dimanche 21 février 2010

Louis-Ferdinand est toujours à l'heure












































Pied à terre, on arrive au cimetière
Du roman Les Deux étendards, de Lucien Rebatet. George Steiner pense qu'il est «l'un des chefs-d'œuvre cachés de la littérature moderne». J'aime infiniment George Steiner ; il incarne à mes yeux l'européen idéal, le vagabond bienveillant, qui rêve le matin sur un pont de la Seine et, le soir, poursuit une conversation interrompue quelque temps auparavant avec un ami, au bord du Danube. Et, bien sûr, son jugement m'importe ; je reconnais, après lui, que Les deux étendards est un récit fort bien mené, avec une certaine grâce. Mais possède-t-il la qualité qui fait les «chefs-d'œuvre cachés» ? Il me paraît que non, pour une raison qui tient à son auteur : celui-ci ne s'est jamais départi du raisonnement étriqué ni du souci de justification précautionneuse de sa classe d'origine comme d'appartenance : la bourgeoisie moyenne. Il semble n'y être parvenu qu'une fois, lorsqu'il écrivit Les décombres, terrible «Annonciation» païenne du crépuscule qui venait… Rebatet, artiste exalté, est un français modéré, qui trouvera dans un nietzschéisme pré-pubère une rassurante compensation à sa vision provinciale du monde. Dans la vie, il fut un pétochard, fuyant à Sigmaringen, dans les bagages du vieux maréchal, qu'il avait tant brocardé, vitupérant le ciel et les français, furieux qu'on lui demandât des comptes pour ce qu'il avait écrit pendant la guerre.
Céline, lui aussi, prit la fuite, mais jamais il ne s'amenda : il incarnait la fin du monde, celle-ci était advenue, il n'allait pas demander pardon à ses contemporains, alors qu'il brûlait plutôt d'exiger du réel des droits d'auteur pour avoir copier sa propre fiction !
Je me suis égaré, je voulais seulement vous signaler cette édition du Times Literary Supplement, toujours aussi percutant et… sexy. Il s'y trouve une analyse remarquable de Georges Steiner sur l'écrivain fondamental Céline, sur l'actualité constante de ce dernier, et une charmante évocation de Marylin, peu de temps avant sa mort. J'y reviendrai demain.

9 commentaires:

L'Anonymalienne a dit…

Good job, darling man !

Corinne a dit…

Je ne comprends pas cette propension très actuelle à exhumer les affreux, aussi talentueux soient-ils, qu'ils aient été ou non repentants ne change rien à l'affaire. Snobisme ou provocation, ou pire encore qui sait ? en tout cas cela ne me dit rien qui vaille. Mais ce n'est que mon avis, petit, bourgeois et étriqué sans doute.

Patrick Mandon a dit…

Chère Corinne, votre avis, à mes yeux, n'est ni «petit», ni «étriqué». Il se trouve que je considère Céline comme l'un des trois plus grand écrivains du XXe siècle. Cela ne doit pas faire de moi à vos yeux un suppôt des «affreux», ni un «snob», ni un «provocateur» ni un «pire encore». Il ne me plairait certes pas de vous dire «rien qui vaille», néanmoins je ne pourrai pas m'empêcher de préférer le génie littéraire à la bonne réputation. Acceptez-moi tel que je suis, même si vous pouvez me le reprocher de temps en temps, et, surtout, ne cessez pas d'aimer et d'animer ce blogue !

Corinne a dit…

Patrick, il ne s'agit pas de n'apprécier que les artistes de "bonne réputation", vous me faites regretter mon intervention ! Et il ne s'agit pas de vous, vous le savez bien. Qu'on lui trouve du génie, c'est plutôt unanime ici et ailleurs, partout en fait, et ce n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler une mauvaise réputation !
Vous animez très bien ce blog Patrick, et vous n'avez besoin de personne pour cela, seul maître à bord.

Patrick Mandon a dit…

Mais si, Corinne, j'ai besoin de vous, de vos mouvements d'humeur, de vos rebuffades, de votre agrément, de votre assentiment, de vos ressentiments, de vos refus, j'ai besoin de votre jolie plume et de vos coups de griffe, j'ai besoin de vos visites diurnes, de vos jolis cadeaux nocturnes, de votre délicieuse mauvaise foi, de votre irritation à fleur de peau, de votre sensibilité méditerranéenne, de votre mixité européenne, j'ai besoin de votre regard interrogateur, j'ai besoin de votre pile pour me voiler la farce, et de votre face pour m'arrêter pile !

Patrick Mandon a dit…

Et de votre jolie face pour m'arrêter pile !

Corinne a dit…

Je ne jouerai pas à pile ou face votre amitié, Patrick, mais je préfère le sex-appeal de Marylin aux textes à bile de Céline, et cela est sans appel.

Patrick Mandon a dit…

«[…] mais je préfère le sex-appeal de Marylin aux textes à bile de Céline.»
Excellent, Cheveux d'encre !

Anonyme a dit…

Bonjour,

Ci-joint l'adresse de mon Blogue consacré à L.F Céline

http://celinelfombre.blogspot.com/

Pierre L.