mercredi 12 juillet 2023

Subjonctivité




















-Ta beauté est atrocement mélancolique
-Ne me prends pas en photo !
-Comment veux-tu que je te prenne ?
-Je ne veux pas être prise !
-Tu ne dis pas toujours cela.
-Imbécile !
-Ton beau visage voilée de tristesse…
-Niaiserie ! Et cesse de tourner autour de moi avec ton téléphone portable !
-Je lis mes messages.
-Menteur ! Tu cherches à me photographier à mon insu.
-À te prendre par derrière en quelque sorte.
-Goujat !
-Te souviens-tu ?
-J'ai perdu la mémoire.
-J'avais mis mes pas dans les tiens.
-J'aurais dû marcher plus vite.
-Au contraire, tu as ralenti.
-Je ne comprenais pas ce que tu cherchais.
-Nous avions parlé toute la soirée.
-Tu ne m'avais pas semblé stupide.
-Je t'avais trouvée intelligente.
-Mais arrogant.
-Et mélancolique.
-Tu m'avais irritée.
-Tu m'avais séduit
-Je ne voulais rien.
-Dis plutôt que tu ne savais pas ce que tu voulais.
-Ce n'est pas vrai.
-Tu ne savais pas qui tu voulais.
-Ce n'est pas faux.
-Je te cherchais.
-Je me fuyais.
-Je t'ai trouvée.
-Je t'ai giflé.
-Tu m'a tendu tes lèvres.
-Pour me faire pardonner.
-Et je t'ai embrassée.
-Et je t'ai pardonné.
-Tu as caressé ma joue…
-Et ton cou.
-Avec suspicion !
-Je craignais que tu muasses.
-Tu me croyais serpent ?
-J'en étais tentée.
-Je n'espérais pas que tu te lassasses.
-C'est maintenant que je m'en lasse.
-Mais tu veux toujours que je t'enlace !
-Prends-moi donc dans tes bras.
-Bref, je t'ai suivie.
-Si j'avais su !
-Tu aurais pressé mon pas.
-Peut-être…
-Alors, comme au commencement…
-En amour, le début est toujours bien.
-Comme au commencement, disais-je…
-Donnons-nous une fin.
-J'ai bien trop d'appétit.
-J'ai grand faim moi aussi.
-Alors,comme au commencement…
-Ne dis rien, hâte-toi!
-Tu me vois haletant.
-Hâte-toi lentement.

-Et ton portrait ?
-Rends-moi floue.
-Tu me rends fou.


Un peu de beauté mélancolique et européenne en attendant les barbares :







5 commentaires:

Célestine ☆ a dit…

Un de ces délicieux dialogues dont vous avez le secret cher Patrick. Si justes que l'on se demande toujours si ce n'est pas du vécu...
Une véritable leçon de conjugaison, qui plus est, où le conditionnel bat la semelle devant le subjonctif, on y voit aussi des impératifs, des futurs, des passés, bref, tout ce qui fait une vie.
Cette vie si imparfaite souvent, et, une fois de temps en temps, plus que parfaite, quand tout se conjugue soudain au présent du mot bonheur.
La vie, surprenante comme un impromptu.
Je vous embrasse
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆

Patrick Mandon a dit…

Chère Céleste,
« Si justes que l'on se demande toujours si ce n'est pas du vécu... » : c'est le genre de dialogue que j'aime improviser, sur le même mode, avec une personne qui me renvoie la balle.
Mais je veux vous dire ceci : j'ai rendu visite à vos écrits récents, dans votre blogue. Je suis frappé par une chose, la concision de votre écriture, et sa précision « émotive ». Il me semble que, plus encore qu'auparavant, vous allez à l'essentiel. Par exemple, vous avez un don pour rendre la singularité d'un paysage, mais aussi pour saisir l'impression qu'il fonde immédiatement dans votre esprit. Et cela avec une économie de mots mais sans nuire à la qualité de l'émotion éprouvée puis transmise.
Je vous remercie de votre charmant message, d'ailleurs très subtil.

