résolues depuis, je n'avais pu entendre ni partager avec vous ce moment intense et très réussi.
Le voici.
Mr PM avait raison.




mercredi 14 avril 2010

Lettre d'une jeune attachée d'ambassade…

… à un ami français au sujet de Coup de grâce, roman de Marguerite Yourcenar (Gallimard).



«Cher ami, sans le savoir, vous m’avez permis de régler mes comptes avec la Lettonie, aujourd’hui je vous propose de les solder. Enfin, me direz-vous ! Il était grand temps, après dix ans. Mais pour paraphraser Kafka, «cette petite mère a des griffes»…
Pour y mettre un point final, j’ai choisi un livre que vous aimez et convoqué tous mes fantômes. Vous verrez, ils sont venus, ils sont tous là, de von Salomon à Keyserling, en passant par Jean-Paul Kauffmann et sa Courlande rêvée.
Je vous parle bien sûr du Coup de grâce de Marguerite Yourcenar, celle là même dont la maison d’enfance accueille maintenant des écrivains que j’aime.

«1919. Les Bolcheviks occupent la Lettonie et les Allemands tentent désespérément d’y créer un territoire indépendant du nom de Baltikums. C’est le cadre qu’a choisi Marguerite Yourcenar pour y développer une histoire d’amour entre trois jeunes gens, isolés dans une atmosphère de guerre, dans le décor idéal d’un château en Courlande à la beauté tragique et crépusculaire. Plus précisément, trois jeunes aristocrates germano-baltes qui y sont repliés et encerclés avec des membres des Corps-francs. Eric von Lhomond, le personnage principal, est l’un de ces soldats de fortune au service de toutes les causes, à demi perdues ou à demi gagnées. De ces déclassés qu’on retrouve lors de l’écrasement des mouvements spartakistes en Allemagne, dans la guerre de Mandchourie, en Espagne avec Franco, et bien sûr aux côtés d’Hitler lors de sa conquête du pouvoir. Charme funeste. L’hiver, la neige, le château assiégé, le huis clos des personnages et une bise pénétrante, comme le souffle de la mort, qui ne cesse de traverser cette histoire. Il y a quelque chose de tragique dans ces personnages cernés au milieu d’un paysage gelé. Le film que Volker Schlöndorff a tiré du roman est un pur chef d’œuvre. Rien qu’en regardant ces images où l’un des héros casse tranquillement la glace du pot à eau pour faire sa toilette, on claque des dents. Où Sophie, l’héroïne, est abattue à la fin par l’homme qu’elle aime. L’exécution qui se déroule dans une gare située en rase campagne est absolument glaçante. Eric doit tirer par deux fois en détournant la tête.

«Unité parfaite de temps, de lieux… et de danger comme diraient nos classiques. Pourtant, dans la tragédie antique, on se moque du décor. Il est secondaire, seule importerait l’histoire d’amour entre Sophie et Eric. Mais pas pour Marguerite Yourcenar, qui excipe curieusement dans sa préface de la justesse de ses notations et fait grand cas du témoignage des gens ayant participé à cette guerre, l’air de dire «je ne suis pas allée sur place, mais regardez, j’ai mis dans le mille !». Coquetterie d’auteur se plaisant à mettre en valeur son instinct de divination jusque dans la couleur locale ? Il est vrai qu’on s’y croirait. C’est à un exceptionnel travail de documentation qu’elle s’est livrée, on sent qu’elle a déplié des cartes d’état-major, glané des détails donnés par des témoins oculaires, recherché de vieux journaux illustrés pour essayer d’y trouver le maigre écho ou le maigre reflet d’obscures opérations militaires sur la frontière d’un pays perdu. Même si dans Le Coup de grâce le régionalisme reste convenu, on y retrouve bien les bois de bouleaux, les lacs, les champs de betteraves, les petites villes sordides et les villages pouilleux. L’ambiance de dévastation et de pillage, les croix de fer, les escaliers renversés et les plafonds troués. Sans parler des usuriers juifs écartelés entre l’envie de faire fortune et la peur des coups de baïonnette. Jusqu’au nom du château aux accents vaguement letton et non germanique comme on aurait pu s’y attendre, Kratovice. A l’époque où Marguerite Yourcenar écrit son roman (1939), tous les noms allemands ont été lettonisés. Si elle a consulté des cartes, comme elle l’affirme, ce Kratovice a dû lui apparaître plausible, sinon vraisemblable.

«Mais pourquoi la Lettonie, Marguerite, où vous n’avez jamais mis les pieds ? Qui n’a finalement que peu d’importance dans votre histoire, pourquoi ce souci presque maniaque du détail vrai ?

«Et si la Lettonie n’était que la représentation idéale d’un pays des confins situé entre deux mondes, celui de la civilisation et celui de la barbarie, remplissant la fonction de passerelle culturelle, politique ou économique ? Un support géographique idéal pour écrivains, un cristalliseur de sentiment amoureux. Le mythe littéraire parfait, un ailleurs stylisé.
J’aurai donc passé quatre ans dans un vrai-faux pays qui existe moins sûrement que l’Atlantide ou la Patagonie. Le comprendre, c’est enfin boucler la boucle.
"Paldies” mon ami !»

Nadia Moscovici

De Nadia Moscovici, vous lirez également L'européenne délaissée ; L'autre Keyserling; Les voyages d'une européenne, Nadia à Bucarest; Vertige national (sur Ernst von Salomon).





