Il y a un an, Gunter Sachs, sachant sa mémoire menacée de disparaître entre les mâchoires d'Alzheimer, se suicidait. J'avais salué ce play boy d'un autre temps, d'un autre siècle, qui, pour déclarer son amour à Brigitte Bardot, avait envoyé des milliers de pétales de roses sur sa maison, à Saint-Tropez, depuis un hélicoptère. Il a laissé un ultime témoignage, que je trouve impressionnant : on y devine un homme observant le lent travail du déclin en lui, et anticipant la destruction de sa vaste capacité intellectuelle. Voici la lettre qu'il écrivit, avant de se tirer une balle dans la tête, dans son chalet, à Gstaad, en Suisse, où il résidait : « Ces derniers mois, je me suis aperçu, en lisant des revues médicale spécialisées, que j'étais atteint de la maladie d'A. Incurable. La mort est la seule issue. Pourtant ma capacité à raisonner logiquement n'est pas (encore) affectée. Je puis toujours penser, réfléchir. En revanche, ma mémoire se dégrade à vitesse grand V. Je suis de plus en plus souvent distrait. Et, en dépit de mon haut niveau d'éducation, ma capacité à m'exprimer dans toutes les langues que je parle couramment est très altérée, ce qui crée des décalages dans ma conversation. Cette menace sur mon intégrité intellectuelle est un critère absolu pour mettre un terme à ma vie.
Depuis toujours, j'ai affronté les plus grands défis. Celui-ci est le dernier. La perte de ma maîtrise intellectuelle me réduirait à un état inhumain, ce que je ne peux accepter. Telle est l'ultime manifestation de ma volonté. Je remercie mon épouse bien-aimée, mes compagnons, d'avoir enrichi mon existence, qui fut merveilleuse, de leur amour et de leur amitié profonde. »
Les 22 et 23 mai 2012, Sotheby's a dispersé la majeure partie de sa collection d'œuvres d'art, à Londres. L'ensemble de la vente a totalisé la somme de 51, 2 millions d'Euros.
Quelques prix : un paravent de Jean Dunand, artiste de la laque, très coté : 372 000 Euros ; un autoportrait par Andy Wahrol, « Pink Fright Wig » (1986), 3, 7 millions ; une photographie de Brigitte Bardot, par Richard Avedon, datant de 1959, 179 000, et un portrait de la même, par Andy Warhol, de 1974, 3, 7 millions (ci dessous).
Une sculpture « porno soft », nommée Table (1969), d'Allen Jones, fut acquise pour 1, 21 millions (ci-dessous).
Mais le prix le plus inattendu fut sans doute celui auquel s'envola une photographie (un montage, au vrai) de Gunter Sachs lui-même. Certes, Sachs pratiquait la photographie, et connaissait bien cet exercice, mais je pense tout de même qu'il a été étonné, là où il se trouve aujourd'hui, par l'enchère finale de son œuvre, baptisée Ascot : 255 000 Euros ! Ascot est un fameux hippodrome, situé à quelques kilomètres du château de Windsor, près de Londres. Cette jeune femme qui se multiplie, et scrute à la jumelle les jockeys et leurs montures, forme un beau contraste de blanc et de chair : elle est une tribune à elle seule !
On consultera également :
Tous les garçons s'appellent Patrick: Memorabile (en italien)
1 commentaire:
Très bel hommage à un homme rare. Merci.
Dès que j'en ai le temps, je me propose de narrer ici ma rencontre avec lui, à Paris, en 1975 très précisément.
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