mercredi 14 octobre 2009
La marquise perd le nord et le sud
Ce matin, au courrier, cette lettre de mon ami Edouard de G., un homme de très belle éducation, mûr déjà, mais fort bien conservé, le corps sec et musclé, d'une politesse et d'une coquinerie d'Ancien Régime.
«Cher Patrick,
Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir présenté, voici quelques semaines, à ta cousine, la marquise de Beauregard. Grâce à toi, j'ai vécu l'une de mes plus charmantes aventures. Je me rappelle parfaitement notre première rencontre, à ton domicile parisien. Ton billet bref avait aussitôt piqué ma curiosité : «Sois chez moi ce soir vers 11 h, j'offre un souper. Trois jolies femmes, trois compères. Charmante et brillante compagnie.»
Je vins. Je tombai immédiatement sous le charme de ta cousine, à l'oreille de laquelle tu glissas, en me présentant :
– Défiez-vous spécialement de celui-ci, chère cousine, c'est la réincarnation de Casanova. Dans notre cercle, il est le plus capé. C'est bien simple, il séduirait un gisant !.
Elle ne rit nullement, haussa les épaules, se détourna et ne voulut plus m'adresser la parole de toute la soirée. Or, de mon côté, je l'observais à la dérobée. À plusieurs reprises, elle soutint mon regard, sans ciller, sans sourire. Un peu plus tard, alors que notre société, échauffée par les plats délicieux et les vins raffinés que tu nous avais servis, songeait à quitter les plaisirs de la table pour se consacrer à d'autres, tout aussi précieux, ta cousine s'avisa de vouloir partir promptement. Je me levai aussitôt et lui proposai de la raccompagner jusqu'à son hôtel.
– Mon carrosse est au pied de l'immeuble, nous y serons dans dix minutes !
– Entendu, mais n'espérez rien. Si mon cousin est un débauché, sa cousine est de chasteté.
– Madame, je suis un gentilhomme ! Prenez mon bras, je veillerai sur votre sécurité comme sur votre honneur.
Nous partîmes, vous laissant à vos plaisirs. Les rues de Paris étaient désertes, l'air frais lui fit du bien. Elle dégrafa un peu son haut-col, révélant la chair nacrée de son cou.
– Charmante soirée, n'est-ce pas, madame ?
– Soirée d'un licencieux, voulez-vous dire ! Soirée de luxure annoncée, soirée de dévergondage programmé. Ah ça mais, mon cousin ne changera pas ! Vous êtes d'ailleurs de ses amis et, si j'ai bien compris, son modèle dans l'inconduite.
Je ne tentai ni de te défendre, ni de me préserver. Au contraire, je pris le parti du dérèglement et du libertinage. Plus elle avançait ses arguments de pruderie, plus je reculais dans l'effronterie. Or, elle n'interrompit pas la conversation, alors qu'en apparence, le sujet blessait ses convictions, effrayait sa pudeur. Au contraire, tout en redoublant de fureur contre les mauvaises mœurs, elle se risquait à des images et à des effets de vocabulaire toujours plus audacieux. Un moins rusé que moi s'y serait trompé, mais je connais trop bien la vérité de ces belles dames hostiles en apparence aux ébats d'alcôve, pour que je pusse me laisser prendre à sa véhémente pudibonderie. Nous arrivions à son hôtel quand elle me rendait compte, par les plus croustilleux détails, de tes derniers écarts de conduite, non point tels que tu les lui avais narrés, mais tels qu'elle se les imaginait ! Inutile de te dire que j'espérais la convaincre de me donner un baiser et beaucoup plus encore… Mais point tout de suite. Avant de la laisser, je lui donnai ma carte, en la priant à déjeuner pour le lendemain, puisqu'elle ne repartait que dans la soirée.
– N'y comptez certes pas !
J'y comptais, au contraire, et ne pensai plus qu'à cela…
Le lendemain, à midi, elle sonnait chez moi! Une heure après, elle était dans mon lit… Trois heures plus tard, blottie dans mes bras, elle s'émerveillait :
– Ah monsieur, vous m'avez fait connaître des hauteurs… Comment ne pas vous revoir bientôt ! Je voudrais vous avoir près de moi. Je prévois désormais des séjours fréquents et réguliers à Paris, cette ville que j'abhorrais avant de vous connaître. Surtout, cher Edouard, n'en dites rien à mon cousin, je vous en prie !