Le coup de grâce (Der Fangschuss), un film de Volker Schlöndorff, d'après le roman de Marguerite Yourcenar, Éditions Gallimard
Scénario : Geneviève Dormann, Margarethe von Trotta
Musique originale : Stanley Myers
Directeur de la photographie : Igor Luther
Ingénieur du son : Gerhard Birkholz - Willi Schwadorf
Chef décorateur : Jürgen Kiebach
Monteur : Henri Colpi
Girecteur de production : Eberhard Junkersdorf

Distribution :
Matthias Habich (Erich)
Margarethe von Trotta (Sophie)
Rüdiger Kirschstein (Konrad)
Matthieu Carrière (Volkmar)
Valeska Gert (Tante Prascovia)
Marc Eyraud (Dr Paul Rugen)
Frederik Zichy (Franz von Aland)
Bruno Thost (Chopin)
Henry van Lyck (Borschikoff)



jeudi 8 avril 2010

Entre Rhône, Saône et canal Saint-Martin

Pour saluer Joël et Saint Sébastien, qui nous ont fait le grand plaisir de nous rejoindre.

Photographies © PM





vendredi 2 avril 2010

Blaise pascal…


















Je descends à grands pas vers le bas de la ville,
Le dos voûté, le coeur ridé, l’esprit fébrile.

Votre flanc grand ouvert est comme un grand soleil
Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles.


[…]
C’est à cette heure-ci, c’est vers la neuvième heure,
Que votre Tête, Seigneur, tomba sur votre coeur.

Je suis assis au bord de l’océan
et je me remémore un cantique allemand,

Où il dit, avec des mots très doux, très simples, très purs
La beauté de votre Face dans la torture.


[…]
Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et ta bonté
pour voir ce rayonnement de votre Beauté.

Pourtant, Seigneur, j’ai fait un périlleux voyage
Pour contempler dans un béryl l’intaille de votre image.

Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans mes mains
Y laisse tomber le masque d’angoisse qui m’étreint;

Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche
N’y laissent pas l’écume d’un désespoir farouche.

Je suis triste et malade, Peut-être à cause de Vous
Peut-être à cause d’un autre, Peut-être à cause de Vous.

Seigneur, la foule des pauvres pour qui Vous fîtes le Sacrifice
Est ici tassée, parquée, comme du bétail, dans les hospices.

D’immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent pêle-mêle sur les pontons.

Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, des Persans, des Mongols.
Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens
On leur jette un morceau de viande comme à des chiens.

C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.
Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.



BLAISE CENDRARS
Les Pâques à New York (extrait)























Photographie © PM



jeudi 1 avril 2010

Marlon B, for Lady Tanya, and for all Tous les garçons' ladies

Look at and ear, all of you !

Lady T said : «I love him (Brando) in Streetcar the most ! Kazan's magic made Marlon into the sexiest beast EVER ! He takes my breath away when he screams "Stella !”… Kazan understood life and human nature ! And had a sense of humour!
I say we kill Steven Spieberg and the
rest of those hollywood whores and bring Kazan back!
Have you seen his grandaughter - Zoe Kazan, she is only 24. She is amazing and a great actress.
Of course Vivien Leigh walks on water.»
(voir également articles : Brando sur le trottoir, Le fantôme du métro aérien 1,2,3, et Beau gosse 1, Last tango in Paris).

Documents : Elia Kazan (1909-2003). Né à Constantinople (Turquie), d'origine grecque, il suivit sa famille lorsque celle-ci émigra en Amérique. Loin de reprendre les affaires de son père, commerçant, le jeune Elia choisit le cinéma.
De Niro voyait en lui l'un de ses maîtres, un novateur, un metteur en scène qui inaugura dans l'art de diriger les acteurs. Avec Cheryl Crawford et Robert Lewis, Elia Kazan a fondé l'Actors studio, à New York en 1947. Il révéla Marlon Brando, dans Un tramway nommé désir (A streetcar named desire, 1951), le confirma dans Viva Zapata (1952, scénario de John Steinbeck), puis dans Sur les quais (1954, On The Waterfront, huit Oscar). C'est encore Elia Kazan qui découvrit James Dean (East of Eden, À l'est d'Eden, 1955) et Carrol Baker (Baby Doll, 1956).
Membre du Parti communiste américain en 1933, il en claque la porte derrière lui en 1936. Pendant la terrible période de délation qu'on appelle le Maccarthisme, s'organise, dans toute la société américaine, et particulièrement dans les milieux artistiques et de la presse, une chasse aux sorcières (witch hunts). Cité à comparaître comme témoin devant la seconde commission des Activités communistes et anti-américaines (1951-1952), Elia Kazan dénoncera des collègues et des acteurs. D'autres refusèrent, malgré les menaces (tel Humphrey Bogart,1899-1957), de rentrer dans ce jeu patriotard infâme. Elia Kazan, incarnant à sa manière le rêve américain, voulut-il démontrer un super-patriotisme et sa reconnaissance pour le pays qui l'avait accueilli, alors que sa famille fuyait la menace turque ? Son acte le suivit jusqu'à la fin de sa vie et fut grandement nuisible à sa réputation, en Amérique et, plus encore en Europe (surtout en France et en Italie). Je me garderai bien de juger l'homme, et j'admire l'artiste.

Affiche du film Un tramway nommé désir, (A Streetcar Named Desire, États-Unis, 1951). Réalisation : Elia Kazan. Scénario : Tennessee Williams (d'après sa propre pièce) et Oscar Saul. Avec Vivien Leigh (Blanche DuBois), Marlon Brando (Stanley Kowalski), Kim Hunter (Stella Kowalski), Karl Malden (Harold «Mitch» Mitchell), Rudy Bond (Steve), Nick Dennis (Pablo Gonzales), Peg Hillias (Eunice)...
Un portrait d'Elia Kazan.
Sa petite-fille,Zoe Kazan, comédienne.