dimanche 19 juillet 2009

UN PEU DE BEURRE DANS UN MONDE DE BRUTES


Devant affronter la querelle, toute de malicieuse courtoisie, que me cherchait la marquise Émilie de Beauregard (voir plus bas ; quand je dis «plus bas, je désigne ce blog…), j'en appelai à mes amis Catherine et Paul, fondateurs et animateurs d'un site de plaisir(s) déjà signalé ici (encore plus bas !). Je leur écrivis donc :

«Chers amis coquins,
Des dames, qui visitent mon blog, s'affrontent (gentiment) à propos du vôtre. Je vous fais un résumé :
Émilie écrit d'abord ;
« D'ailleurs le site érotique dont vous faites la publicité m'a beaucoup amusée ! Il s'affiche hypocritement cul-turel, mais il est surtout cul...Pardon, mais…
"Je ne suis pas parisienne,
ça me gêne, ça me gêne.
Je ne suis pas dans le vent
C'est navrant, c'est navrant
Aucune bizarrerie
Ça m'ennuie, ça m'ennuie...!"»

Alors, je réponds à Émilie :
«Pour ce qui est du site de Paul et de Catherine, qui sont des amis, je comprends fort bien qu'il ne vous intéresse pas, mais je vous trouve injuste : ils ont vraiment cherché à marier le cul et le turel. Tous deux sont de vrais coquins, des libertins sans doute, et ils aiment tous les aspects de la vie. Je ne sais pas s'ils parleraient de «libération sexuelle», trop connotée mai 68, trop libéral-libertaire à leur goût, je pense qu'ils se réclament plus du XVIIIe siècle. Je souhaite vivement que cette contrariété ne vous détourne pas de ce blog, Beauregard, j'en serais vraiment désespéré. Que pense Nadia de cette initiative ? Il me vient à l'esprit que Paul et Catherine voudront peut-être vous répondre…»

Là-dessus, intervient Nadia, qui dit :
«Quant au blog de vos amis, il est libertin assurément et ce n'est pas pour me déplaire.»

Émilie semble interloquée :
«Alors, comme ça, vous aimez les sites libertins, Nadia ? Je dois être très vieux jeu !»

Considérant cela, je ne pus m'empêcher de faire cette proposition à Nadia :
«Je me réjouis de constater que vous voyez le site de mes amis comme libertin. Car, n'en déplaise à Beauregard (c'est ainsi que je surnomme Émilie, qui a effectivement un regard de braise), ce fut bien leur intention. Je leur demanderai de préparer une ballade coquine, pour votre fiancé (le joli mot) et pour vous même, en Angleterre. Mais, avez-vous besoin de leurs conseils ?»

Proposition qui me valut cette réponse :
«Cher Patrick, si vos amis sont taquinés par une ballade coquine, mon "fiancé" et moi sommes preneurs naturellement

Voilà, chers amis, c'est à vous de jouer. Avez-vous, dans votre site, une pérégrination coquine en Angleterre, à laquelle renvoyer Nadia (un week end amoureux dans un bel endroit, par exemple) ? Où possédez quelques adresses de lieux un peu secrets, où Nadia pourrait se rendre, à Londres, où elle réside ?
À bientôt,
Patrick Mandon

Catherine et Paul me firent cette jolie réponse, que je m'empresse de vous transmettre :
«Cher Patrick Mandon de XXXXX et autres lieux,
Merci de nous avoir communiqué ces avis aussi divergents que d’un ton agréable sur notre site. Celui d’Emilie comporte plus d’autocritique que de critique. Evidemment, elle nous taxe d’hypocrisie, ce qui n’est pas horriblement insultant. Nous nous proclamons “magazine culturel des plaisirs”, parce que nous essayons de parler des plaisirs et de les inscrire dans LEUR culture (au sens de “l’idéal de la vie de l’esprit”). Le sexe a une culture, la gastronomie aussi, etc. Quant à la balade coquine en Angleterre de Nadia et de son “fiancé”, nous n’e disposons pas encore d'informations vérifiées, relatives à des lieux “libertins”, à Londres ou dans la verte campagne anglaise. On le fera, on le fera ! En attendant, si Nadia et le fiancé le veulent, ils peuvent faire une escapade à Amsterdam : nous indiquons dans le dossier que nous avons consacré à cette ville, des adresses pour hédonistes joyeux (pléonasme ?) En attendant, monsieur le Marquis Mandon, comment as-tu trouvé notre article sur toi ? Te sied-t-il ? Merci d’avoir rendu si promptement au sieur Bergaud ce qui lui revient. Ton blog prend de l’ampleur (excellente analyse de la photo de JMP. J’ai vu une photo de Blondin sans bouteille : retouchée ?) Salue très cordialement aussi bien Emilie-Beauregard que Nadia. Amitiés
Catherine et Paul

Pour conclure, cette note, trouvée dans Fabrication pratique du beurre : Manuel publié par la Société Française d'Encouragement à l'Industrie Laitière, 16 rue Sauval, Paris. Rédigé par une commission composée de MM. A. Chirade, E. Moreau, R. Lezé. Caen : Imprimerie E. Adeline, rue Froide, 16, 1886 : «Le lait doit être filtré avec très grand soin avant d'être reçu dans les écrémeuses. Cette filtration ou ce coulage s'opère en le faisant passer à travers un tamis métallique fin, ou une toile ordinaire soutenue sur un petit cadre.
Une bonne filtration est indispensable pour retenir les poils, les poussières ou petits corps étrangers qu'il est si désagréable quelquefois de retrouver ensuite dans le beurre.»
Illustration, L'harmonie des plaisirs, Les manières de jouir du siècle des Lumières à l'avénement de la sexologie, Alain Corbin, Perrin

64 commentaires:

Anonyme a dit…

Non, franchement, c'est du bon travail, Patrick ! Même dans ce genre, quand même un peu difficile, tu arrives à le faire léger. Pourquoi tu ne veux pas qu'on fasse un peu de pub pour Tous les garçons… ? Pour Le dernier Tango, je me souviens que tu m'avais rapporté les propos du père de Bertolucci : «Tu es un malin, toi ! Tu as voulu tuer le père, le mâle en tuant Brando.», et ça te faisais bien rire, toi aussi. Le cinéma, c'est une bonne façon de s'éloigner du monde réel, n'est-ce pas ?

Anonyme a dit…

Qu'il est bon d'avoir de tels amis, cher Patrick, je les prends au mot, j'attends leurs adresses sur Londres. Mon carnet ne demande qu'à s'étoffer.

L'Anonymalienne a dit…

Anonyme, c'est Anonymalienne. Je suis loin, je me suis trompée. Je n'ai le temps de rien. Zut !

Unknown a dit…

Cher Patrick, j'aime ce titre et je partage cet enthousiasme avec Marlon Brando... pourquoi le gâcher dans les épinards alors qu'il nous aide à pénétrer bien des mystères...

