mardi 15 septembre 2009
La princesse de grand poids
La femme de Monsieur
Quelques mots sur Elisabeth-Charlotte de Bavière (Heidelberg 1652, Saint-Cloud 1722), princesse Palatine, laquelle, quoique célèbre, gagne à être connue.
Elle ne fut certes pas la plus belle femme de la cour, sous Louis XIV, mais assurément l’un de ses esprits les plus perspicaces. Après avoir épousé le duc d’Orléans, dit Monsieur, frère du roi, elle s’installe à Versailles, qui lui fait immédiatement horreur, où elle demeure pourtant presque jusqu’à sa mort. Sous les ors d’un palais qu’elle traverse de son pas d’ours, irritée par la plus sévère étiquette d’Europe, elle garde la nostalgie de sa petite province, mise à sac ultérieurement par Louis XIV. Elle conserve cependant à son beau-frère une affection très grande, qui s’exprima sans fard à la mort du roi de France. Son mari, qui lui préférait les mignons, ne la serra que rarement d’un peu près. Mais enfin, si rapide et rare qu’aient été les «hommages» de Monsieur, elle mit au monde le duc de Chartres, son fils tant aimé, qui devint Régent de France. Délaissée par son mari, elle se consacra à quelques amis, dont l'étrange et sulfureux abbé de Choisy, à la chasse en compagnie du roi Soleil, et à l'observation cruelle des mœurs et des caractères. Elle nous a laissé une passionnante correspondance, dont nous reparlerons prochainement.
Lettre du 9 novembre 1709, à la Raugrave Louise :
[...] Est-il possible que vous n'ayez jamais vu de chasse à courre ? J'ai vu prendre certainement plus de mille cerfs et fait mainte bonne chute à la chasse. Sur les vingt-six que j'ai faites, je n'ai eu de mal qu'une seule fois... Dans une demi-heure, nous allons assister à la musique. Ce ne sont que des rabâchages, car on chante uniquement les vieux opéras de Luli. Il m'arrive souvent de m'endormir en les écoutant... [...]. »
La Palatine, son œil moqueur, hypercritique, son effarement, son bon cœur et son mauvais esprit !
Document : La Princesse Palatine, portrait par Nicolas de Largillière, Château de Chantilly
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4 commentaires:
On a dit qu'elle avait plus qu'une tendresse fraternelle pour son beau cousin... Ragots de cour sans doute, comme toutes les cours en suscitent. Il avait déjà aimé Henriette d'Angleterre, il ne pouvait pas chasser sans cesse sur les terres pourtant bien mal labourées de son frère.
Je connaissais la princesse au petit pois..Mais celle-ci ne devait pas avoir besoin de vingt matelas !
Nadia, en effet, la Palatine éprouva sans doute plus qu'un petit sentiment pour son beau-frère «ensoleillé». Louis XIV était un homme selon son goût, sensuel, ardent, entreprenant. Elle le suivait à la chasse, à cheval ; elle l'admirait quand il forçait les cerfs et les sangliers. Elle revenait de ces longues courses en sueur, trempée, souillée de boue, épuisée, mais satisfaite, et fière d'avoir chevauché auprès du plus grand roi d'Europe. De son côté, Louis XIV lui portait une réelle estime, qui sembla se brouiller, mais dont il lui donna l'émouvante assurance sur son lit de mort. Avec la belle Henriette, ce fut différent. Louis XIV vit immédiatement dans cette jeune Stuart intelligente, à la taille bien prise, une femme «à sa main». Et puis, elle était l'épouse de son frère, qu'il méprisa toujours un peu.
Il n'empêche, moi, j'en pince pour la Palatine, qui est une merveilleuse épistolière et possède un esprit aussi aiguisé que celui de M. de Saint-Simon.
Elle est tout à la fois bonne fille et méchante comme la gale. La cour de Versailles moquait son allure, son gros cou, ses bras herculéens, son menton en galoche. Elle se vengea dans l'intimité (souvent violée) de son courrier. Je vous en reparlerai, donc. Tenez, pour ce soir, ceci, extrait d'une lettre en date du 19 avril 1721 :
«Qu'on appelle le pape Saint-Père, en France, cela ne porte pas à conséquence. L'évêque de Noyon, que j'ai connu - il était comte et pair - ne l'appelait jamais que «Monsieur de Rome». Je n'aimais pas le défunt pape [Clément XI] ; mais à dire la vérité vraie, il est impossible qu'il ait été amoureux de la femme du prétendant : premièrement il avait soixante-treize ans, secondement il était affligé d'une hernie ombilicale, si bien qu'il avait le corps tout ouvert et qu'il fallait contenir le ventre et les intestins à l'aide d'une plaque d'argent. Dans cet état là, on ne saurait guère être amoureux…».
Patrick, pour ma part, c'est la langue du XVIIème dont je suis amoureuse, celle qui déborde sur le XVIIIème. Parler comme Merteuil, aimer comme Tourvel.
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