In memory of the late Mr. and Mrs. Comfort (1)
Le raffiné Sébastien Paul Lucien me demande si je connais les photographies que Richard Avedon a faites de l'Auermann “ à côté d'un squelette dans des tenues de soirées d'un luxe funèbre ” ?
Oui, bien sûr, cher SPL, je connais cette série, qui a paru dans « The New Yorker », en novembre 1995, sous le titre « In memory of the late Mr. and Mrs. Comfort ». La fille de Diane Arbus, Doon Arbus, et Polly Mellen en étaient les « fashion editors ». Je les ai retrouvées, en voici quelques-unes.
On les interprètera comme on le veut : un signal de la mort programmée de la grande couture, la dérision des choses du luxe et de la chair (Vanités), une provocation luxueuse et gratuite d'un photographe comblé… À l'époque, ces photographies m'avaient impressionné, plus de quinze ans après, je leur trouve une force intacte, et un mystère plus épais encore. Avedon a magnifié Auermann :
La mort viendra et elle aura tes yeux -
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
[…]
(Extrait du dernier poème de Cesare Pavese (1908-1950), « La mort viendra et elle aura tes yeux ( « Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »), qui se trouvait sur son bureau. Pavese s'est suicidé. Les suicidés sont très fréquentables, pour certains d'entre eux, surtout après leur mort… (voir également article « La nuit 7 », sous la rubrique A man and his music )
J'en profite pour dire que Richard Avedon est, avec Cecil Beaton, mon photographe de mode favori. Je les trouve tous deux bien supérieurs, en tout, à Helmut Newton, très surfait à mon avis, dont j'ai vu la rétrospective au Grand palais.
Ci-dessous : l'une des plus belles « vanités » au monde, Marie-Madeleine à la veilleuse, par Georges de la Tour (Musée du Louvre) : sa lampe à huile s'éteindra bientôt, et la belle Marie-Madeleine, à son tour, rejoindra le pays des crânes, dont elle caresse un représentant d'une main lasse (voir également Tous les garçons s'appellent Patrick: Madeleine reviendra-t-elle ?).
Le goût des Vanités en peinture remonte au XVIIe siècle. Richesses, savoir, apparence, beauté, plaisir des sens, tout cela est vain ; il est vain vouloir les acquérir ou en jouir, car ils passeront. Ils composent un monde de pures apparences.
1 commentaire:
Magnifique article! certaines photos m'avaient échappé et je les capture ici! le poème de Pavese vient compléter l'ensemble à la perfection tout comme la Madeleine de La Tour. Merci pour tout!
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