René Claude a dit…

Bonsoir cher Patrick,

Dimanche 26 novembre 2023, le Victoria Hall de Genève était en état de grâce. Invitée par l'Orchestre symphonique genevois, Anna Agafia Egholm, une jeune sirène suédoise pleine de grâce et de glamour, interpréta avec une assurance incroyable le concerto pour violon N° 1 de Max Bruch. Un moment de pur bonheur et de beauté dans ce monde désespérant de laideur et de lâcheté. Cette interprétation de Bruch n'est pas disponible en ligne aussi je dépose un extrait de sa prestation au concours de Singapour (Beethoven). Bonne fin d'année à vous.
https://www.youtube.com/watch?v=eMdg8ldYMPg

Patrick Mandon a dit…

Bonsoir René Claude,
Votre message me réconforte. Pourquoi l'avez-vous envoyé ? L'enregistrement que vous m'avez fait parvenir m'a littéralement transporté ; il a chassé l'épais nuage de morosité qui stagne au-dessus de moi depuis un mois, et d'ailleurs pour les raisons que vous évoquez, l'installation durable d'un climat de lâcheté dans un paysage politique et social d'une laideur effarante.
Mais alors cette jeune femme, gracieuse et ardente, maîtresse d'elle-même comme de l'univers (musical), est une éblouissante interprète. Beethoven lui va comme un gant de cuir fin sur une main ferme et aérienne. Je suis bien certain qu'elle n'a pu qu'exceller avec Max Bruch.
Pour le reste, voyez ce qu'une partie de la classe médiatique française est capable de faire : imposer son aveuglante et niaise idéologie du prétendu « vivre ensemble », nier ainsi l'évidence de notre terrible réalité. C'est ainsi que Patrick Cohen soutient que les assassins du jeune rugbyman étaient de simples dragueurs, certes armés de lames de 25 cm, qui n'ont fait que répondre à la moquerie d'un rugbyman; quant à Isabelle Veyrat-Masson, « chercheuse en Histoire » au CNRS, elle voit dans ce drame atroce provoqué par des voyous, une manière de Roméo et Juliette dans le goût d'aujourd'hui. Vous trouverez facilement des vidéos relatives à ces deux interventions. La dame est un bas-bleu contemporain, d'une aimable bêtise, mais avec une conviction distanciée, mondaine, une vraie bêtise de dominante aveugle et dépassée.
J'étais sur le point de publier quelque chose : il sera question d'une ombre…
Je vous remercie encore de votre sollicitude, et je vous félicite pour ce goût musical et artistique qui donne à votre blogue une saveur si particulière,
Votre,
P. M.

René Claude a dit…

Cher Patrick,
Comme je ne lisais plus vos billets depuis cet été, j'ai craint un repli ou pire encore. Heureusement, vous êtes toujours réactif. Je pense que nous vivons une dépression de civilisation*. Dans le saccage général actuel, quelques instants de grâce ne se refusent pas c'est pour cela que j'ai partagé la prestation de la jeune violoniste qui est apparue sur scène telle une fée dimanche dernier à Genève. (Nous étions assis juste au dessus d'elle pour écouter et voir sa merveilleuse interprétation de Bruch grâce à un violon Guarneri, cette pure merveille.) En Suisse romande, nous sommes encore relativement protégés même si les offensives "woke/cancel" sont à la manœuvre un peu partout. Protégés, oui mais jusqu'à quand ? Récemment, une bande d'abrutis a mis le feu à une dizaine de deux roues au bout de ma rue. C'est le 10e incendie volontaire en quelques mois... Le climat se détériore aussi. Quant au pays de ma mère, cette France dont j'étais si fier, il me désespère et je comprends votre morosité. Que doit-on faire ? Prendre le maquis, s'exercer au tir ? C'est désolant. Je me protège derrière des piles de livres et des musiques apaisantes mais jusqu'à quand ? Bien à vous, sincèrement.

RC

* Jacques Laurent a écrit "dans les périodes de troubles et de chaos, l'exercice de la liberté est le seul qui civilise" (De mémoire.)