Le salut amical est adressé à Anna Valenn, qui est venue nuitamment se placer dans la galerie des portraits, y a déposé sa carte de visite. Je ne la connais pas, et ne sais comment elle est parvenue jusqu'à Tous les garçons. Quoi qu'il en soit, nous l'accueillons avec plaisir et même avec bienveillance. Et puis, elle est inscrite au tableau d'honneur de l'ami Jérôme Leroy, dans sa zone chaviste libérée, Feu sur le quartier général : c'est de bon augure.
Le mauvais esprit, c'est pour un personnage et son livre. Je passais, ce matin, chez Galignani, 224, rue de Rivoli, sous les arcades, ma librairie préférée, située à côté d'Angelina, le salon de thé, dont je parlerai quelque jour. Un certain Dan Franck, fabricant de piètre fiction, vient de signer une nouvelle production intitulé Minuit (Grasset éditeur). Le sujet a tout pour me séduire : la vie littéraire, mondaine, les potins et popotins de Paris pendant la Seconde guerre. J'ouvre la première page, le lis les première lignes, je feuillette, je referme aussitôt. Tout cela sent la fabrique. J'ai sans doute tort, et je laisse parler mon affect : je n'ai jamais pu supporter ce type, qui s'est associé avec Jean Vautrin (alias Jean Herman) pour imaginer les aventures d'un certain Boro. Vautrin et Franck sont des laborieux, et certes pas des hommes « Faits par Dieu pour scandaliser », ainsi que le pensait Bernanos de Céline. Fuyez, si vous m'en croyez ces deux compères et leurs livres mal coupés (comme on le dit d'un vêtement), qui ont la prétention de se frotter à l'Histoire et aux hommes. Même en unissant leurs efforts, ils passent au large de ce joli mot de Pierre Assouline : «L’Histoire est un chaos dans lequel la littérature a vocation à mettre un semblant d’ordre en lui donnant une forme.»Et puis, ces deux types ont des têtes de moralisateurs, de censeurs à principe. Ils doivent penser le plus grand mal des Nazis…
Je m'irrite inutilement, bien sûr, ce M. Franck a bien le droit de redire, en beaucoup moins bien, ce qui fut si bien écrit par tant d'essayistes et d'écrivains. Mais, à la fin, quelle escroquerie que cette prétendue littérature «populaire». Quand je pense qu'on ne lit plus Eugène Dabit, romancier dit populiste, mais surtout écrivain, confident de sa vie mélancolique dans son Journal intime, charmant et poignant chef-d'œuvre d'un curieux garçon d'avant-guerre. On vient de rééditer La zone verte, un très beau récit sans gaité. Pour mémoire, on fit
un film fameux de son roman L'hôtel du Nord (1929). C'était un excellent peintre, par surcroît.
Photographie extraite du film Hôtel du Nord (DR)
Réalisé par Marcel Carné (1938)
Adapté du roman d'Eugène Dabit, L'hôtel du Nord, par Henri Jeanson et Jean Aurenche, dialogues de Henri Jeanson
Décors d'Alexandre Trauner, musique de Maurice Jaubert
Avec Arletty, Louis Jouvet, Albert Rémy, Dora Doll, Paulette Dubost, Jane Marken, Jean-Pierre Aumont, Berbard Blier, François Périer, Andrex, Henri Bosc et tant d'autres.
9 commentaires:
Je ne lirai donc pas ce Franck... J'ai un peu tendance à les mélanger tous, les Franck quelque chose ou les quelque chose Franck, je ne sais jamais duquel il s'agit. Une fois pour toute je m'en tiens à Anne. Et à un de mes collègues préférés, grand amateur de salles de sport, d'huile de bain et de fourrés bien feuillus, mais qui n'a pas son pareil pour faire d'un député conservateur un peu coincé un défenseur acharné de nos intérêts.
Parlez-nous d'Angelina où j'allais goûter enfant et de cette merveille qu'on appelait Dame blanche, je crois, avec comme des lacets de crême aux marrons entremélés qui formaient une petite montagne de délices...
Le Frank que je vous recommande vivement, c'est Bernard, de son prénom, auteur d'un essai féroce mais pertinent sur mon cher Drieu-la-Rochelle, La panoplie littéraire. Par ailleurs, Bernard Frank, longtemps, veilla sur Françoise Sagan, laquelle l'aidait à payer son loyer.
Quant à Angelina, c'est pour bientôt.
Dan Franck, ma foi, ça tombe vite des mains, et Bono le mauvais pastiche tout autant (si ça ne s'est pas arrangé depuis le premier).
Ne soyez peut-être pas aussi sévère pour Vautrin tout seul, qui a produit, voici quelques décennies, d'aimables néo-polars au ton très (trop) travaillé qui lui valurent des critiques plus que flatteuses ("il n'y a que les imbéciles qui ne lisent pas Vautrin" aurait par exemple écrit Audiard). De bons souvenirs, donc, même si je connais peu sa production "blanche".
Ce sera difficile, mais puisque vous me le conseillez, M. Jo, je ferai un effort. Tout de même, ce type me déplaît !
Puisque vous nous citiez la zone chaviste libérée un peu plus haut, je signale à vos attentions distinguées que Jérôme passe ce soir chez l'excellent Frédéric Taddei...
C'est noté, Nadia !
Merci pour l'info, Nadia. A cette heure tardive, à quelques uns on peut faire exploser l'audimat !
Trois qui comptent triple !
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