Je ne t'ai donc rien dit.»
Voilà les faits. Ils m'ont beaucoup amusé, j'espère qu'ils feront de même sur votre humeur. Mais il manque à ce récit, celui des ébats proprement dits. Mon ami Êdourd de G. m'en fait une bien émouvante relation dans sa lettre. Mais je vous la réserve pour la prochaine fois.
Libellés :
Plaisirs secrets d'une marquise de province
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
25 commentaires:
Ai-je bien lu, ai-je la berlue ?
Faut-il que vous me vouliez du mal, mon cher cousin, pour me donner en pâture à vos amis et révéler un courrier que vous dussiez tenir par devers vous!Traître toujours, on ne vous refera pas !
Mais au fond, tant mieux, je me sens alors autorisée à dire ma vérité, oui, toute crue et qui se résume en quelques mots : que les hommes sont stupides ! Et que les femmes savent se jouer de ces vaniteux qui se rêvent en Casanova et qui, dès que l'une d'entre elles leur sourit, se déclarent aussitôt maître de son coeur et de son corps, et s'en vantent ! Mon cher cousin,vous m'avez présenté cet été de bien étranges amis.Le premier dont vous me dîtes qu'il était un intellectuel raffiné et spécialiste de l'érotisme élevé au rang de discipline artistique, n'est en réalité qu'un vulgaire entremetteur doublé d'un camelot qui vend ses babioles aux cul-terreux de la France d'en bas. J'ai nommé l'impayable Paul de Bitenfeult !
Mais vous ne vous arrêtâtes pas en chemin. Vint le tour du photographe, lui aussi, m'avez-vous dit, artiste de la France d'en haut pour qui posent les plus belles femmes du monde. Je me réjouis de voir la fin de l'année approcher, car je sais le plaisir que je prendrai à accepter le calendrier que me proposera Olivier, mon facteur, et qui constitue l'oeuvre unique de Paul de Lorgnecul. Cette année, opterai-je pour les chatons dans leur panier ou cette magnifique vue du Mont-Blanc sous un ciel limpide ? J'en ris à l'avance !
Mais parlons du troisième, puisqu'il s'agit de lui, Edouard de Gay, qui s'est cru obligé de vous écrire, persuadé de m'avoir subjuguée !
C'est un homme plutôt sympathique aussi n'ai-je pas voulu l'humilier, alors, puisque vous connaissez mes talents de comédienne, vous pourrez aisément imaginer avec quelle ardeur et quel plaisir du jeu, j'ai pu SIMULER !
En effet, le pauvre garçon, sans doute trop ému par la beauté qui s'offrait à lui, me parait beaucoup plus habile et vigoureux dans la narration que dans l'action !
Mon cher cousin, vous voilà informé, vous m'en voyez désolée pour Edouard !
Eh bien mais, chère cousine, vous manifestez une énergie qu'on ne vous connaissait plus depuis quelque temps ! Et cela me réjouit fort. De l'énergie, donc, en abondance, mais point de sincérité. Je connais Edouard depuis trente ans (des amis de trente ans !) ; notre petit cercle de joyeux compères, reconnaissant sa supériorité en la matière, l'a baptisé «Mille e tre», en hommage à ses performances et par reconnaissance à notre maître, le grand Casanova.
Vous dites que je vous veux du mal ; Edouard, quant à lui, si j'en crois sa lettre, dont vous lirez prochainement la croustilleuse suite, ne vous a fait que du bien. Il paraît que dans sa galante compagnie, vous ne fûtes que cris et «suçotements». Au point d'ailleurs que les voisins d'Edouard (l'un des plus beaux linges de la capitale), le croisant le lendemain de vos tendres et bruyants ébats, le congratulèrent d'un sourire entendu. L'un d'eux lui glissa même à l'oreille «Mon ami, vous nous étonnerez toujours !».
