vendredi 3 décembre 2010

Amoureusement baroque



Mais pour qui donc, pour quel(le) cruel(le), se languit, ici, Luciano Pavarotti ?


Caro mio ben,
credimi almen,
senza di te

languisce il cor,
caro mio ben,
senza di te

languisce il cor
Il tuo fedel
sospira ognor

Cessa, crudel,
tanto rigor!
Cessa, crudel,

tanto rigor,
tanto rigor!
Caro mio ben,

credimi almen,
senza di te
languisce il cor,

caro mio ben,
credimi almen,
senza di te

languisce il cor


On attribue ce moment musical délicieux au compositeur italien Giuseppe Giordani. Si d'aucuns murmurent qu'il naquit à Naples en 1751, d'autres prétendent qu'il fut arraché à l'affection des siens et aux griffes de ses créanciers en 1798. On ne sache pas que Caro mio ben soit tiré d'un opéra ; il s'agirait plutôt d'un aria, mot italien que Maurice Chevalier traduisit, autrefois, par Un p'tit air.

Les musicologues, souvent, qualifient de mineure l'œuvre de Giuseppe Giordani. En son temps, Don Giuseppe Giordaniello, ainsi qu'on l'appelait, était fameux. Goethe, de passage à Naples s'est montré peu sensible, sinon à cet air, tout au moins à l'une de ses œuvres :
«[…] Le sommet du Vésuve ne s’est pas découvert depuis que j’y suis monté. Ces dernières nuits, on l’a vu quelquefois jeter des flammes. Maintenant il est redevenu tranquille ; on s’attend à une éruption plus forte. […] La nature est le seul livre dont chaque page présente un grand sens. En revanche, le théâtre ne me fait plus aucun plaisir. On joue ici pendant le carême des opéras spirituels, qui ne se distinguent des opéras mondains que par l’absence de ballets dans les entr’actes. Au reste, ils sont aussi extravagants que possible. On joue au théâtre Saint-Charles la Destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor. C’est pour moi une grande lanterne magique : il semble que j’ai perdu le goût de ces choses.»
Johann Wolfgang von Goethe, Voyage en Suisse et en Italie, lettre du 7 mars 1787, traduction Jacques Porchat

Mais voici sans doute la plus belle interprétation de Caro mio ben, celle de Nicholas Spanos, injustement oublié dans l'engouement récent dont sont l'objet les voix de contre. L'Europe baroque s'enflamma pour les sons étranges, les variations d'ange que produisaient alors les castrats. Grâce à Dieu, si l'on ose dire, il n'est plus nécessaire à un homme de sacrifier une partie de lui-même pour conserver cette tessiture.
(Le son n'est pas excellent, bien sûr, mais auprès de qui se plaindre ?)





Et puis cette curiosité, la voix, enregistrée vers 1900, du dernier «vrai» castrat italien, Alessandro Moreschi :

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