Emilie a dit…

Mon cousin préféré,

Une affaire urgente et importante m'a retenue en Haute Provence et je n'ai pu lire votre billet-provocation que ce matin.La chaleur dans le haut pays était étouffante et pour ne point trop fatiguer nos chevaux, nous dûmes faire de fréquentes haltes en pleine campagne.

Vos amis sont charmants et, je n'en doute pas, animés des meilleures intentions. Mais voyez-vous, à parcourir leur carte du Tendre et du Dur, il m'est apparu qu'entre érotisme (du moins au sens où je l'entends)et pornographie, la frontière est chez eux, bien ténue.L'enrobage culturel, le style et la présentation,toujours élégants et soignés sont des masques trompeurs.

Il ne manque rien si ce n'est la place du désir, de l'émotion et de l'humour. Et s'ils m'ont fait rire, c'est bien involontairement, je suppose.Que d'application et de sérieux, en effet, dans les divers modes d'emploi et conseils d'utilisation, avec démonstrations visuelles à l'appui,au chapitre des "nouveautés"! Ces précisions et prescriptions purement anatomiques, techniques et mécaniques sont bien de notre époque et reflètent le mal du siècle : déshumanisation et instrumentalisation du corps qui confinent au mépris.

Quant aux diverses panoplies SM et accoutrements proposés, de la meilleure qualité, je n'en doute pas, ce ne sont, pour moi, que les oripeaux d'une mascarade sinistre et malsaine !

Non, vraiment,cher cousin, l'air vicié de Paris n'est pas pour moi. Celui, plus rustre, si vous voulez, mais plus pur, de ma province, le soleil, les senteurs de nos champs de lavande, le parfum de nos pins, les embruns et les langueurs de notre Méditerranée, les vertus vivifiantes de notre huile vierge première pression à froid, que nous préférons au beurre, même dans les épinards, exercent sur les sens un effet bénéfique et fortifiant qui dispensent hommes et femmes de ces artifices aussi onéreux que ridicules !

La volupté nous est ici naturellement offerte comme l'imagination . Nul besoin de nous donner en spectacle selon des scenarii pré-écrits, l'improvisation est notre seul guide. Les marivaudages, les jeux coquins, tout s'invente dans l'intimité.C'est culturel .

Et puis, je vous l'avoue, je n'aimerais pas du tout partager mes amants, fût-ce avec des princesses.Ici, nous savons l'art et la manière, de détenir et retenir nos amoureux.

Moquez-vous, cousin, puisque je suis d'un autre siècle, d'un autre monde, une néo-décadente en somme! Ni gheisha, ni burqa.

Mais je ne voudrais pas abuser de votre temps, on m'accuserait, à tort, de vouloir refaire "Les Provinciales", mais en beaucoup moins bien , et là, on aurait raison!

Au plaisir de vous lire bientôt .

Emilie a dit…

"geisha", sans chapelet de "h" !

Patrick Mandon a dit…

Ah mais, mon adorable cousine est une fameuse cavalière ! Tous les chevaux qu'elle a montés ont gardé un souvenir ému de sa parfaite assise et de sa façon de leur tenir la bride. Les plus fougueux, sous sa gouverne, ont apaisé leur élan naturel, afin qu'elle prît avec eux un plus long plaisir, au lieu de s'épuiser rapidement dans une course brutale et brève. Voyez l'allure de la Beauregard, quand elle traverse un paysage sur sa monture ; à l'aller, sa mise impeccable et sa taille bien prise déclenche le chant des cigales et des oiseaux. Elle mène bon train, ne paraît voir ni homme ni chose, elle est toute entière dans son but. Et quel est-il ? Lundi, c'est le beau vicomte René de la Boste, un guerrier sans emploi qui se navre d'être inutile. Elle dit de lui qu'il se livre au lit à des assauts de citadelle. Mardi, elle fait le ravissement du jeune Gaston Moutarde, un provençal fin comme un roseau, sec comme un genévrier, qui conduit la meute du vieux marquis de Beauregard, son père. Elle reconnaît, en riant, qu'il est un remarquable «piqueu». Mercredi, c'est à bride abattue qu'elle gagne le vallon de la Mousse, où l'attend le berger des terres de Laclanche. Il a la beauté antique ; sur son front bruni, des boucles d'or jettent un voile ajouré, qui ajoutent au mystère de ses yeux de pâtre tendre. Il joue de la flûte de pan, tandis qu'elle lui donne un air de flûte à bec… Jeudi, on ne la trouvera, tout le jour, que chez M. de Saint-Poil, un colosse qui se livre, en compagnie de ses gens, au rudes affrontements de la sioule, ce jeu de violence et de défi, où l'on court après une balle de cuir. À la fin de l'après-midi, Saint-Poil, épuisé, demande grâce, quand la Beauregard l'invite à une nouvelle joute. Vendredi, elle traverse à grand galop la plaine des Ardentes, afin de se glisser dans le lit du brillant capitaine Bienverger, qui l'attend avec une impatience que les draps ne masquent guère… Elle lui fait jusqu'au soir des récits militaires de sabre et de fourreau. Samedi, tôt dans la matinée, elle est à Beaucaire, chez son jeune neveu, très riche et très orphelin. Elle se dévoue corps et âme à ce plus qu'adolescent, auquel ses soins attentifs et réguliers ont rendu un visage enfin débarrassé des vilain boutons qui l'enlaidissait. Mais vient le dimanche, jour qu'elle voue au Seigneur et au repos de son être. Elle écoute avec ravissement, à la messe, le sermon enflammé du brillant abbé, dont les pommettes hautes et les lèvres roses disent assez le tempérament bouillant. Elle se rend à l'église habillée en cavalière, la cravache à la main.
La cravache : voilà bien le seul instrument qui ne la quitte jamais ! Pour le reste, n'allez point lui parler d'artefact ni d'artifice : la Beauregard vous rira au nez… ou vous cravachera peut-être.

Patrick Mandon a dit…

«ces vilains boutons qui l'enlaidissaiENT»

Emilie a dit…

Ah mais, mon cher cousin, c'est incroyable et cela dépasse l'entendement, vous m'espionnez !

Qu'allez-vous donc imaginer ? Sont-ce vos gens, lancés à mes trousses par vos soins qui vous auraient raconté ces billevesées ? Et vous y ajoutez foi ? Je vous en prie, changez-en, ils ne sont pas sûrs !

Vous insinuez et je vous en demande raison, qu'emportée par ma passion de la race chevaline et de la cravache et voulant sans doute pousser mon art jusqu'à l'extrême perfection, je n'aurais pas pour montures que des chevaux ? Je reconnais bien là la perversité maligne de votre esprit !

