lundi 20 août 2012

Didier Goux n'habite pas ici



Au vrai, je le connais peu, et mal. Je lui rends visite trop rarement ; pourtant, il me paraît qu'il conduit une « entreprise d'écriture numérisée » fort ambitieuse et de belle facture. Il se pourrait - mais il faut tout de même étudier la chose plus attentivement - qu'il fût un authentique écrivain et que son « œuvre » constituât la première tentative proprement littéraire, usant du support numérique (outre son blogue, il tient son Journal). Je m'avance beaucoup, certes, et je plaide la vaste ignorance de l'ensemble de son travail. Il est de la race des grognons, des atrabilaires, des ironistes, des « diaristes » fatigués du monde, des êtres et des choses en apparence, mais qui leur gardent malgré tout plus qu'un semblant d'intérêt. Il aime les animaux ; il a pour eux, ces être souvent aimables que nous terrorisons, des mots d'une belle compassion. Avec cela, il manie contre lui-même l'ironie féroce des hommes lucides. Et c'est une vraie plume !
Nos deux univers sont très différents, et le romantique vieillissant que je suis ne se satisferait pas totalement de son paysage de laboureur, raffiné certes, mais alourdi de prosaïsme. Il a écrit deux ou trois articles remarquables sur Nathalie Sarraute (que je persiste à trouver admirable, et très éloignée du naufrage du Nouveau roman), ainsi qu'une irrésistible réflexion sur le thème « rester jeune ou se faire vieux ». Il semble, par ailleurs, hanté par la menace que ferait peser l'Islam sur la France : cela lui inspire des textes discutables, mais très efficaces. Bref, je vous conseille d'aller lire le blogue de Didier Goux, afin de vous faire votre propre jugement (Didier Goux habite ici). En revanche, si j'en crois une photographie de son salon, je trouve à ce Goux un goût, dans la décoration intérieure et, surtout, dans le choix du mobilier, détestable.
Voici un exemplaire de son style et de son inspiration, L'homme passé par profil et perte :
« Depuis hier, lorsque je suis devant mon écran levalloisien, je semble être devenu brusquement étranger à moi-même. C'est-à-dire à ce blog. Si je puis encore créer de nouveaux billets – la preuve –, je ne parviens plus à écrire de commentaires sous eux, pour cause de perte de profil. Quelqu'un a-t-il déjà songé à ce que peut avoir de dramatique et de dérisoire le fait de perdre son profil ? On a glosé à l'envi sur les hommes qui se retrouvent privés de leur ombre, on a bien dû, même, en faire des livres ; mais un profil ? En dehors du côté désagréable, dépossédant, du phénomène, on sent vaguement qu'il y a là quelque chose qui ne va pas : si j'ai effectivement perdu un profil (soit ! je pense être capable de m'accoutumer à cela), il devrait bien me rester le second. Et il me vient des envies de saisir cet ordinateur par ses côtés verticaux, de le secouer un peu, tout en lui présentant ma joue gauche et ma joue droite alternativement :
« Enfin, regarde-moi, Robert (cet ordinateur amnésique se prénomme Robert : je viens de le baptiser à l'instant pour tenter de l'attendrir, de l'humaniser un peu) : je suis toujours le même, quoique amputé d'un profil ! C'est bien moi, ton seigneur et ton servant ! Fais un effort, bon sang de bois ! »
Mais non, rien ; impavide, l'œil borgne et stupide, il n'a même pas un éclair de curiosité pour ma face changée, pour le demi-moi que je lui présente, avec pourtant beaucoup d'humilité et de bon vouloir.
Je ferais peut-être mieux de rentrer à la maison : mon second profil, celui qui est encore opérant, doit bien y traîner quelque part… ».

J'ai également découvert Le Merle Moqueur, d'une certaine Suzanne : son humanité toute « française » ne m'a pas laissé indifférent.

Illustration prise dans le blogue de Didier Goux, qui se dit joliment « écrivain en bâtiment ».

19 commentaires:

Suzanne a dit…

Merci pour ce compliment bien aimable.
Je suis d'autant plus contente d'être Française, alors.

Suzanne a dit…

La modération des commentaires m'a mangé les miens, de commentaires, au bout de je ne sais combien d'essais. Rien n'est jamais bon pour ce féroce gardien. Cékoikivapa ? J'ai cliqué sur le symbole "audio". Mon chat a pris peur, il s'est tapi à trois mètres et me regarde furieusement. Je ne l'en blâme pas, cette bouillie verbale est effrayante.
Ceci est ma dernière tentative, mon commentaire à la mer. Qu'est-ce que je voulais dire, au fait ? Ah, oui...

Merci !

Patrick Mandon a dit…

Bienvenue, Suzanne !
Quant aux difficultés que vous évoquez, je les porte au passif du fournisseur. Vous avez bien fait de persister.

Didier Goux a dit…

Fichtre ! C'est que je ne sais plus où me fourrer, moi, maintenant !

