mercredi 23 mai 2012

Le décor d'une vie -1-

On a parfois reproché à Visconti son obsession « décoratrice », d'attacher trop de soin à des détails d'authenticité, tels que la vaisselle et l'argenterie. Je vois là, pour ma part, un souci de précision, d'exactitude et d'honnêteté, un moyen, aussi, d'imposer la totalité d'un personnage dans l'exact décor de son temps, de son aventure.
l'aboutissement de cette « méthode », on le trouvera sans doute dans son avant-dernier film, « Violence et passion » (« Gruppo di famiglia in un interno », 1976). Son tournage en fut douloureux, car Visconti relevait d'une attaque cérébrale, qui l'avait frappé pendant la réalisation de « Ludwig, le crépuscule des Dieux ». Il donnait ses indications depuis une chaise roulante, la moitié du visage figé, ce visage qui, dans sa jeunesse, avait été d'une beauté animale. Luchino fascinait les femmes, mais désirait les hommes.
Dans « Violence et passion », un professeur d'art, collectionneur et expert en tableaux, vieillissant (mais tout de même interprété par Burt Lancaster !) vit retiré dans le splendide isolement de son palais romain, parmi ses trésors et, en particulier, des « conversation pieces », terme anglais pour désigner des scènes de l'univers familial, pacifiées, heureuses, très en vogue dès la fin du XVIIe siècle. Sait-il qu'en acceptant, presque forcé, de louer l'appartement du dernier étage à une singulière famille, composée d'une femme, la marquise Bianca Brumonti (Silvana Mangano), de son gigolo, Konrad (Helmut Berger), de sa fille, Lietta (Claudia Marsani), et du petit ami de celle-ci, Stefano (Stefano Patrizi), il fait entrer dans son intimité le chaos, le tourment et l'amour ? Il est possible qu'il le pressente, mais il faut que cela s'accomplisse, pour qu'à ce vieil esthète sans illusion soit révélé le sens du sacrifice et du souci de l'autre (à suivre).















Ci-dessus : captures d'écran du film « Violence et passion », le bureau du professeur (Guy Tréjan, au centre, Jean-Pierre Zola, à gauche : celui-ci joua dans de très nombreux films, dont le rôle de M. Arpel, l'oncle de M. Hulot, dans le film de Jacques Tati) ; la terrasse du palais, les toits de Rome (la marquise Bianca Brumonti (Silvana Mangano), sa fille, Lietta (Claudia Marsani), et Stefano (Stefano Patrizi). Notons que le titre original « Conversation piece » est infiniment plus en rapport avec le thème du film que l'insupportable titre français, « Violence et passion »

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