Non, cher cousin, mettez un frein à votre imagination. Mes visites dans les demeures du haut pays ne furent que de courtoisie et d'amitié. Quant à l'abbé ! Votre libre pensée ne vous fait craindre, je vois, ni Dieu, ni l'Eglise, ni Diable !

Je m'étais rendue au couvent de Toucheminoux, perché sur la colline, au lieu-dit de Lagrande Bandaison, pour y visiter Justine, notre cousine, qui, ayant, comme vous le savez, pris le voile, y est devenue Mère Supérieure. C'est en ce cloître, qu'elle et moi, nous grandîmes dans la vertu et le plus grand respect des Evangiles. J'en ai profité pour aller saluer en son église proche, l'abbé qui est un ami de mon cher père. Il m'a reçu en confession ( du véniel, rien que du véniel !). J'ai rapidement pris congé, non sans avoir fait quelques dons à sa paroisse.

Vraiment, cousin, c'est donc ainsi que vous vous plaisez à imaginer votre cousine : fausse prude mais vraie coquine ? Moi qui, depuis la mort de mon époux (dont je porte encore le deuil ), le meilleur des hommes et le meilleur des maris, me consacre à mes enfants et mène une vie retirée et vertueuse au château, loin du monde et de ses vanités ? Me suis-je rendue à vos fêtes, dont on chante dans tout le pays qu'on n'y rencontrerait pas que d'honnêtes femmes ? N'ai-je pas décliné vos invitations à ces balades que vous semblez goûter fort, sur les terres du Comte de Bitanfeult dont chacun sait qu'il est libertin ? Non, car on ne me connaît qu'une seule passion, celle des chevaux ! Je viens d'ailleurs d'en acquérir deux qui sont de toute beauté. Et rien ne me plait ni ne me distrait davantage que de monter ces étalons !

Mais, j'y pense, passez donc un jour au château, je serai ravie de vous les présenter !

Emilie a dit…

Je parle bien sûr du comte Paul de Bitanfeult et de sa femme Catherine de Broutegazon, grands organisateurs de plasirs cul-turlutins !

Patrick Mandon a dit…

Ma si aimée Beauregard, mon adorable cousine,
On m'aura donc menti ! Mais alors, c'est toute la région où vous demeurez qui est peuplée de menteurs. Je tiens les informations contenues dans mon récit précédent, de plusieurs langues, non point d'espions, mais de braves gens, et de toutes les couches sociales. Je vois que le travail de ces langues-là ne vous aura point apporté les satisfactions que vous ont données ces langues-ci… Mais il est vrai que, pour ce qui est de moi, je ne leur tendais que mon oreille…
Relativement aux patronymes dont vous persillez votre récit, je n'en connais aucun. Quoique tous m'évoquent quelque chose d'assez vague. Mais d'où tenez-vous que je participai aux amusements encanaillés de ce comte, de ce M. de Boîtenfeu, ou quelque chose d'approchant ? Je ne connais cet homme ni d'Ève ni de sa pomme d'Adam ! Cessez bien vite votre outrecuidance, délicieuse cousine dont son entourage dit qu'elle a la peau sarrazine ;
(«De sa langue sarrazine,
Elle suçait un crayon
Las ! Elle en cassa la mine,
Et souffla dans un clairon»).
Vous m'invitez à vous rendre visite, vous me dites, avec une sorte de ferveur, que vous me montrerez vos deux étalons. La belle affaire, ma vénérée cousine ! Certes, je monte encore bien, et j'ai les reins cambrés, mais, pour m'attirer dans vos contrées lointaines, il me faut bien autre chose que la promesse d'admirer la croupe d'un cheval.
Allons, mon Émilie, je vous abandonne à vos débauches cavalières et à vos dons aux abbés (moins liquides que fluides, paraît-il !), et je me réjouis de vous savoir dans cet veine de gaieté, que j'avais cru tarie par ma faute. Votre veuvage austère me cause un vrai désespoir , celui d'imaginer que jamais plus vous ne ferez étinceler votre piquant esprit auprès d'un homme que vous aurez épuisé de vos caresses. Car, avec vous, les choses de l'esprit et les choses du corps, c'est tout un.
Je m'incline et je vous baise (le front).
Votre cousin de Paris, qui redoutait de vous avoir chagrinée.

Anonyme a dit…

Coup de fouet! (B. du Boucheron)

Patrick Mandon a dit…

B du Boucheron, je crois savoir qui vous êtes. J'aimerais lire, sur ce sujet en particulier, une intervention de votre part plus consistante. Vous avez beaucoup de choses à dire, en somme, la demoiselle en liège…

olyvier a dit…

Après un premier essai à l'ouverture de votre blog, je reviens vous faire signe.

Vous me pardonnerez, j'espère, de me sentir sec face à vos libertinages, si loin de mes brutalités et de mes douceurs d'entre-garçons.

J'élis domicile chez vous, ayant quitté le domicile paternel d'Averell : je vous promets d'être un vrai fugueur, de ceux qui vident le frigo et squattent le canapé, mais dont vous savez que la nuit, roulés en boule, ils chialent en silence. Pénible, et encombrant, je vous promets ma présence, en attendant un prochain voyage dont je reviendrai avec des bleus au corps et des étoiles dans les yeux, comme on dit.
N'appellez surtout pas mes parents : ces salauds ne comprennent rien à rien.
Ca vous dérange si je prends une douche, là, tout de suite ?

Patrick Mandon a dit…

Cher Olyvier,
Très heureux de vous accueillir, j'allais dire, enfin ! Vous autoriser à prendre un douche ? Mais, voyons, vous êtes déjà dans la salle de bain ! Je ne vous demande que deux choses : sollicitez ici votre talent singulier, comme vous l'avez fait, parfois, ailleurs, et retenez que je ne supporte pas qu'on se tienne mal à ma table. Vous amenez le vocabulaire à un niveau d'émotion exceptionnel, j'aimerais infiniment que vous apportiez ici vos frémissants aveux.
Vous, Nadia, Émilie, quelques amis de cette belle intelligence, voilà mon blog satisfait !

Patrick Mandon a dit…

Olyvier, n'est-il pas étrange, cet Averell, n'avance-t-il pas masqué, non pour se dissimuler mais pour se révéler plus brutalement ? Je vous vois tenter de forcer sa serrure, je vous vois tantôt le mordre et tantôt espérer qu'il apaisera votre curiosité. Mais Averell a choisi depuis longtemps son camp : celui des sages, des prudents, des forts. Il jette un œil indiscret sur des ébats, il se plaque contre le mur en entendant le souffle rauque des amants qui s'aiment ou des ennemis qui se battent, mais il prie un dieu inassouvi pour qu'on ne le découvre pas. Sa curiosité lui fait lever le regard jusqu'à des choses secrètes, qui l'intriguent tout autant qu'elles l'accablent.
C'est l'étrange compagnon du malaise, celui qui vous tue en se lamentant… Il craint l'ennui, non pas l'ennui qui le suit, mais l'ennui qui le précède.Je ne crois pas qu'il vienne jusqu'ici.