(Pour la déco détestable, je vous envoie mon Irremplaçable : tant pis pour vous…)

Nicolas a dit…

Non ! Pas l'irremplaçable ! Ce garçon vous veut du bien.

dsl a dit…

Ah, pour la déco, j'avais vu juste sur son origine féminine.
Vu le compliment que j'ai adressé en commentaire, il est donc possible que je sois également de mauvais goût.
Le goût s'apprend, le goût s'éduque, cher Patrick, voulez vous bien me donner quelques leçons, ou bien un exemplaire de bon goût à vos yeux afin que je me fasse une idée ?

Catherine a dit…

La déco n’est pas terrible, c’est vrai, mais la table généreuse et le vin abondant.

Patrick Mandon a dit…

Catherine, je crois avoir compris qui vous êtes : acceptez mes excuses pour mon mot malheureux sur la décoration et le mobilier (plutôt le mobilier, d'ailleurs). Vous avez un « Didiergoût » très sûr en matière de littérature, et je retiens que votre « table est généreuse et le vin abondant ».

Nuagesneuf a dit…

Deux bien belles et saines découvertes que vous nous avez indiquées là cher Patrick, tant il est vrai que nombre de blogs déversent à longueur de lignes le trop-plein de leurs "tout à l'ego"...

Patrick Mandon a dit…

Oui, cher Nuage, M. Goux accomplit un vrai travail littéraire, que je connais encore mal, mais qui présente toute l'apparence de la création originale. C'est, à ma connaissance, le premier des « diaristes » numérisés. Avec cela, il a de l'humour et un très mauvais esprit, bref, il me paraît fréquentable. Son lectorat habituel est très contrasté, j'y ai même retrouvé une vieille connaissance, croisée chez Causeur, un certain Marchenoir : il me voue une détestaion qui m'étonne un peu, mais ne me déplaît nullement. Il faut aussi être détesté par certains.
À bientôt, cher Jean-Michel !

Yanka a dit…

Faites gaffe de ne pas trop flatter Papy Goux : vous risquez une invitation en bonne et due forme pour un patelin normand scandaleusement méconnu, Le Plessis-Hébert, dans une espèce de refuge animalier où les grosses bêtes portent des noms proustiens, entre un tilleul défunt, un célèbre fauteuil avachi, une case mystérieuse, un carillon au goût d'enfance et quelques bouteilles d'un délectable chablis à vider au rythme effréné d'un hôte habitué aux pires débauches bibitives, ce qui pourrait vous valoir le privilège de ronfler pour une nuit dans la Case et de voir au petit matin enchanté le facteur apporter son quotidien petit colis en provenance de chez Amazon.

Patrick Mandon a dit…

Y Yanka, à lire votre malicieuse et raffinée description de l'ensemble de la cérémonie, je crois comprendre que vous y avez été convié !
Je vois que vous tenez un blogue, vous aussi, je vous rendrai visite prochainement;

Yanka a dit…

J'y fus plus que convié, et le couple incertain, flanqué d'une chienne aimable, eut le culot à deux reprises de franchir l'abominable frontière belge pour me serrer la pince. C'est dire la proximité ! Gens hautement recommandables, en dépit d'une étonnante largeur d'esprit, puisqu'ils reçoivent chez eux et fréquentent aussi, hélas ! horreur ! des partisans obtus du Hollandais de l'Élysée.

Catherine a dit…

Et on reçoit même Marchenoir !

Didier Goux a dit…

Bon, cela dit, sans déconner, M'sieur Mandon :

1) L'écriture blanche su fond noir, cépapossib'.

2) Supprimez-nous ce putain de “vérificateur de mots” qui chasse tout le monde !

Patrick Mandon a dit…

Réponses à Didier Goux :
1) L'écriture blanche su fond noir, cépapossib'.
Il faudra vous y faire, mon cher Didier, parce que je n'envisage pas de changer la formule ni le code couleur ! En revanche, il est possible que dans les mois qui viennent, un nouveau Mandon's club apparaisse…
2) Vous me parlez d'un “vérificateur de mots” : vous désignez ainsi la machine infernale, qui vous enjoint de reproduire des lettres horriblement déformées ? Je veux bien la supprimer, mais comment faire ?
Par ailleurs, il est vrai que j'ai quelques soucis avec mon blogue, surtout pour ce qui relève des polices de caractère, qui ne m'obéissent pas avec le zèle, voire la soumission que je suis en droit d'obtenir d'elles. Je corrigerai prochainement cela.

Didier Goux a dit…

Pour le vérificateur de mots :

Vous allez dans la rubrique "paramètres" de votre blog. Là, vous cliquez sur "publication et commentaires". quand vous y êtes, vous n'avez plus qu'à répondre "non" au lieu de "oui" à la question : "voulez-vous activer le vérificateur de mots?"

Patrick Mandon a dit…

Merci Didier ! J'ai procédé à l'opération, désormais, vous ne serez plus obligé de reproduire ces lettres étrangement étirées.

Didier Goux a dit…

Magie, grand sorcier blanc, magie !