samedi 17 octobre 2009
Crâne d'œuf (1)
Le journal Le Midi Libre, nous fait connaître que M. Georges Frêche aurait déclaré, lors de l'inauguration du lycée Jean-Moulin, à Béziers, le 12 février 2008 :
«Il existe aujourd’hui une mode qui consiste à protester contre les résistants qui tondaient les femmes qui avaient couché avec les Allemands pendant l’Occupation.
Elles ne pouvaient pas coucher avec les résistants ...?
Vous croyez que je vais pleurnicher parce qu’on leur a coupé les cheveux ? Mais c’était gentil ...!
On aurait pu les fusiller ! Mon père était officier de la Résistance : jusqu’à ma mort, je serai de ce côté !»
Quant à moi, je ne serai jamais du côté de M. Frêche ! Le spectacle des tondues de la Libération m'évoquent la revanche du mâle français, humilié par les allemands, contraint à la boucler et à filer doux. Sommes-nous bien sûrs que les manieurs de ciseau, à la Libération, n'étaient pas engagés de la veille dans la Résistance ? À voir leurs mines prospères et réjouies, on se dit qu'ils n'appartenaient pas aux catégories de nos compatriotes qui avaient le plus souffert de l'Occupation.
Au rendez-vous allemand
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d'enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n'a pas compris
Qu'elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
(Paul Eluard 1944)
Photographies PM, sauf documents historiques
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15 commentaires:
Les femmes tondues me font penser à l'excellent livre de Jean Dutourd, suivi du non moins excellent film où brillait Roger Hanin, "Au bon beurre". On imagine bien le personnage en question manier le sécateur avec dextérité.
Comme disait Arletty, "fallait pas les laisser entrer". Les images de ces malheureuses avec leurs bébés dans les bras sont insoutenables.
Lire sur le sujet le livre d'Alain Brossat Un carnaval moche
Insoutenables ! Oui. Nous fûmes inférieurs à nous-mêmes dans cette situation historique. Ces femmes ont «absorbé» la défaite de Quarante, les années d'Occupation, la terrible et «étrange défaite». Je suis persuadé que la génération des hommes en âge de servir, à ce moment-là, ont éprouvé une terrible frustration, dont ils se sont libérés sur les femmes, soupçonnées ou «coupables» de ce qu'on appelait la collaboration horizontale. Le peuple, saturé de mépris, de lâcheté, de honte, a «débondé» : on ne se méfie jamais assez de la capacité de violence aveugle, odieuse, des émeutiers «du bon droit». Je ne crois pas que nous soyons à l'abri d'une telle chose…
Je remets un fil que j'avais posté sur causeur avant les vacances à la suite d'un vos articles cher Patrick. Il me paraît de circonstance :
Nous sommes le 24 août. Les cloches n’ont pas cessé de sonner pendant toute la journée. Des cris de joie retentissaient partout.
Moi attablée à la table de cuisine devant mon dernier ertsatz, je pense à Frantz en veilant sur le sommeil de Petit Pierre, fruit de notre amour. Déjà un an qu’il est parti pour l’Est ; une lettre depuis son départ, puis plus rien. Nous a-t-il oublié, est-il mort au front ? Je ne le saurais sans doute jamais.
Soudain, de la rue, montent d’abord des cris qui tournent aux hurlements. Je m’approche de la fenêtre et malgré la chaleur mon sang se glace.
Ils sont là, en bas, ils ont pris une femme, lui on mit une pancarte au cou sur laquelle on pouvait lire : SALE BOCHE! Les cris disaient : “tu n’as que ce que tu mérites. Viens, on va te raser pour que tout Paris sache que tu as couché.
Pierre que va-t-il nous n’arriver maintenant ? Ton papa, tout allemand qu’il étaitn, ne voulait pas la guerre. On s’est aimé mais peut-être qu’on n’aurait pas dû. Maintenant, tu es là, je veille sur toi. J’ai peur tu sais. Dans le quartier, les gens savent qui était ton père.
Mon dieu, du bruit dans l’escalier, des cris de haine. Je me fais petite souris pour qu’ils pensent que je ne suis pas là. Hélas comme nous tous, tu as faim, alors tu pleures.
Ils défoncent la porte, m’attrapent, me sortent dehors brutalement en te laissant tout seul. Je suis jetée en patûre à la vindicte populaire. On me rase la tête. Je pleure. Oh, tu peux pleurer, tu feras moins la fanfarone après avec ton fils de boche.
Je ne peux plus parler, et pourtant je voudrais leur dire que je l’aimais mon Frantz.
Quand enfin ils m’ont laissée, je suis remontée chez moi. Une voisine, plus gentille ou moins bête que les autres, était là. Elle s’occupait de Petit PIerre. Elle m’a dit t’en fais pas, ça va leur passer.
Depuis Petit Pierre a grandi, il n’a jamais revu son père, tombé sur le Front de l’Est.
Les choses se sont tassées mais pas tout de suite. J’ai subi des sarcasmes pendant longtemps. Je n’ai jamais caché la vérité à Petit Pierre sur son père.
Une chose est sûre si cette période devait se renouveler, je crois que je recommencerai car je l’aimais mon Frantz et cela rien ne pourra jamais y changer.
Chère Euréka, merci de votre contribution. Collectivement, les temps de guerre sont une horreur, individuellement, ils sont souvent réduits à des histoire simples et banales.
