mercredi 14 juillet 2010

Métamorphose 2























































Dans son jardin la sultane se baigne,
Elle a quitté son dernier vêtement ;
Et délivrés des morsures du peigne,
Ses grands cheveux baisent son dos charmant.

Par son vitrail le sultan la regarde,
Et caressant sa barbe avec sa main,
Il dit : « L’eunuque en sa tour fait la garde,
Et nul, hors moi, ne la voit dans son bain.

« — Moi, je la vois, lui répond, chose étrange !
Sur l’arc du ciel un nuage accoudé ;
Je vois son sein vermeil comme l’orange
Et son beau corps de perles inondé. »

Ahmed devint blême comme la lune,
Prit son kandjar au manche ciselé,
Et poignarda sa favorite brune...
Quant au nuage, il s’était envolé !

Théophile Gautier, La comédie de la mort, Le nuage

Photographies © PM

5 commentaires:

Vincent Deyveaux a dit…

Les Fleurs du Mal lui sont dédiées.
Très heureuse lumière, avec un choix de l'endroit à éclairer.

Patrick Mandon a dit…

Qu'on le veuille ou non, Gautier fut un artiste, un raffiné. Baudelaire ne s'y était pas trompé. Je sais bien qu'il a mauvaise réputation et que Gide ne l'aimait guère, mais enfin, il ne méritait pas son mépris. En lui non plus, «L'artiste n'a pas été trop vaincu.» (Barbey d'Aurevilly sur Baudelaire, cité par Gide)

Vincent Deyveaux a dit…

Gautier avait mauvaise réputation ? Je lis petit à petit "Emaux et camées". C'est ce qu'on appelle un maître je dirais. Et il y en a toujours un, moins doué, pour mettre le pied à l'étrier à un grand artiste. Je pense à Pissaro pour Cézanne, à Bourdouk pour Maiakovsky.

Patrick Mandon a dit…

Il doit une grande partie de sa mauvaise réputation à sa fréquentation du salon de la princesse Mathilde et à sa proximité avec le Second Empire. Enfin, le romantisme français, dont il fut, avec Hugo, l'une des deux figures majeures, fut longtemps déconsidéré.
Il demeure un remarquable mémorialiste (Portraits et Souvenirs littéraires, Histoire du Romantisme).
Je sais bien que les «anciens» russes connaissaient à merveille la littérature française, mais où donc vous êtes-vous procuré ce petit bijou qu'est Émaux et camés ? Vous êtes étonnant !

Vincent Deyveaux a dit…

Merci pour ces informations. Il est vrai que les avant-gardes du XX-ème, pleines de certitudes, n'ont pas été tendres avec leurs prédécesseurs.
Oh, je me le suis procuré sur internet,sur Gallica.fr je crois, j'en suis là..Bonne nuit.