Chère bourguignonnamie, je ne suis pas à Paris, et ne peux vous répondre longuement, néanmoins votre message ne laisse pas de m'inquiéter ; en effet, où je me trouve actuellement, je ne reçois pas l'article consacré à Métropolis, tel que je l'avais écrit. Je n'ai que le film, mais rien du texte, où je parle précisément de Thea. Pouvez-vous me dire ce que vous voyez ? Je présentais la personnalité, très riche mais contrariée, de Thea von Harbou, qui s'est fortement compromise avec les nazis. Avez-vous vu la photographie qui la montre, très maternelle, avec son superbe amant indien ? Cette photographie, par exemple, n'apparaît pas sur mon écran. Bref, je ne comprends pas ce qui se passe. J'ai bien l'intention de consacrer d'autres articles à cette exceptionnelle période du cinéma allemand, que j'adore positivement. Il se fit un précipité de sentiments, de sensations, d'espérances, qui donna lieu à d'extraordinaires créations.
Encore ceci, Corinne : depuis que, comme vous, j'ai entendu ce poème de Guillaume Apollinaire, que j'avais oublié, je suis hanté par la phrase : «J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes». La poésie est encore capable d'ébranler les consciences, j'en suis la preuve : dans la durée d'à peine un mois, les mots de Paul Celan et ceux d'Apollinaire auront infiniment troublé le vieux gamin que je suis.
Patrick, nous pouvons lire l'intégralité de l'article. C'est sans doute un petit souci localisé.. Il est vrai que votre article est très documenté, mais malgré cela je me demandais s'il existait une biographie de cette troublante femme afin de l'approcher d'un peu plus près. Quant à Appolinaire peut-être aimait-il aussi les femmes énormes dans les quartiers atroces ? Il me semble qu'il a fait là une inversion à dessein qui surprend autant qu'elle séduit. Je n'ai pas lu Paul Celan, il faut que j'y remédie. Cher Patrick, restez surtout ce "vieux gamin" de Paris qui nous surprend autant qu'il nous séduit lui aussi :-) !
Hier samedi, pas de texte, ni d’image. Seul le titre apparaissait. . Ce matin, je viens de visionner la vidéo mais aucun texte n’apparaît. . Apollinaire : en poésie, sa liberté créatrice et affranchie est un enchantement de chaque instant. Ses romans érotiques, pour ne pas dire pornographiques, choquent souvent mais cachent, à mon sens, une sensibilité esthétique rare. Bref, explorer le monde d’Apollinaire reste un parcours initiatique que je me promets de faire, un jour ou l’autre ; ah ! les promesses que l’on se fait ! J’ai toujours dans un coin de la tête son évocation du fait que “tous nous marchons sur les morts”, mais je n’ai plus les références de ces textes. . Paul Celan : quelle émotion pour moi de vous savoir sensibles tous deux. En résonance(s). Bigre, me voici tout tourneboulé, sur l’instant. Je m’éclipse avant que de m’égarer dans la sensiblerie...
Mes pérégrinations internautiques m'ont amenée ici http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/celan/celanpaul.html "esprits nomades" ! J'y ai trouvé en quelque sorte une clé, une phrase de Paul Celan qui explique tout sans rien résoudre "pourquoi moi suis-je vivant quand tant d'autres sont couchés dans la pierre", le syndrome du survivant, dit de Lazare.. et un poème également, une autre clé
"Avec une clé changeante
tu ouvres la maison, dans laquelle
tournoie la neige des choses tues
Et au gré du sang, qui sourd
des yeux ou de la bouche ou de l'oreille,
ta clé change.
Change ta clé, change le mot, qui doit suivre le tournoiement des flocons.
Au gré du vent qui te pousse en avant,
s'enroule autour du mot la neige"
Tourneboulée, oui Jean-Michel, c'est le mot, et honni soit qui sensiblerie y voit.
