samedi 18 février 2012
Notre Homais
M. Vincent, Jean-Didier de son prénom, est un savant indiscutable, renforcé d'un raisonneur inébranlable, qui vient régulièrement nous vendre son tas à peine rafraîchi de breloques culturelles et scientifiques. Cet homme occupe le terrain médiatique avec une constance et une suffisance remarquables. Voilà un homme qui pèse de tout son poids sur le monde : ne finira-t-il pas, quelque jour, par provoquer une dangereuse variation de l'angle de l'axe de rotation du globe ? On peut se poser la question.
En attendant ce funeste événement, M. Vincent nous entretient de ses convictions. Il parle en homme éclairé, qui veut non pas partager mais imposer ses points de vue. Il a pour lui la science, il prononce des vérités définitives par quoi se résumerait notre misérable humanité.
M. Vincent, brillant cerveau, m'a toujours profondément déplu. Et je ne peux l'apercevoir sans penser à M. Homais, pharmacien positiviste, modèle français de la respectabilité et du confort intellectuel, installé dans notre paysage depuis 1830, redouté de Baudelaire et de Flaubert, ce dernier l'ayant épinglé un peu plus tard dans le XIXe siècle avec la précision d'un collectionneur de papillons.
Homais, c'est l'homme, c'est tout l'homme, l'humain assermenté, effaré de certitudes, jamais à court d'argument, tranquille comme un démonstrateur de petite mécanique, qui reproduit son mouvement à l'infini, jusqu'à l'usure de ses pièces.
Oh mais, c'est que M. Vincent est considérable ! Neurobiologiste, spécialiste du cerveau, il a écrit de nombreux ouvrages, qui témoignent de sa très vaste curiosité. Oh mais, c'est que M. Vincent est considéré ! Il est membre de plusieurs académies : l’académie de médecine, l’académie des sciences, l’American Academy of Science, l’académie royale de Belgique…
« Depuis la mort de Bovary, trois médecins se sont succédé à Yonville sans pouvoir y réussir, tant M. Homais les a tout de suite battus en brèche. Il fait une clientèle d'enfer ; l'autorité le ménage et l'opinion publique le protège.
Il vient de recevoir la croix d'honneur. »
C'est ainsi que se clôt, sur le grand triomphateur, « Madame Bovary », de Gustave Flaubert. M. Homais gagne toujours.
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