Allons, ne vous offusquez pas ! Votre année fut très sage, et votre tempérament ne put y trouver sa pâture. Vient un moment où les courses à cheval, loin d'apaiser les tempêtes, font lever, au contraire, des cyclones…
Ah ! Emilie ! Edouard n'était donc pas le dur mais bien le mou.. J'en déduis que les divulgations promises par votre cousin ne seront que les élucubrations fantasmatiques de cet olibrius. Pour le calendrier, j'en aurais bien un autre à vous conseiller. Et je gage que les Dieux qui y posent sont aux antipodes de votre De Gay, bien plus habiles dans l'action que dans la narration !
Corinne, la lettre de mon ami Edouard est parfaitement authentique. J'en apporterai tantôt la preuve. Il est vrai que mon procédé n'est pas très honorable, mais la honte que j'éprouve à révéler les frasques amoureuses de ma cousine est bien peu de chose en comparaison du plaisir que me procure son indignation. Ma cousine se donne trop volontiers une silhouette de vertu pour que je ne révèle pas sa vraie physionomie.
Mais un peu de patience, Corinne au beau visage : la suite vous mettra dans les transes ! Sacré Edouard !
Je reçois à l'instant un courriel de mon ami Edouard, en voyage dans les Carpates, où il s'est carapater en compagnie d'une slave du sud, qu'il a rencontrée l'autre soir chez notre ami commun Paul de Lorgnecul. Hélas Émilie, je ne vous apprends rien ! Vous n'espériez pas qu'Edouard vous demeurerait absolument fidèle, tout de même ?
Bon, alors voici le contenu du courriel :
«Mon cher Franz (il connaît mon second prénom, Franz-Josef), ce que tu fais n'est pas très élégant à l'égard de ta cousine. Mais, dans le même temps, je me dis que ce petit accroc à la «statue de chasteté» qu'elle prétend élever aux yeux de son entourage, ne lui fera pas de mal. Tu es un voyou, mais je te conserve toute mon affection. PS : mon séjour ici est admirable. Je te parlerai plus en détail de ma délicieuse compagne… Ton ami, Edouard. »
Edouard le mi-lettré ! Ou bien en dixièmes de millimètres : 10,3 centimètres ! Bon courage les Roumaines !
Il est vrai que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, mais dans le cas qui nous occupe, il s'agit surtout d'abnégation et de charité !
Émilie, c'est moi Edourd, l'utilise le courriel de mon très cher ami Patrick pour vous corriger ; vous avez, si j'ose dire, perdu tout sens de la mesure. Vous pouvez aisément multiplier par deux le chiffre que vous donnez. Vous n'avez vraiment pas la mémoire des «chibres» !
Sans rancune,
Votre Doudou
Franz-Josef ? Auriez-vous des origines germaniques ? Il en fut un célèbre surnommé "le Taureau de Bavière" mais il ne vous ressemble guère, physiquement s'entend. Vous préjugez de mes transes et de celles de votre cousine Emilie, mais il nous faut un peu plus que les récits d'un Casanova "capé" mais sans épée pour nous émouvoir !
Ma chère Corinne, figurez-vous que le roi Edouard X,3 possède, comme tous les handicapés moteurs de son gabarit,et comme le dit l'adage... une très grosse voiture !
J'accepte volontiers le calendrier des Dieux du stade que je n'ai pas eu cette année ! Vous pensez bien que ce n'est pas Edouard qui allait me l'offrir !
Avec plaisir Emilie, comme vous je n'ai que l'année dernière ! Ceci-dit, je ne pense pas que la prochaine nous réserve de surprises, c'est qu'on en a vite fait le tour !
Mesdames, on vous sent tout de même troublées ; l'une par les révélations d'événements amoureux qu'elle connaît déjà, l'autre, par la curiosité qu'a fondé cette même révélation. Ah, ma cousine ! Quel feu sous cette cendre de volcan éteint en apparence. Mon ami Edouard est unique dans l'art de réveiller la braise. J'oserai dire qu'il est un maître de la braise…
Corinne, vous semblez déçue que je ne ressemble pas vraiment à Franz-Josef Strauss. Je ne peux plus rien y faire. Ma mère préférait l'Autriche-Hongrie à la Bavière !
Détrompez-vous Patrick, je n'ai aucun goût pour les bêtes à cornes ! Et j'imagine que votre maman a pensé à François-Joseph, le fougueux empereur, par ailleurs chasseur émérite et doté d'une impressionnante paire de bacchantes ! On connaît aussi l'adoration qu'il vouait à son impétueuse cousine.