Emilie, il semble que le jeu que je vous proposais ne vous divertisse plus. Mais au moins y aurez-vous brillamment participé. Je vous en fais compliment, et vous rappelle que vous deviez réfléchir à un texte «camusien», ou, si vous préférez «Emilien»…
Nadia, de même : Bucarest…
Je suis assuré du beau résultat que vos deux sensibilités produiront, j'ai très envie de le connaître.

Emilie a dit…

Mon cousin, je ne me suis pas lassée, j'ai juste pensé que je pouvais lasser, mes divertissements parfois "électriques" n'étant pas forcément du goût de tous et toutes ! Non, vous ne m'avez pas non plus chagrinée, c'est moi plutôt qui trop souvent m'amuse et joue des rôles et des sentiments qui créent un certain désordre où parfois il est difficile de se retrouver !

Pour les textes que vous nous proposez d'écrire, vous ne nous dites pas comment vous les soumettre ni comment vous les envoyer. Sous forme de posts ??? Ils auraient l'air d'arriver un peu comme des cheveux sur la soupe, non ?

Patrick Mandon a dit…

Emilie, je n'ai pas bien compris tout ce que vous me disiez dans votre dernier message. Nous jouons tous des rôles et des sentiments, afin de mettre un peu de désordre sur les traces que nous laissons. Sachez que j'ai adoré correspondre avec ma délicieuse «cousine de province», que je raffole de ses réparties, de l'audace sensuelle qui échappe, parfois, à sa retenue nécessaire, et que je la remercie de venir se compromettre sur mon blog.
Pour vos textes, je ne sais comment procéder encore, il faudrait que je puisse vous donner une adresse internet. Je vais voir comment agir, car je ne maîtrise pas encore très bien l'outil de mon blog. Vous savez, Émilie, je me suis fait beaucoup d'ennemis chez Causeur ; je l'ai bien cherché, me direz-vous ! certes, il n'empêche que je dois prendre des précautions.
Je vous salue comme je vous estime.

Emilie a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
olyvier a dit…

Oui, Patrick, Averell a choisi le camp des prudents et des forts. Je me suis fait du mal à son contact, il était temps que cela cesse. Votre propre départ de Causeur m'offre un asile, merci.
Il m'arrive de renifler à table, ou de renverser un verre, vous me reprendrez. Et puis, je sais aussi reprendre un peu de blanquette, et débarrasser. Il y a pire convive.
Pour ce que vous me demandez, je vous avoue ne pas le maîtriser. Ca parle en moi, ça surgit, et je ne le commande pas.
Mais votre lecture, comme celle de quelques autres, m'apaise.

Patrick Mandon a dit…

Émilie, il m'a semblé utile de supprimer l'adresse que vous me communiquiez, et, pour cela, j'ai supprimé le message.
Olyvier, très heureux, vraiment de vous trouver chez moi. Épargnez mon argenterie, si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à m'en parler. Quand vous reniflerez à table, je penserais que c'est un chagrin qui vous revient… Et puis, vous écrivez : «Pour ce que vous me demandez, je vous avoue ne pas le maîtriser. Ca parle en moi, ça surgit […]». Fort bien ! je vous parlais, certain jour, de vos «surgissements», que j'aimais tant. J'avais raison sur le mot. Enfin, je n'ai pas quitté Causeur ; prochainement, je leur donnerai un article. Oubliez Averell, il s'est révélé «tel qu'en lui-même l'éternité ne le change[ra] pas».

Anonyme a dit…

Salve Olyvier, mon ex-meilleur ennemi ! Je vous regarde du coin de l'oeil avec un brin de circonspection. Patrick, qui me connait un peu trop bien, vous dira que je ne goûte a priori que modérément les épanchements personnels, les yeux au ciel et les prises à témoin. J'y vois en général une forme de complaisance un peu suspecte. A moins qu'ils ne soient particulièrement vibrants et sincères comme les vôtres qui forcent le respect. Vraiment.
(salve veut dire salut en roumain, rien à voir avec du petit plomb)

Patrick Mandon a dit…

Chère Nadia, savez-vous que je viens seulement de recevoir l'identité complète que vous m'annonciez. C'est une jolie marque de confiance, j'en serai évidemment digne. Olyvier nous a donc fait la surprise de venir. J'ose espérer qu'il n'y aura pas de guerre entre vous deux, je n'aimerais pas cela. Vous ne pouvez être ennemis puisque vous êtes mes amis, mais vous vous opposerez. Par exemple, Émilie n'aime pas les lieux de perdition, lesquels ne paraissent pas vous effrayer le moins du monde. Pensez, chère Nadia, à Bucarest. J'aimerais beaucoup vous lire «sur du long», je m'attends au meilleur.
Je crois que, sans me le dire, je pensais à réunir quelques amis, lorsque j'ai lancé ce blog. Eh bien, ce projet que je ne m'avouais pas, est en train de se réaliser.

Emilie a dit…

Heureusement, Nadia, que la fin de votre message reconnait la sincérité d'Olyvier, dont j'aime beaucoup le style écorché vif !

Au maniement de la cravache, vous n'êtes pas mauvaise non plus !

Anonyme a dit…

Cher Patrick, je pars dimanche à Saint Andrews. Sur la plage sans doute glaciale où l'on a tourné les chariots de feu, je tenterai de vous écrire un petit quelque chose sur Bucarest. Histoire que ma latinité dace ne finisse pas totalement congelée chez les Scots.

olyvier a dit…

Patrick, Nadia et Emilie : il arrivera sans doute qu'à table, j'écarte un peu trop les coudes, ou que je baille quand Nadia nous expliquera que ces blinis ont un goût proche de ceux qu'on déguste à Brasov ; on se rattrapera alors dans la cuisine, en faisant la vaisselle, et en commérant sur le dernier invité du maître de maison, bref en faisant contre mauvaise querelle, fraternité.

Patrick Mandon a dit…

Allons, tout cela s'annonce fort bien. Je ne savais trop où j'allais, comme souvent ; mais vous me donnez la direction. Nadia sur sa plage venteuse et glacée, Émilie sur ses étalons en Provence, Olyvier, dans la cuisine, si déchiré, si fraternel. C'est ainsi qu'il faut être : cravaché, cravacheur, les yeux secs, le cœur en cendre, cherchant un Nord de boussole énigmatique.

Patrick Mandon a dit…

«Puisque vous partez en voyage», comme le dit la jolie chanson de Mireille et Jean Nohain, il ne déplairait nullement à ce blog de recevoir une carte postale numérisée de votre pérégrination. Je suis absolument certain que vous excellez dans le genre récit «morandien», tout en analyse brève, sans sécheresse excessive mais avec l'économie propre aux cœurs en sang, avec un petit rien d'ironie et de mondanité. Songez-y, en prenant des photographies de la plage. Par ailleurs, Saint Andrews est une université fameuse. Vous serez aux confins de la mer du Nord. Je vous souhaite un fiancé de braise.