J'exècre la vengeance populacière et tous ceux qui l'excitent. On peut dénoncer les excès, les périls, les hypocrisies, on doit écarter les voyous, les malades mais faut-il réclamer une république «pure» ? . Voici, une fois de plus, mon Credo :
«Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, arrtificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit: J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice crée par mon orgueil et mon ennui.»
Alfred de Musset, On badine pas avec l'amour. acte II scène V.
Euréka, je vous invite à descendre un peu plus bas et à vous arrêter à l'article «Bo, c'est beau» : un bon petit rock «vintage», qui vous mettra du baume au cœur.
Cher Patrick,
Mes positions sur cette époque, vous les connaissez déjà. Les tondeurs de l’époque étaient les « B.O.F. » :
Rappelez vous, vous nous aviez demandé de sauver votre « ami » Drieu. Nadia, Saul et moi-même avions accédé à votre demande.
Pensez-vous qu’une telle ignominie pourrait revenir aujourd’hui ?
Mais je me souvenais parfaitement de tout cela. Le fil que nous avions alors «tissé» constitue même l'un de mes plus beaux échanges chez Causeur.
Alors, cela pourrait-il revenir ? Assurément ! Peut-être pas sous les mêmes formes, mais dans le même esprit. Pensez-vous, par exemple, que Frédéric Mitterrand pourrait, aujourd'hui, se promener dans les rues en toute tranquillité ? Je pense qu'il serait immédiatement entouré d'une foule mauvaise, et que cela tournerait au lynchage. À l'opposé, et pour d'autres raisons, malheur au policier qui serait isolé dans une manifestation d'agriculteurs, ou dans une banlieue dite «difficile» : il finirait en charpie. Voyez l'esprit qui traverse certains blogs, leur vocabulaire du mépris basique, de l'ironie de comptoir. Regardez la colère de frustrés qui se manifeste chez les voyous du football, capable de faire exploser le crâne d'un «adversaire». Considérez l'expression, dissimulée ou évidente, des intérêts et des passions des communautés, ou prétendues telles ! Le rêve républicain, si singulier à la France, dans lequel l'individu exprimait à peu près sa singularité, mais sans nuire à l'esprit de la nation, ce rêve serait-il dépassé ?
Je crois que dans le meilleur et dans le pire la France connaît, elle aussi, son «éternel retour du même».
À bientôt; chère Eureka.
Note : serait-il très indiscret de vous demander de quelle manière vous avez résolu le dilemme sentimental, que vous nous aviez pudiquement exposé, l'été dernier ?
Note (bis) : Où en est votre lecture réactivée du «Club des 5» ?
"Le pire est toujours certain" dit Jérôme sur son blog. L'ignominie peut revenir bien sûr, chère Eurêka, nos progrès technologiques et nos barrières culturelles n'y feront rien. En Europe, en Yougoslavie, à nos portes, des Serbes et des Bosniaques qui vivaient en bons voisins depuis des siècles se sont soudain entretués.
Un petit homme des cavernes sommeille en nous qui ne demande qu'à se réveiller. Mettez le dans un stade de foot, arrosez le généreusement de mauvaise bière et vous le verrez ressusciter à vue d'oeil.
Ce que j'ai lu et entendu ces derniers temps, ici ou là, ne me plait pas beaucoup. Comme une envie de curée à tout prix.
On leur a volé leur dignité, leur féminité. Au Moyen-Age déjà on tondait les femmes adultères en Germanie. Ensuite ce fut en 1920 en Allemagne toujours, la tonte des femmes ayant eu une relation avec l'ennemi.. L'Etat mâle reprend ses droits sur "ses" femmes.
Nadia, "Feu sur le quartier général" n'est pas un modèle d'apaisement ! On pourrait même croire que le pire, comme vous dites, y est souhaité.
Ma chère Eurêka, le pire n'y est pas souhaité, mais craint. Il ne faut pas redouter de regarder la bête, ou les bêtes, en face dans le blanc des yeux. Mais je vous rassure, mettre les surfs en bande son récurrente sur un blog, c'est comme prendre une assurance pour l'avenir.
Une assurance pour l'avenir.. Oui, au cas où ça tournerait mal on pourra toujours surfer en boucle sur la vague du souvenir.. Il est vrai que la peur n'évite pas le danger mais aussi qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
Mille excuses Corinne de vous avoir appelée Eurêka. Je n'ai pas fait attention mais je cois que, vous aussi, vous êtes victime du fameux avaleur de photo qui sévit alentour.
Surfer en boucle sur la vague du souvenir, c'est très bien vu, c'est exactement ça.
De rien Nadia, j'espère qu'Eurêka ne vous en voudra pas ! Pour la photo, non, je l'ai faite disparaître sans le vouloir ! Bah, elle ne manquera pas au décor.
Bonne soirée.
Corinne, à propos de sa photographie écrit qu'«elle ne manquera pas au décor.».
Je ne suis pas d'accord ! J'aimais ce beau visage aux cheveux couleur d'encre.
Cela dit, je comprends fort bien le besoin de discrétion.
Chère Nadia, Chère Corinne,
Bien sûr que non, je ne vous en veux pas. Ce ne serait pas gentil de ma part.
Ce qui est curieux, c'est qu'en fonction de l'ordinateur sur lequel j'écris, vos photos vont et viennent au gré du vent.
Cher Patrick,
Vous m'attendez sur le Club des cinq, je n'oublie pas. J'ai promis. Mais serais-je à la hauteur.
Pour votre autre question, j'ai décidé de laisser le destin faire son travail. Si je dois le retrouver cela fera, sinon, cela restera toujours une partie importante de ma vie.
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