Les Carpates en automne ont un charme unique, cher Patrick, je ne saurais trop vous les recommander, avec votre charmante cousine bien sûr. Elle aura le plaisir d'y retrouver ce cher Edouard de Gay dont le nom m'avais tant surprise chez vous. J'ai voulu en avoir le coeur net, gay il n'est point, je puis vous l'assurer. Mais ce n'est pas à la marquise que je l'apprendrai. Si vous voulez le revoir, il vous faudra prendre carosse, armes et bagages, j'ai peur qu'on ne le revoie de sitôt à Paris. "Qui goûte aux Roumaines se déprend du reste". Certes, le proverbe est... roumain et donc suspect de partialité. Mais il semble s'appliquer à merveille à votre ami.
Un dernier détail mathématique, en Roumanie, merveilleux pays à peine sorti des temps médiévaux, nous comptons en toise et non en centimètre...
En voilà une lettre bien troussée qui fait plaisir à lire. On attend la suite avec impatience.
Patrick, je crois que vous êtes un incorrigible coquin. Osez raconter sur le net les aventures de votre cousine, bigre.
Toutefois, cela remonte le moral et met du baume au coeur. Mais je ne vais pas vous ennuyer avec les "petits" tracas de la vie qui m'embêtent en ce moment.
Ma chère Nadia, les roumaines n'auront pas besoin de connaître notre système métrique pour prendre la mesure... du fiasco !
En revanche, magnifique après-midi dans le sud pour monter mon cheval, un vrai étalon !
Chère Nadia, je vous remercie vivement d'apporter votre témoignage, irréfutable. Il plaide en faveur du charme exceptionnel de mon ami Edouard de G., mais aussi de ses qualités… anatomiques. Mais, j'ignorais, chère Nadia, qu'Edouard et vous… J'avais bien noté, pendant ce souper, chez moi, qu'il ne vous déplaisait pas, mais, plus tard, dans la soirée, il s'est passé tant de choses… Vint-il vous visiter à Londres ? L'avez-vous rejoint à Paris, ou encore aux iles Boromée, plus précisément à San Giulio, où son ami, Marcello M. mettait naguère à sa disposition une superbe villa. Mais il me revient soudain qu'il a évoqué devant moi, l'autre jour, une certaine Lady N., sans en dire plus, mais avec un sourire d'extase. Ah, Nadia, ne me laissez point dans le mystère et l'attente ! Cette Lady N., dont se souvient avec tant de ferveur silencieuse mon ami Edourd, se peut-il que ce fût vous ?
Vous en avez trop dit pour n'en pas dire plus, car déjà vous ne pourrez pas protester que vous n'avez rien dit !
Euréka écrit «Toutefois, cela remonte le moral et met du baume au coeur. Mais je ne vais pas vous ennuyer avec les "petits" tracas de la vie qui m'embêtent en ce moment.»
Au nom de mes camarades de «Tous les garçons…», je vous fais connaître notre solidarité et notre soutien moral, si vous traversez un moment difficle.
Mon cher Edourd, calomnié par cette peste de cousine ! Ah ça mais, je le vengerai ce tantôt, en révélant au monde les débordements sensuels auxquels se livre ma cousine, dont la pruderie apparente masque un tempérament de goule. D'ailleurs, dès qu'il vous vit, Edouard ne dit-il pas, masquant son trouble par un éclat de rire : «Cette femme, Satan l'habite !»…
Cher Patrick, solidarité et soutien accepté.
J'attends la suite des aventures d'Edouard et de votre Cousine avec impatience.
Mais au fait, la belle des carpates ne serait pas .... à vous de nous le dire.
acceptés, c'est mieux
Eurêka, je vosu confirme toute ma sympathie.
Et pardon pour l'inversion de lettres, mais je dois être perturbée par celle des confessions un peu trop intimes que je viens de lire plus loin.
Amitiés à Eurêka
Toute notre amitié virtuelle pour vous Eurêka.
Ici toutes vos photos sont là. Elles ne s'envolent pas. Merci pour votre amical soutien qui me va droit au coeur.
Enregistrer un commentaire