Patrick Mandon a dit…

Ce dernier message est à l'attention de Nadia, bien sûr.

Saul a dit…

chuutttt ! ne vous dérangez pas, je viens juste ici faire étape et demander au maitre de ces lieux d' étancher ma soif par un bon verre de vin. car parcourir les routes sous ce soleil.......
et sur ce fil, étant de nature pudique, je mets ma main devant les yeux, de crainte de rougir comme un enfant. mais peut etre écarterai je les doigts en repartant : )

salutations à vous toutes et tous

Saul

olyvier a dit…

Saul,
Aux risques de multiplier les amabilités à votre endroit, et de conforter ma position d'adolescent fugueur qui ferait assaut de sans-gêne dans sa famille d'accueil, je n'hésite pas à vous souhaiter la bienvenue, vous proposer ma propre chaise (j'ai vu un tabouret dans la cuisine, je vais le chercher pour m'assoir à vos côtés), et vous déclarer que votre image très humanisme français d'après-guerre du gosse qui écarte les doigts est proprement délicieuse.
Ceci dit, ne vous y trompez pas : l'exhibitionisme est toujours une pudeur,
et le vice, victorien.
Bonne journée.

Emilie a dit…

Cher cousin Patrick,je sens dans votre dernière missive comme une sorte d'agacement et je vois bien que la perspective de n'admirer que mes chevaux ne vous sied guère, vous goûtez sans doute des plaisirs moins animaux, plus spirituels.

Je ne peux au fond que vous en féliciter ! D'autant que, si j'ai bien compris, votre retraite s'annonce plutôt agréable. Votre château, transformé en auberge espagnole, accueille des hôtes de qualité : le chevalier Olyvier, princesse Nadia de Roumanie et le duc de Saul. Voilà de quoi contenter votre appétit de nouveauté, de commerce léger et bon enfant et de spiritualité tout aérienne !C'est autrement mieux que ce vicomte Braquemart de Ladéroute, dont on m'a dit que vous le reçûtes, lui et sa bande de turlupins et de fripons et dont on ne connait que trop les turpitudes !

Quand je pense que nous sommes parents par la branche paternelle des comtes de Provence, je frémis !D'ailleurs, empêchons-nous de trop l'ébruiter, cher cousin !

Je me suis levée aux aurores, la journée s'annonce radieuse et je vais en profiter pour faire une balade à cheval sur les chemins parfumés qui longent la côte, à l'ombre des pins parasols et des lauriers en fleurs, là où, partout, aux effluves maritimes se mêlent les senteurs florales.

Je m'arrêterai pour contempler la mer, la mer bergère d'azur infinie qui a bercé mon coeur pour la vie !Et peut-être, dans ces lieux solitaires, me baignerai-je à l'abri des regards concupiscents et libidineux ! J'emmène avec moi, pour plus de sûreté, mon palefrenier qui saura monter la garde et faire de son corps un rempart si nécessaire.

Je vous salue, mon cousin et vous prie de saluer pour moi vos charmants amis .

Votre cousine Emilie, déjà presque à cheval !

Patrick Mandon a dit…

Eh bien voilà Saul, qui fait son entrée ! Olyvier, le garnement auquel nous passons presque toutes les fantaisies, l'a déjà accueilli. Après lui, je me réjouis donc de le voir agrandir notre cercle. Il est déjà connu des premiers habitués et je sais bien qu'il se fera aimer des autres. Comme vous l'avez constaté, les caractères, en ces lieux, se partagent équitablement, entre nadia, dont l'œil frise à la moindre perspective coquine, et la veuve austère, Émilie, qui tente d'apaiser le feu qui la brûle en montant tout le jour l'un ou l'autre de ses étalons. Elle nous apprend qu'un homme est chargé de la garde de son corps, lorsqu'elle se baigne nue ; nous pensons qu'en lui confiant cette mission, elle espère qu'il succombera bien vite à sa tentation. La marquise de Beauregard est de ces marbres dont ont fait des braises…

Anonyme a dit…

Ah Patrick, on ne se méfie jamais assez des yeux. Des années de prudence toute diplomatique, de maîtrise de soi savamment construite, de froideur entretenue... et des yeux qui frisent à notre corps défendant.
Dites-moi, votre blog commence à avoir fort belle allure. Un Olyvier apaisé, voire facétieux, et mon Saul en embuscade (j'ai passé ton message sur Causeur), voilà qui s'annonce des plus prometteurs. Emilie et moi en attendons monts et merveilles.

Patrick Mandon a dit…

Oui, ma chère Nadia, la direction que vous donnez tous à ce blog me plaît infiniment. Je ne croyais même pas le laisser en vie plus d'une semaine, et voilà que, grâce à vous, je veux le développer, le faire prospérer, lui donner une personnalité. Ainsi que me le disait une amie, cela me donne une responsabilité. Il sera donc le reflet de votre perspicacité, de vos effrois, de vos attachements, de votre exigence. Comment ne pas l'affaiblir, comment ne pas le rendre assimilable à tous les autres blogs de petites confidences ou de mauvaises humeurs banales ? Il me semble que c'est en demeurant au plus près de ce qui nous constitue. La main du hasard, qui n'aime que les affinités invisibles, nous a conduit jusqu'ici : le hasard est un compagnon honorable.

Emilie a dit…

"Emilie et moi en attendons monts et merveilles."

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Et je dirais même plus :démons et merveilles, chère Nadia !

olyvier a dit…

Au risque de nous sortir de la torpeur estivale, et de ma soudaine fréquentabilité, je me suis laissé aller à la réflexion suivante : votre titre, Patrick, ne caractérise-t-il pas un méchant désaccord avec la maison qui nous a (presque) vu naître ?
Un peu de beurre de monde de brutes, soit. Un peu de brutes dans un monde de beurs, ça ne caractériserait pas certains fils de discussions d'un site bien connu de nous tous, dans une France de la diversité ?
Vous avez dit apaisé, Nadia C ?
(et sur cela, je file enfourner le gigot du maître des lieux pour me faire oublier).

Patrick Mandon a dit…

Le garnement a encore frappé ! Il ne cessera pas de nous beurrer des tartines…

Anonyme a dit…

Apaisé en surface seulement. Mazel tov, l'émollience mandonienne ne vous a entamé que superficiellement. Beur, brute, vous repartez au front. Vous reprendrez bien un blini de Brasov pour la route ?

