Ce n'est pas si facile d'oser écrire une telle chanson (L'Embellie), quand on est un homme ! On pourrait y voir de la mièvrerie, un abandon sentimental. Le quotidien Libération, très apprécié des nouveaux libertaires, courant après tous les mouvements de la mode à la manière des otaries sur une piste de cirque, a parlé de «crooner rouge» à propos de Ferrat. Suivait un article que, pour ma part, j'ai trouvé calamiteux. Ferrat ne «croonait» nullement, il ne fut d'aucune façon le Franck Sinatra du Parti communiste, même s'il a chanté, un peu trop à mon goût, le Programme commun sur fond de violons. Le premier crooner français s'appelait Jean Sablon, le second Charles Aznavour. Alors que Ferrat a inauguré l'irruption du monde moderne et de la vie quotidienne dans la chanson de charme. À ses débuts, il n'était plus vraiment «rive gauche» et pas du tout yéyé. Sa voix, à la fois grave et douce, modulait admirablement le lyrisme de son propos, et sa lèvre inférieure semblait une tendre blessure. Je vois bien que son public formait le peuple de France, qui se reconnaissait dans cet élégant garçon maigre, à la voix de velours et à l'accent parisien.
Vous trouverez ci-dessous une sélection d'airs, de mots, de visages qui, je le crois, vous «enchanteront». Ils font un cortège baroque à Jean Ferrat. Vous verrez, à la fin, le très beau visage de Natalia Medvedeva, poétesse, écrivain, chanteuse, fascinante figure russe, qui m'évoque un peu la fameuse Nico (voir article Nico, une allemande dans la Factory). Née en 1958, décédée en 2003, elle avait épousé Edouard Limonov, voyagé aux Etats-Unis, s'était installée à Paris. Violente, excessive, déterminée, animée d'une audace vraie, elle se moquait de nos petites frilosités de français raisonneurs.
Nadia voudra-t-elle bien nous traduire ses propos ?
Note : la suite des chansons se trouve dans l'article Le cortège de Jean 2
29 commentaires:
Vous qui passer sans me voir, sans même me dire bonsoir...
Et André Claveaux, Syracuse, c'était pas un crounère français lui, peut-être?
Cela dit, "crooner rouge", pour une fois chez Libé, je trouve la formule assez plaisante.
Sinon, je vous signale la réapparition de XP, juste pour cracher sur Ferrat. Le crasseux (p)étron(e) psychotique, habitué des séjours en HP à ce qu'on dit, semble être provisoirement en permission.
André Claveaux, cher Consul, n'est pas selon moi un crooner. C'est un chanteur de charme, doué d'une superbe voix, très élégante, qui assure la transition entre Tino Rossi (lequel ne croonait absolument pas) et Jean Ferrat. De cette manière, Ferrat poursuit la tradition française de la chanson tendre, mais la rénove absolument.
J'ai oublié, chez les crooners français, l'immense Henri Salvador.
J'aime beaucoup votre formule «Le crasseux (p)étron(e) ». Je suis allé voir son dernier délire glaireux ; en effet, cela ne s'arrange pas !
Cher Consul, je vous signale qu'un certain Didier Goux, certes d'un niveau très supérieur à l'apocalyptique Pétrone (mais qui ne lui est pas supérieur ?), s'est fendu d'un vilain article sur Jean Ferrat. Partant d'un ragot de bas journalisme, il arrive, par une contorsion étrange, à dire le contraire de ce qu'il prétendait démontrer. Je lui ai fait connaître mon sentiment.
Tout cela est navrant, cher Consul ! M'inviterez-vous à un séjour dans vos terres admirables, où les hommes fréquentables sont aimablement accueillies par de gracieuses jeunes femmes ?
Vous ne le saviez pas, cher Patrick? Mais vous êtes Atlante de plein droit, et depuis toujours. Comme Ligne, Rimbaud, Dada, Anna Karina, Jean Ferrat qui vient juste d'arriver pour de longues vacances
Pour Didier Goux, il y a des façons d'être réactionnaire qui sont plus élégantes que d'autres, que voulez-vous...Tout le monde ne peut pas être Anouilh ou Aymé, pour ne commencer qu'avec les A.
J'aime la singularité de Manset, je l'avais presque oublié !
Il y a aussi Chet Baker..
http://www.youtube.com/watch?v=jvXywhJpOKs
Mouloudji, quelle bonne idée Patrick. Connaitriez-vous, par hasard, une version vidéo de son "autoportrait" :
Catholique par ma mère,
Musulman par mon père,
etc.
Athée, Ô grâce à Dieu !
Cher Consul, l'annonce selon laquelle je suis Atlante me comble. J'en éprouve déjà les bienfaits balnéaires ! Et puis, là-bas, les femmes n'ont pas les manières ni le ton de cheftaine enjouée de Cécile Duflot. On imagine que ces créatures aimables reconnaissent, après Oscar Wilde que «l'amour est un sacrement qui se reçoit à genoux»…
Corinne, en effet, on oublie un peu rapidement, la belle singularité de Manset. Cette vidéo est très rare, car il se montre peu.
Jo ël, hélas, depuis le temps que je la cherche, cette vidéo du grand Mouloud, je ne l'ai pas encore dénichée ! Le premier qui la trouve prévient les autres.
J'augmente la participation du grand Marcel Mouloudji de deux chansons : Un jour tu verras, et Tout fout l'camp (très amusante, très enlevée). Je me permets de faire remarquer aux lecteurs masculins de ce blogue, le regard et l'admirable posture de la ravissante jeune femme placée à côté de Mouloudji, au début de «Un jour tu verras». Et je fais observer au consul que cette beauté ne déparerait pas dans le Monde d'avant.
