samedi 4 septembre 2010

Madame Lulu



Il me semble bien, depuis longtemps, que Serge Gainsbourg éprouva une violente déconvenue, une blessure jamais refermée, lorsqu'il se contraignit à abandonner la peinture. Il était certainement doué pour cet art qu'il qualifiait lui-même de majeur, mais il comprit qu'il ne pourrait pas adapter son style, sa manière, au goût du jour.
Par ailleurs, Lise tord le cou à la réputation "libertaire” de Serge, qui était, au vrai, un "classique”, un fervent admirateur et un bon connaisseur des écrivains et poètes français du XIXe siècle.
En complément de ces déclarations, que je trouve fraîches et bienveillantes, vous lirez l'entretien que Lise a accordé à Ouest France, le 12 avril 2010, dont voici un bref extrait :

Comment est née cette histoire d'amour qui a duré 44 ans ?

C'était le 5 mars 1947. Quand j'ai rencontré Lucien (le vrai prénom de Gainsbourg) à l'Académie Montmartre, c'était un petit Juif russe. Moi aussi j'étais russe, mais d'une famille d'aristocrates épouvantablement antisémites. Notre amour a été une fête extraordinaire. Nos deux familles ne s'aimaient pas. On voulait vivre un amour libre, à la manière de Sartre et Beauvoir. C'était la bohème. Je ne voulais pas dépendre d'un homme, j'étais secrétaire du poète surréaliste Georges Hugnet et dans des maisons d'édition. Je peignais, Lulu assez peu. Il disait pourtant qu'il était destiné à devenir un grand peintre.

Un jour, vous vous retrouvez chez Dali...

Pendant quatre mois ! Le poète pour qui je travaillais, malade, ne pouvait plus m'employer, je n'avais plus de logement. Sa femme m'a passé les clés d'un appartement que Dali n'occupait pas. Il y avait des tableaux partout. Lulu, au service militaire, me rejoignait quand il avait une permission. Il avait 21 ans et moi 23. Gala, femme de Dali, inquiète qu'une jeune femme occupe son appartement, est venue compter les draps. Même pas les tableaux, les draps ! Dali est venu le lendemain, avec du champagne, excuser sa femme. Il nous a ouvert une pièce, tapissée d'astrakan noir, du sol au plafond. Lucien était suffoqué : qu'on puisse fouler ça aux pieds était merveilleux. C'est de là que lui est venue l'idée, bien plus tard, de tapisser de noir son appartement de la rue de Verneuil. […] La suite ici

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