Patrick Mandon a dit…

Eh ! Olyvier ! la belle roumaine ne s'en laisse pas compter. Elle a conservé l'esprit des steppes.
«Chante-moi encore une chanson, Valia ! ce soir, mon âme a de la mélancolie. Actionne ton soufflet de forge, ma Tzigane ! Et toi, Aliocha, fais pleurer ta guitare, et laisse rouler les cailloux dans ta gorge. J'ai besoin d'oublier»

olyvier a dit…

Nadia et Patrick : c'était juste un soubresaut, un hoquet ; le blini m'aidera, merci, à le faire passer.

Saul a dit…

vous ne pouvez pas savoir la joie que j' éprouve de pouvoir poser mon sac dans ce havre.
vous avez là une bien belle demeure, Patrick, merci de m' y accueillir.
bien que n' ayant pas la sensibilité d' un esthète, je salue ce culte du "beau"( je ne trouve pas le terme exact en fait ) qui est rendu ici.
j' y vois comme une quete du sublime ( si j' osais, de la sublimation ). bref une bien noble chose, car meme si je ne peux saisir et apprecier toutes les saveurs de cette quete, la chair par ex( pour rester dans ce fil ) m'attire plus que la chaire dont s' est emparé chez Bennasar, un McCarty de Torquemada brun(et)noyé et ses diatribes contre ces 2 couleurs chères à Stendhal.
et la compagnie ici y est plus qu' agréable, Nadia que je retrouve ici ( merci très chère Nadia de m' avoir rendu ce petit service ), Emilie que j' ai ( à mon grand regret ) à peine aperçu à la "maison mère" ( vous vous faites trop rare là bas ) qui a la génerosité de me donner un nouveau titre ( ma titulature s' en retrouve bien étoffée, je devrais vraiment la mettre en ordre un de ces jours XD) et dont les yeux...( il doit etre brulé au 5ème degré, le palefrenier, s' il y plonge les siens ! )....
et c' est avec grand plaisir que je trinque avec vous Olyvier ( mais gardez votre chaise, le tabouret me va très bien, réminiscences de Sparte ) comme 2 anciens adversaires ( mais l' avons nous été vraiment ? ), ivres puis écoeurés des combats menés .
et votre amabilité me touche ( là avant que je réecrive ou dise cela, n' étant pas du tout expansif par nature !)sincèrement, je me sens ( toute proportion gardée ! ) comme cet anglais parti fuir sur les rives de l' Orenoque, à la lagune des beaux songes :

"-....je me sens ému
- pourquoi ?
- pourquoi ? mais pourquoi....tout est si beau, si poetique, plein de saveur, tandis que....
la vie est bien plus sérieuse que cette mélancolique petite histoire de guerre...comme nos vies sont gachées, lieutenant Rilke...."

nasdrovié lieutenant !

(PS : Patrick,je me permets de vous le redire, vu qu' ils ont fermé le fil de LR, je n' abandonne pas mon poste, juste une petite perm' que je m' accorde, le temps de reprendre des forces. merci encore de votre acceuil, mon havresac et moi saurons nous tenir convenablement chez vous. très cordialement )
( re PS: désolé pour toutes ces parenthèses, j' ai cette agacante manie, je l' admets...)

Patrick Mandon a dit…

Cher Saul, je ne crois pas être le seul à me réjouir de votre arrivée. Nous espérons que vous vous plairez ici. Et vous y trouverez assurément ce que vous y apporterez aussi.

Patrick Mandon a dit…

Saul, vous me parlez de Lucretius. C'est curieux, j'ai souvent pensé à son dernier message, qui m'était d'ailleurs destiné. J'avais été frappé par sa dernière phrase : «“Mais d’ou vient ce Lucretius?” se demanda Mandon.
D’un monde sans espoir, Mandon. D’un monde sans espoir. Cà évite les déceptions.»
Il y avait quelque chose, dans cette chute, qui m'avait, en effet, troublé. Il me désignait comme son «ennemi favori», et ne voulait que je le déçoive. Peut-être avait-il, dans une autre vie, connu l'enfer ? Au vrai, je le poursuivais depuis qu'il avait eu une expression que j'avais jugée intolérable (il y était question de fils mort, de mère et de baleine). S'il passe par ici, qu'il entre !

olyvier a dit…

Cher Saul,
En Irak où je retourne prochainement, on demande au visiteur des jardins publics de bien vouloir laisser son arme à l'entrée, dans un tiroir de la loge du gardien. Evidemment, ça surprend le visiteur occidental.
Et bien là, c'est un peu pareil. On laisse nos armes, on regarde les roses, et les gosses qui jouent au ballon sur les pelouses. Je suis tellement et bêtement content de pouvoir vous parler ainsi, sans autre enjeu que de passer un bon moment.
Mais laissez-moi vous parlez de ces sauvages : quand j'ai voulu m'y promener,je n'ai jamais pu marcher seul dans ces jardins ; il a toujours fallu qu'un groupe d'étudiants, ou de soldats, m'aborde, et qu'ils insistent pour que je partage leur pique-nique, puis quelques danses ; c'était des moments fort doux, et j'ai toujours quitté mes hôtes à regret.
On se ballade dans ces allées entre garçons, mais on y croise aussi des jeunes femmes, en groupe, voilées. On s'échange alors des regards, des sourires. Les plus audacieuses s'enhardissent d'un "hello" suivi du rire des autres. Je me sentais tout chose...
J'avais envie de vous le dire, non pour préfigurer je ne sais quel théorie, justifier ou combattre nos guerres, mais simplement vous témoigner de ma petite expérience, et de la sorte, la prolonger.

Si ça vous dit, je vous emmène.

Patrick Mandon a dit…

Vous voyez, cher garnement, vous auriez rendu un peu plus consistant votre dernier message, orné d'une photographie, nous en faisions un article. C'est étonnant cette vision de l'Irak, entre les fusils, les garçons qui dansent, les jolies filles voilées qu'on pressent intéressées par le beau petit français… Dommage !

olyvier a dit…

Patrick,
C'est à dire que ce style de choses intéresse si peu mes compatriotes que j'ai fini par les remballer en pensant que ça n'émeut que ma petite personne. C'était sans doute le mot de Saul, délicat, presque stupéfiant d'audace pacifique, qui m'a fait penser qu'il pourrait comprendre cela.
Mais des histoires d'Irak, j'en ai beaucoup, beaucoup d'autres. Si vous m'aidez à les mettre un peu en forme, je serais heureux de vous les faire partager.
En attendant, je vous avoue une chose : mon envie de Kirkouk, du chaos de Kirkouk, et de la joie là-bas.
A propos de Lucretius : je suis sensible à ce que vous nous avez dit de lui.
Vous faites vivre ensemble, Patrick.

