mercredi 1 février 2012
Fin de partie 3 – Avec soulagement
« […] cette gueule de jouisseur qui sent que la jouissance va devenir de plus en plus aléatoire. […] Montherle il pense que son corps se détraque… que la bête est usée […] qu’on lui vole son corps et son plaisir… et que c’est un scandale ! […] cette colère grondante… cette totale insoumission… comme […] les adolescents […] mais faudra pas monter sur le lit, sur la table, sur la chaise et crier : Je meurs de la France ! … non, Henry […] toi tu meurs authentique… tu meurs de ne plus pouvoir vivre… ça a l’air con […] Dépend quelle passion on a pour la vie… »
(extrait de Hosto Blues, de Victoria Thérame.). Infirmière, Victoria avait soigné Henry de Montherlant, arrivé dans son service, après une bagarre, dans la rue, en mars 1968. Elle en fait un portrait saisissant, très éloigné du personnage compassé et du père noble qu’on se plaît encore à peindre faussement. On notera également que les petits précieux et les nouveaux censeurs « corrects » de la Comédie française ont décidé de ne plus jouer Montherlant.
Quatre ans après cet événement, la santé physique de l’écrivain s’est encore dégradée. Il n’y voit presque plus. Et puis, il a des pertes de mémoire, des hésitations de vocabulaire. Il arrête la date du 21 septembre 1972, à 16 h, pour se tuer, ce qu’il accomplit, avec la précision d’un homme s’appliquant à lui-même la ponctualité qu’il demandait aux autres. Il se tire une balle dans la gorge, sans doute en direction du cervelet. Cependant, son agonie durera plusieurs minutes.
« Mon cher Claude,
Je deviens aveugle.
Je me tue.
Merci de tout ce que tu as fait pour moi.
Ta mère et toi sont mes héritiers uniques.
Affectueusement.
Montherlant. »
(Cette lettre, adressée à Jean-Claude Barat, se trouvait sur une table, près de lui. )
Source : La dernière journée de Montherlant, par Christian Lançon
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5 commentaires:
On quitte beaucoup la vie en ce moment, cher Patrick, ici avec aisance (!) là avec amitié (!) puis avec soulagement. Du coup, tout troublé, je lis : "Il est vrai que Dieu voulait se nuire absolument"...Tout troublé, vous dis-je.
Jules Renard écrit dans son (étourdissant) Journal : "Suicide : monter au ciel par une corde de pendu."
Splendide, cette citation du fin Renard, Jean-Michel ! Un suicide collectif par pendaison, cela vous fait une belle échelle de corde !
Outre la lettre à Claude, Montherlant avait laissé un mot : « Qu'on vérifie que je suis bien mort. »
Les amis de Tous les garçons connaissent George WF Weaver, qui tient un cabinet de curiosité littéraire, tout en raffinement et en malice, à l'adresse http://lexomaniaque.blogspot.com/, citée parmi notre Gotha.
Voyez-vous, George, je ne savais point que Henry de… avait pris cette précaution. Si j'osais, je dirais même que vous l'avez inventée, mais, après tout, cela est bien possible. Au fait, que pensez-vous du portrait que dresse l'infirmière de son patient ? Quant à moi, je le trouve bien vu !
Les épurateurs de la Comédie Française nous privent de quelques vrais cocktails-Molotov qu'il ferait beau d'entendre dans la France bayrouesque, hollandique et sarkonulle : "Port-Royal", "Le Cardinal.." "La Ville..."
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