Cris et suçotements
Le même pont Alexandre III, ce matin. Il fait un soleil à rendre jaloux le matin précédent. Nous sommes sur le trottoir d'en face, de la rive gauche vers la rive droite. Des halètements, des soupirs semblent venir des deux figures centrales. Il n'y a personne. En contrebas, le flot de la Seine suit un cours apaisé, un bateau mouche le remonte. Un figure de bronze sourit.
D'apparence colossale, elle soutient de son dos une partie de la balustrade. J'aime ses muscles saillants, son cou féminin et puissant tout à la fois, son trapèze herculéen. On entend une voix,
comme venue de dessous le tablier du pont, qui encourage quelqu'un à mener une besogne à son terme, mais rien moins que tragique. Deux amoureux ont-ils trouvé un refuge inconfortable, pour s'y étreindre ? Pourtant, un détail aurait dû me sauter aux yeux…
Car enfin, si sa main gauche est innocente, elle n'ignore point ce que fait sa main droite :
Et sa non moins colossale voisine ? Elle n'est pas en reste, mais de la main gauche :
À l'extrémité du pont, une sorte de diablotin, au dos et aux fesses de lutteur forain, se réjouit du spectacle.
Alors, bien sûr, commencée dans ces conditions, la promenade se poursuit et «sollicite» le sens des choses les plus banales :
Même la tour Eiffel, au milieu de sa broussaille :
Et, place des la Concorde, ces deux figures de l'extase :
Enfin, aux Tuileries, deux hommes, fort bien faits de leurs personnes, dont l'un est entièrement nu, conduits par une manière de Marianne complaisante, tournent des regards enamourés et soumis vers une figure tutélaire…
… qui n'est autre que Pierre Waldeck-Rousseau (1846-1903), fervent démocrate et humaniste convaincu. S'attendait-il à cet hommage ? À Paris, décidément, «on» ne pense qu'à ça !
Photographies P.M.
2 commentaires:
Charmante promenade bucolique où le pont ne soupire que d'aise contrairement à son pendant vénitien.
Votre plume baladeuse a réveillé les pierres qui ne dormaient ..que d'une main !
Cher Patrick, j'ai bien reçu votre proposition honnête (dommage!) mais je perdrai le goût du jeu à chercher un auditoire..Et puis, d'autres font cela beaucoup mieux, et je vous assure n'avoir nul besoin de reconnaissance pour mes billevesées.
Je vous embrasse, pour vous remercier d'y avoir songé.
Corinne, vous avez tort, j'ai raison. je ne parle pas de reconnaissance, je ne parle que de plaisir. Vous avez la mélancolie corrigée d'ironie douce qu'il convient pour écrire des billets brefs. Et vous semez des bonheurs d'expression. Prenez le risque de nous enchanter. Si la belle Émilie nous lit, je suis bien certain qu'elle vous encouragera. Il suffit de sauter le pas, il suffit de passer le pont…
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