Patrick Mandon a dit…

Mon cher garnement, il m'arrive de penser que le mystère du monde qui m'entoure tient à une simple harmonie, une vibration fragile. Mais, si je pressens qu'il en est ainsi, je mesure la modestie de mon intelligence, qui ne me donnera jamais la clef de mon énigme.
Je vous sens heureux d'être parmi nous, et je m'en réjouis. On m'attend, je crois avec impatience, aussi dois-je m'éclipser, mais je reviendrai. Considérez que vous êtes ici le bienvenu. Écoutez L'air de Nadir extrait des Pêcheurs de perles, par David Gilmour, que j'ai déposé à l'instant. Nadir n'est-il pas irakien ?

Saul a dit…

attention Olyvier, je pourrais vous prendre au mot XD visiter le moyen orient est un de mes vieux reves...( mais je ne suis pas allé plus loin que la Turquie ) mais je me contenterais de vos anecdotes, que je vous encourage à nous faire partager. j' ai éffectivement compris, et je pense, contrairement à vous, que ça interesserait beaucoup de nos compatriotes, et qui sait, peut etre leur donner une nouvelle vue de ce pays. qu' ils comprennent aussi qu' ils sont tout aussi humains que nous. bien sur, il y aura toujours des bas du front pour dire que cela est faux, ou que c' est leur pseudo mentalité hypocrite...mais cela n' a pas vraiment d' importance, sans doute est ce un moyen pour certains d' entre eux de défendre leur haine ou leur crainte, de voir l' humain au lieu de l' ennemi. un refus de se remettre en cause...ils les verront toujours comme des "sauvages", et ne voudront jamais admettre que ce pays est aussi le berceau de l' humanité, et donc le notre. je veux dire par là ( je sais que c' est en fait, en Afrique )que par l' invention de l' écriture, les sumeriens nous ont fait passer du statut d' animal à celui veritablement d' etre humain ( c' est meme considéré comme le passage de la préhistoire à l' Histoire ). mais je ne vous apprends rien...
j' ai applaudi grandement Villepin à l' époque, n' étant pas non plus pour cette invasion. car, sans vouloir défendre Saddam, je doute que les ricains aient vraiment fait oeuvre de civilisation là bas, et ais éprouvé de l' empathie, non à l' égard du régime, mais de la population sous les bombardements et de ses soldats ( je pense aux défenseurs d' Oum Quasr, résistant encore alors que c' était quasiment plié. j' ai toujours eu un faible pour les causes perdues).
et je crois comprendre votre envie de retourner dans ce "chaos". peut etre un désir de fuir le notre, plus "froid", plus mécanique, bref plus inhumain....
j' aurais en plus plein de question à vous poser sur ce pays ( curiosité naturelle ! ) du style est ce que le Kurdistan n' est pas indépendant de facto...mais ce n' est pas le lieu et ce serait abuser de l' hospitalité de Patrick.
et je voudrais préciser, mais là peut etre que je vais vous décevoir, que le petit "dialogue" entre les lieutenants Stuart et Rilke à la fin de mon commentaire précédent n' est pas de moi bien entendu ( je serais bien incapable d' écrire ça ). sans doute l' aviez vous compris mais dans le doute.. j' ai oublié de préciser que c' est extrait d' une BD d' Hugo Pratt ( j' en suis fan )"Corto toujours un peu plus loin", une sorte de recueil de "nouvelles" ( pas sur que l' on puisse appliquer ce mot à une BD )sur Corto Maltese en Amérique du Sud pendant la 1ère guerre. ce n' est pas la meilleure de ses BD, mais au milieu de ses nouvelles, une perle, une des meilleures histoire qu' a pu raconter Pratt selon moi "la lagune des beaux songes ". si vous ne le connaissez pas, je vous le recommande vivement ( on peut aussi trouver cet épisode tout seul, chez je ne sais plus quel éditeur ). Pratt a réussi à écrire en une vingtaine de pages, une histoire comprenant l' amour déçu, les amitiés trahies, l' appat du gain, l' honneur, la lacheté, le courage, l' absurdité de la guerre et la rédemption. du grand art !
je me suis permis cet emprunt, et ai fait une parabole de nous 2 en soldats ennemis, qui après le combat se saluent respectueusement.
c' est votre ( j' ai oublié la phrase complete ) " faire resurgir l' humain" qui m' a fait penser à ça et par contre coup à l' origine du salut militaire : au moyen age, avant le combat, mais aussi après, les chevaliers levaient la visière de leur heaume pour montrer leur visage à l' autre. de là vient ce geste de la main vers la coiffe. il s' agissait alors d' un geste de courtoisie et de respect mutuel. j' y vois aussi un désir de montrer un visage humain ( c' est le cas de le dire ! ) et donc une humanité qui se cache derrière l' armure.
nous connaitrons certainement des désaccord à l' avenir mais il n' y aura plus de guerres entre nous.
toutes mes amitiés Olyvier.

Saul a dit…

Patrick, tout d' abord pardon pour ce (très ! ) long hors sujet, ce n' est pas très poli, mais promis je ne recommencerai plus.
je n' ai pas connaissance du pourquoi de votre querelle avec Antoninus, mais dans son message qu' il vous adressait, j' y ai vu comme une breche, peut etre levait il la visière ? il avait dit aussi, sur les beurettes de Jerome, qu' avoir visité Verdun l' avait fait connaitre les limites de son cynisme. et ça...
et je partage ce que dit Olyvier, vous savez nous rassembler.

Nadia, elle a raison Emilie, je t' ai lu sur le fil de Bennasar, tu sais manier la cravache avec brio ! y' en a un qui s' est fait remettre en place..bravo !

olyvier a dit…

Saul, à propos du Kurdistan irakien, et pendant que vous pouvez encore le faire (48 heures), je vous invite à écouter Saywan Barzani qui était l'invité d'une émission à laquelle je n'ai jamais rien compris (entre nous), et qui s'appelle à suivre.

http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/asuivre/index.php

Le propos de Saywan Barzani m'a semblé convenu et prudent, c'est à dire très loin des inconvenances anecdotiques que je pourrai vous livrer, mais néammoins informatif.

Sur la question de l'indépendance kurde, disons que c'est très compliqué, et que la chose se dérobe dès qu'on croit la tenir. Ca me donne une idée d'anecdote à raconter : je vais essayer de l'écrire et de la proposer à Patrick.

olyvier a dit…

Saul, à propos de notre "paix" :
Nous avons désarmé l'un l'autre non pas quand nous avons reconnu l'humanité de notre (très relative) inimitié, mais plutôt lorsque l'un et l'autre nous sommes reconnus dans un même idéal (disons à la fois français, chrétien et républicain - l'autre qu'il ne faut jamais tout à fait cesser de vouloir comprendre).
Je veux vous dire par là qu'il nous faudra encore être prudents, non l'un à l'égard de l'autre (la fraternité consiste à se bagarrer pour une pièce de Légo, avant de s'endormir côte à côte paisiblement, pour recommencer le lendemain devant le bol de Banania), mais à l'égard des autres (par exemple le propos de Bennasar sur la moralité de Bush ferait surgir en moi une violence très à l'opposé de ce que je voudrais affirmer en moi-même).
En un mot : que votre amitié me soit une vigilance et une exigence ! Pardon d'être ainsi, dans cette réponse, un peu décevant, pas lumineux, trébuchant, mais cela me semble le prix à payer... si nous croyons ensemble à quelque chose.