Corinne, il y a certainement un mystère Celan, ou plutôt une magie, qui se déclenche à la lecture solitaire de ses poèmes. Mon expérience récente tendrait à le démontrer. Jean-Michel nous avait envoyé un article tout de sensibilité sur Paul Celan. Je l'ai lu, bien sûr, et je me suis plongé dans ses poèmes, difficiles et abstraits d'apparence. Or, à cette lecture, alors que les manifestations zélées d'affliction, les manipulations du chagrin et de la pitié par la voie cinématographique (cf le film La rafle) souvent m'irritent, j'ai parfaitement entendu la puissante évocation/convocation des morts, j'ai mesuré le désespoir de l'auteur, isolé du monde des vivants, «indigne» survivant, comme retenu, tiré en arrière par le peuple des ombres que sa conscience abrite. La langue de Paul Celan, si énigmatique, m'est apparue dans toute sa clarté : elle était la conversion, par les mots, de la tragédie de la déportation, de l'effroi, de la solitude. Voilà peut-être ce qui pourrait constituer l'énigme Celan, mais aussi un peu de sa résolution.
Le poète de l'incommunicabilité du pire.. Ce poème précisément, cette clé, même lorsque les mots, au prix de maints efforts (changements de clés) sont dits, la neige des choses tues s'y dépose à nouveau dans une valse sans fin. Une impossible libération. Merci de vos lumières Patrick, c'est ainsi que je l'avais compris également.
Une œuvre, fondamentalement, c'est ce qui ébranle, c'est ce qui fait trembler les colonnes du temple, c'est ce qui nous met en relation avec un monde enfoui, avec un monde caché. Une œuvre, c'est dangereux et adorable.
C'est bien pire, Patrick, bien pire : l'assassinat programmé, la shoah par gaz, la shoah par balles. Au seul motif, au seul motif que nous sommes juifs. Six millions d'exterminés. Je ne sais que dire. Celan me dit les mots de l'indicible que parfois je comprends, en ce sens que je les prends avec moi ou d'autres fois que je ne comprends pas. Pas toujours facile, tout ça, mes amis. Sinon, tout va bien. Je vous ai, comme des présents si présents.
JMT, ce que vous dites, dans votre dernier message, est révélateur d'une sorte d'effarement, auquel, croyez-moi, je suis très sensible. Il y a, chez vous, quelque chose d'un orphelin inconsolable. De par le monde,hier, aujourd'hui, demain, tant d'orphelins inconsolables, et des chagrins innombrables.
Cher Jean-Michel, je ne suis pas juive mais mon père l'est. A cette triste époque cela ne faisait pas de différence n'est-ce pas ? Ils n'avaient pas vraiment le sens des nuances. Je crois qu'il n'y a rien à comprendre et je ne prends rien, pas de pardon ni d'excuse, rien que le constat de la sauvagerie, de l'horreur. Et passés la torpeur, la colère, le désarroi, l'abattement, restent la compassion, immense, et la vigilance.
Non effectivement chère Corinne, cela n'aurait pas fait grande différence. On a beau nous nommer deuxième, troisième, quatrième génération, peu importe, de cela nous ne nous remettrons jamais tout à fait. Comme nous ne nous remettrons pas de nos parents mutilés et de nos enfances lourdes de tous ces absents. Bonjour à vous trois, quel plaisir de revenir chez tous les garçons, comme un amer dirait mon poète préféré.
Oui, Patrick, hier, aujourd’hui, demain, rien ne change. Aucune différence, chère Corinne, comme le dit fort justement Nadia. Oui, Corinne, oui, Nadia, c’est un privilège de se retrouver l’âme presque décomplexée chez tous les garçons, point d’ancrage (l’amer de Mallarmé, c’est ça Nadia ?) d’exception.
Un bien amical salut à Nadia, heureuse de vous revoir par ici, et à tous, je souhaite, sinon de "joyeuses" tout au moins de chaleureuses fêtes de fin d'année avec ceux qui vous sont chers. Mes amitiés à tous !
16 commentaires:
Merci Patrick ! Ainsi nous en savons un peu plus sur Metropolis, mais maintenant nous voudrions en savoir beaucoup plus sur Thea !
