jeudi 22 août 2013

Lubie

Montaigne, lancé sur les chemins, se préoccupait de trouver toujours du neuf, laissant derrière lui ce qu'il avait trop vu. Mais peut-on connaître ce que l'on cherche, quand on sait ce que l'on fuit ? Quant à moi, je n'aime rien tant qu'imaginer ce que je suis presque certain de trouver ailleurs, et je ressens comme une heureuse surprise le simple fait d'éprouver ce que j'avais pressenti.
Cela dit, il se fait une lente érosion des formes de la vieille Europe. On dirait que son passé, lointain ou proche, l'encombre. Ainsi Budapest, qui, au train où y vont les choses, ne se ressemblera tantôt plus.

Elle était belle et souple, et venait de Nubie,
La tenant dans ses bras, il serrait sa lubie. 
Un matin, cependant, revint sa danubienne ;
Il se fit aimer d'elle, et garda sa nubienne.

















Ci-dessus, le pont dit des Chaînes, (Széchenyil Lánchid), Budapest. 

Je souhaite vivement à cette ville admirable de se ressaisir, et de trouver sa place dans la vieille Europe. Je vois peser sur elle deux menaces : le nationalisme agressif et l'américanisation accélérée de son mode de vie. En outre, il n'est pas anodin qu'elle soit devenue la capitale de la pornographie et de la prostitution. Les très belles hongroises ne sauraient se satisfaire d'être l'objet d'un marketing sexuel, à la fois vil et « ultralibéral ».
L'Europe possède une réserve culturelle, qu'elle s'acharne, actuellement, non pas à épuiser, mais à enfouir. 

4 commentaires:

Nuagesneuf a dit…


Le pont des Chaînes vous déchaîne plus qu'harmonieusement, cher Patrick, et nous vaut ces sulfureux quatre alexandrins bien coquins dont vous avez le secret.

Bouddha peste ? A vous lire, il recouvrera le sourire.

Patrick Mandon a dit…

Mirliton est mon nom, je rime avec tout, je rimaille, je mirlitone : ça ne vaut pas quatre sous, mais mes vers ont douze pieds, et je les rompts à l'hémistiche ! Je suis un poète classique de bout de table, un rimailleur d'ameublement, un versificateur de conciergerie.
Mon cher Jean-Michel, je vous salue !

Anna Valenn a dit…

Je me souviens du mot d'un ami qui m'avait bien turlupiné : les lubies enferment, les rêves libèrent.

Aussi Patrick, je vous souhaite bonne nuit et de beaux rêves.

Ciao !

Patrick Mandon a dit…

Eh bien, Anna, me voilà, à mon tour, « bien turlupiné » par le mot de votre ami ! Au fait, Anna, avez-vous vu l'exposition Félix Ziem, au Petit Palais ? Si oui, nous en parlerons.