Patrick Mandon a dit…

Saul, vous avez vraiment bien fait de venir. Je vous sens très à l'aise ; il me semble que vous pourriez libérer ici d'assez belles inspirations. Nadia veillera sur vous, c'est un peu elle votre marraine. Oui, vous avez raison de dire, après Émilie, qui en connaît un rayon dans les lanières de cuir(…), que Nadia est une fameuse cravache.
Olyvier, vous êtes un étincelant personnage, déchiré entre tous dons et vos nombreuses tentations.
Euréka est passée, trop rapidement à mon goût. Elle est bien sûr notre invitée et nous espérons vivement qu'elle saura trouver sa place.

Anonyme a dit…

Patrick, vous avez raison Saul et moi sommes amis depuis longtemps. Sans parler d'affinité elective que je réserve à un autre genre de relation, nous nous sommes reconnus sur Causeur et nous en trouvons bien.
Je vois que vous me voulez tous avec une cravache entre les mains alors que je n'aspire qu'à la douceur ! Cela dit, il n'y a pire férocité que celle qui s'exprime derrière un masque aimable et souriant... Ce n'est pas mon cas, ou alors très exceptionnellement !

Patrick Mandon a dit…

Nadia, c'est justement l'exception, la rareté dans l'usage de la cravache, chez vous, qui en fonde la nécessité.

Anonyme a dit…

J'en fis tâter une ou deux fois à Olyvier, il a la magninimité de ne pas m'en vouloir (espère-je).

Anonyme a dit…

Magna magnanimité

Saul a dit…

Patrick, oui je me sens bien ici :), la musique, les voix, meme si je n' apprecie pas encore à sa juste valeur les chants tsiganes ( il y a quand meme quelque chose dans ces voix ), j' ai été époustouflé par Gilmour chantant Bizet ( que je ne connaissais que de nom ). merci de me l' avoir fait connaitre, j' ai mis ce Gilmour dans mes favoris.
et Nadia comme ma marraine, j' aime bien cette image, je confirme ce qu' elle a dit de nous 2.
vous ne pouvez pas savoir le bien que ça m' a fait de passer par chez vous, j'en suis meme retourné à la maison mère.

Olyvier :
comtez sur moi XD et je vous demanderais aussi la réciprocité à mon égard au nom de ce "quelque chose ". et vous avez raison sur notre désarmement, il est beaucoup plus ancien que ça mais j' avais encore en tete ce mauvais épisode de ma croisade birobidjanaise ( je m' en suis voulu pour ça après ) mais j' ai licencié cette mauvaise troupe.
mas amitiés Olyvier
( je vois que vous aussi etes remonté au front : ) au plaisir de vous y croiser )

Patrick Mandon a dit…

Saul, je dépose ici aussi le commentaire que j'ai placé sous l'article «Corinne» :
Cher Saul,
Bon, à présent, il faut vous trouver une occupation. Vous avez une sensibilité à fleur de peau, et peut-être un usage réservé de la manière dont cette sensibilité pourrait susciter une forme émouvante quoique rationnelle. Je me demande si vous n'êtes, vous aussi, du côté du «surgissement», mais différemment d'Olyvier qui, pour cela, a besoin de frémir (de colère, de dépit, de désir…). Vous Saul, il me semble que vous passez par un idéal (historique, par exemple). Où est votre «veine d'or», Saul, comment allez-vous la trouver, l'exploiter sans la tarir, et nous en livrer quelques pépites ? J'ai été frappé par l'expression de votre soulagement, lorsque vous êtes arrivé parmi nous : vous avez «posé votre sac», vous avez réclamé à boire, vous avez été à la fois modeste et confiant. Où est votre veine d'or ?

Saul a dit…

Patrick, vous etes très fin, je le confirme, et vous m' avez bien cerné. sur ma veine d' or ( si je vous ai bien compris ), honnetement je ne sais pas moi meme si j' en ai. je me suis bien essayé dans la musique plus jeune ( basse, considéré meme comme un bon, dans le milieu ) et meme à l' écriture ( paroles de chansons par ex ) mais sur ce dernier point, je me suis vite rendu compte qu il faut du talent ( la veine d' or ? ), l' art ( au sens large ), je ne vous l' apprend pas , ne peut supporter la médiocrité.
et sur ces "surgissements", encore bien vu de votre part....
disons que je suis plus recepteur qu' émetteur.
j' aime voir cette veine d' or chez les autres, aussi souffrez que je sois plus simple spectateur qu' acteur ( mais je m' y essaierais ).
( je participerais aux taches d' intendance bien sur :) )

Patrick Mandon a dit…

Non ! J'insiste ! Vous n'êtes pas venu ici par hasard. Où plutôt, vous avez convoqué ce hasard. Je maintiens que vous êtes «travaillé» par une énigme, comme presque tous ceux qui s'arrêtent durablement ici. Peut-être passe-t-elle par l'Histoire, ou par une certaine idée de l'honneur ?

Saul a dit…

pas faux, Patrick. cette énigme serait l' Homme lui meme. je n' arrive pas à croire qu' il y ait d' un coté des "monstres" et des vertueux. mais que tout cela cohabite dans un meme individu : l' honneur, le courage,le cynisme, la lacheté...je trouve ça fascinant quelque part, et assez inexplicable.
et cela passe effectivement par l' Histoire, c' est une des raisons de cette passion. essayer de comprendre comment par ex des hommes se retrouvent dans le mauvais camp.
avez vous vu "un héros très discret" ? vous savez, une des scènes finales, où ces français engagés du mauvais coté disent à Kassowitz " nous ne voulons pas rentrer en France mon colonel "
j' y ai vu une forme d' honneur ou d' honneteté ( ces 2 mots n' auraient ils pas d' ailleurs la meme racine ? ), la meme que celle de Drieu la Rochelle..
Nadia m' avait parlé de "la légende des siècles" : "toute l' ambivalence et la multiplicité de l' etre humain" selon un cririque littéraire...
je vous fais une confidence Patrick ( vous serez le 3ème ), c' est exactement le sens que je donne à mon pseudo.

Saul a dit…

oups ! "selon un criTique littéraire" bien sur

Patrick Mandon a dit…

Eh bien mais, vous le tenez votre article : du secret et de l'utilité d'un pseudo ! Quinze-vingt lignes. Convoquez votre histoire et l'Histoire, dissimulez-vous tant que vous le pouvez, mais faites surgir les failles et les éblouissements. D'ailleurs, il n'y a que cela qui compte : la faille et l'éblouissement.