Chère bourguignonnamie, je ne suis pas à Paris, et ne peux vous répondre longuement, néanmoins votre message ne laisse pas de m'inquiéter ; en effet, où je me trouve actuellement, je ne reçois pas l'article consacré à Métropolis, tel que je l'avais écrit. Je n'ai que le film, mais rien du texte, où je parle précisément de Thea.
Pouvez-vous me dire ce que vous voyez ? Je présentais la personnalité, très riche mais contrariée, de Thea von Harbou, qui s'est fortement compromise avec les nazis. Avez-vous vu la photographie qui la montre, très maternelle, avec son superbe amant indien ? Cette photographie, par exemple, n'apparaît pas sur mon écran. Bref, je ne comprends pas ce qui se passe.
J'ai bien l'intention de consacrer d'autres articles à cette exceptionnelle période du cinéma allemand, que j'adore positivement. Il se fit un précipité de sentiments, de sensations, d'espérances, qui donna lieu à d'extraordinaires créations.
Encore ceci, Corinne : depuis que, comme vous, j'ai entendu ce poème de Guillaume Apollinaire, que j'avais oublié, je suis hanté par la phrase : «J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes».
La poésie est encore capable d'ébranler les consciences, j'en suis la preuve : dans la durée d'à peine un mois, les mots de Paul Celan et ceux d'Apollinaire auront infiniment troublé le vieux gamin que je suis.
Patrick, nous pouvons lire l'intégralité de l'article. C'est sans doute un petit souci localisé..
Il est vrai que votre article est très documenté, mais malgré cela je me demandais s'il existait une biographie de cette troublante femme afin de l'approcher d'un peu plus près. Quant à Appolinaire peut-être aimait-il aussi les femmes énormes dans les quartiers atroces ? Il me semble qu'il a fait là une inversion à dessein qui surprend autant qu'elle séduit. Je n'ai pas lu Paul Celan, il faut que j'y remédie. Cher Patrick, restez surtout ce "vieux gamin" de Paris qui nous surprend autant qu'il nous séduit lui aussi :-) !
Bien chers Corinne et Patrick,
Hier samedi, pas de texte, ni d’image. Seul le titre apparaissait.
.
Ce matin, je viens de visionner la vidéo mais aucun texte n’apparaît.
.
Apollinaire : en poésie, sa liberté créatrice et affranchie est un enchantement
de chaque instant. Ses romans érotiques, pour ne pas dire pornographiques,
choquent souvent mais cachent, à mon sens, une sensibilité esthétique rare.
Bref, explorer le monde d’Apollinaire reste un parcours initiatique que je me
promets de faire, un jour ou l’autre ; ah ! les promesses que l’on se fait !
J’ai toujours dans un coin de la tête son évocation du fait que “tous nous marchons
sur les morts”, mais je n’ai plus les références de ces textes.
.
Paul Celan : quelle émotion pour moi de vous savoir sensibles tous deux.
En résonance(s). Bigre, me voici tout tourneboulé, sur l’instant. Je m’éclipse avant
que de m’égarer dans la sensiblerie...
Heureuse journée à vous deux.
Mes pérégrinations internautiques m'ont amenée ici http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/celan/celanpaul.html
"esprits nomades" ! J'y ai trouvé en quelque sorte une clé, une phrase de Paul Celan qui explique tout sans rien résoudre "pourquoi moi suis-je vivant quand tant d'autres sont couchés dans la pierre", le syndrome du survivant, dit de Lazare.. et un poème également, une autre clé
"Avec une clé changeante
tu ouvres la maison, dans laquelle
tournoie la neige des choses tues
Et au gré du sang, qui sourd
des yeux ou de la bouche ou de l'oreille,
ta clé change.
Change ta clé, change le mot,
qui doit suivre le tournoiement des flocons.
Au gré du vent qui te pousse en avant,
s'enroule autour du mot la neige"
Tourneboulée, oui Jean-Michel, c'est le mot, et honni soit qui sensiblerie y voit.
Amitiés à vous chers Jean-Michel et Patrick.
Corinne, il y a certainement un mystère Celan, ou plutôt une magie, qui se déclenche à la lecture solitaire de ses poèmes. Mon expérience récente tendrait à le démontrer. Jean-Michel nous avait envoyé un article tout de sensibilité sur Paul Celan. Je l'ai lu, bien sûr, et je me suis plongé dans ses poèmes, difficiles et abstraits d'apparence. Or, à cette lecture, alors que les manifestations zélées d'affliction, les manipulations du chagrin et de la pitié par la voie cinématographique (cf le film La rafle) souvent m'irritent, j'ai parfaitement entendu la puissante évocation/convocation des morts, j'ai mesuré le désespoir de l'auteur, isolé du monde des vivants, «indigne» survivant, comme retenu, tiré en arrière par le peuple des ombres que sa conscience abrite. La langue de Paul Celan, si énigmatique, m'est apparue dans toute sa clarté : elle était la conversion, par les mots, de la tragédie de la déportation, de l'effroi, de la solitude.
Voilà peut-être ce qui pourrait constituer l'énigme Celan, mais aussi un peu de sa résolution.
Le poète de l'incommunicabilité du pire.. Ce poème précisément, cette clé, même lorsque les mots, au prix de maints efforts (changements de clés) sont dits, la neige des choses tues s'y dépose à nouveau dans une valse sans fin. Une impossible libération. Merci de vos lumières Patrick, c'est ainsi que je l'avais compris également.
Une œuvre, fondamentalement, c'est ce qui ébranle, c'est ce qui fait trembler les colonnes du temple, c'est ce qui nous met en relation avec un monde enfoui, avec un monde caché. Une œuvre, c'est dangereux et adorable.
"la tragédie de la déportation..."
C'est bien pire, Patrick, bien pire : l'assassinat programmé, la shoah par gaz, la shoah par balles. Au seul motif, au seul motif que nous sommes juifs. Six millions d'exterminés. Je ne sais que dire. Celan me dit les mots de l'indicible que parfois je comprends, en ce sens que je les prends avec moi ou d'autres fois que je ne comprends pas. Pas toujours facile, tout ça, mes amis. Sinon, tout va bien. Je vous ai, comme des présents si présents.
JMT, ce que vous dites, dans votre dernier message, est révélateur d'une sorte d'effarement, auquel, croyez-moi, je suis très sensible. Il y a, chez vous, quelque chose d'un orphelin inconsolable.
De par le monde,hier, aujourd'hui, demain, tant d'orphelins inconsolables, et des chagrins innombrables.
Cher Jean-Michel, je ne suis pas juive mais mon père l'est. A cette triste époque cela ne faisait pas de différence n'est-ce pas ? Ils n'avaient pas vraiment le sens des nuances. Je crois qu'il n'y a rien à comprendre et je ne prends rien, pas de pardon ni d'excuse, rien que le constat de la sauvagerie, de l'horreur. Et passés la torpeur, la colère, le désarroi, l'abattement, restent la compassion, immense, et la vigilance.
Non effectivement chère Corinne, cela n'aurait pas fait grande différence.
On a beau nous nommer deuxième, troisième, quatrième génération, peu importe, de cela nous ne nous remettrons jamais tout à fait. Comme nous ne nous remettrons pas de nos parents mutilés et de nos enfances lourdes de tous ces absents.
Bonjour à vous trois, quel plaisir de revenir chez tous les garçons, comme un amer dirait mon poète préféré.
Oui, Patrick, hier, aujourd’hui, demain, rien ne change.
Aucune différence, chère Corinne, comme le dit fort justement Nadia.
Oui, Corinne, oui, Nadia, c’est un privilège de se retrouver l’âme presque décomplexée chez tous les garçons, point d’ancrage (l’amer de Mallarmé, c’est ça Nadia ?) d’exception.
Un bien amical salut à Nadia, heureuse de vous revoir par ici, et à tous, je souhaite, sinon de "joyeuses" tout au moins de chaleureuses fêtes de fin d'année avec ceux qui vous sont chers.
Mes amitiés à tous !
Les amitiés de Tous les garçons à Corinne ainsi qu'à toutes et à tous.
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