Sous la dernière vidéo du message, j'ai ajouté trois adresses http, pour que vous entendiez trois chef -d'œuvres de la chanson, par trois interprètes (dont un compositeur totalement oublié, qui fut grand).
Je les replace ci-dessous : http://www.youtube.com/watch?v=-dEWPPnpJ3o
http://www.youtube.com/watch?v=EZAWuCpo0wI
http://www.youtube.com/watch?v=fYz1McbeXsM
"Un jour tu verras..." le point de vue, selon Oscar, est assez limité !
Certes, Corinne, il est limité, je le reconnais bien volontiers. Mais, il faut admettre qu'il ouvre des perspectives intéressantes…
Si ce n'est qu'une mise en bouche effectivement, cela laisse assez bien augurer de la suite !
Cher Patrick, la belle Medvedeva ne parle pas ici de nos frilosités de petits Français raisonneurs (comme vous y allez), mais uniquement de son ami le tsigane Aliocha Dimitrievitch, de sa culture intuitive, de son sens de l'humour et de sa passion pour Serge Gainsbourg, autre Slave allumé, mais plus Français que lui tu meurs...
Celui qui s'exprime avant elle est d'ailleurs Français, son russe est tout à fait excellent et il s'appelle Jean-Marie Roos. Peut être le connaissez-vous ?
«[…]son ami le tsigane Aliocha Dimitrievitch,».
Ah, Nadia, votre traduction remplit mon cœur du vent de la plaine ! Vous connaissez ma passion pour Aliocha-l'immense et pour Valia-la-phénoménale, sa sœur. Je vous les ai présentés tous les deux dans ce blogue, et avec quelle ferveur ! En outre, vous nous dites qu'elle aimait Gainsbourg. Me voilà comblé, et plus fervent encore de la superbe et regrettée, et terrible Medvedeva, la Russe tout en cuir aux lèvres de sang, qu'il me semble avoir croisée, un soir, je ne sais plus où…
J'avais lu de prétendues déclarations, d'après lesquelles elle nous jugeaient snobs : des bêtises !
Certains de ses textes, peut-être mal traduits, sont pourtant d'une grande force, très âpres, bien près d'être bouleversants. Sur scène, elle «déchirait» ! Une vraie panthère en cuir noir, une punkette électrique, radicale. Pourquoi doit-on mourir ?
Je dois aussi vous transmettre les compliments d'un lecteur de ce blog, rencontré un peu par hasard cet après-midi. Cette personne, qui, m'a-t-elle confié, venait régulièrement nous lire sans «laisser de trace», m'a dit le plus grand bien de l'ensemble des intervenants de ce blogue. Il s'est déclaré très sensible à la qualité et à la diversité des personnalités qui s'expriment ici. Chose amusante : il connaissait pratiquement tous les noms des auteurs et leurs articles, ainsi que la teneur de nos échanges. En outre, il m'a affirmé qu'il s'était rendu chez Jérôme, chez Tanya et chez quelques autres, qui tiennent un blogue. Bien sûr, il connaît et apprécie Causeur. Il a parlé d'un «réseau intelligent». Je dois reconnaître qu'il m'a dit beaucoup de bien des photographies…
Cher Patrick, je n'ai pas oublié bien sûr votre Aliocha.
Sinon pourquoi mourir... à 45 ans, autrement dit dans la fleur de l'âge. Mais votre panthère russe toute de cuir vêtue nous en donne les clés dans son "mi paliétim", nous nous envolerons...
Je suis allée voir par pur acquis de conscience et uniquement pour vous faire plaisir le blog de monsieur Goux dont j'ignorais tout, et cet article sur Ferrat que vous citiez... Je crois (je crois) qu'il s'agit d'un pénible second degré, voire secondaire, servi par une langue fort laborieuse. Je ne sais pas s'il est réactionnaire, terriblement lourd indéniablement. De ceux à qui on délivrerait sur sa simple bonne mine un titre de séjour indéfini chez Ilys.
Puisque ce Goût n'est pas à votre goût, nous n'y prendrons point goût !
Hier, rencontre lumineuse ! J'ai des preuves ; je les présenterai !
Note : le Consul en personne m'a accordé un visa pour le Monde d'avant : je ne me sens plus d'aise !
Visa, carte de séjour, table ouverte chez nous, suite royale pour que vous puissiez à votre aise y forer des tunnels, plus deux ou trois autres spécialités locales dont nous reparlerons à l'occasion !
Salutari de la principesa
Pour les piétons de Paris et d'ailleurs,
une de mes préférées, Aragon encore.
Ah Joël merci ! Celle-là, je l'avais oubliée. Elle m'était sortie de la mémoire. Quel texte, quelle interprétation ! Ferrat me paraît encore dans une belle forme. On retrouve sa diction parfaite, et cette manière d'appuyer certains sons, de monter et de descendre, avec une conviction tendre.
En outre le blogue vers lequel vous nous dirigez pour entendre ce chef-d'œuvre m'a paru très fréquentable. Son «inventeur» écrit : «Autant dire qu'aujourd'hui, c'est dur de rire avec des gueux, des pleutres, et des électeurs d'Europe Écologie.». Voilà une déclaration qui signale un esprit estimable !
À propos des écologistes, je reconnais à l'irritante cheftaine qui les dirige, une seule utilité : grâce à elle, nous voilà débarrassés, définitivement je le crois, de l'épouvantable Voynet, tout au moins comme candidate à la présidentielle. La Voynet, avec son allure de jument poulinière et ses petites satisfactions, aura accentué mon désespoir d'être le contemporain du mouvement écologiste.
«Autant dire qu'aujourd'hui, c'est dur de rire avec des gueux, des pleutres, et des électeurs d'Europe Écologie.». Voilà une déclaration qui signale un esprit estimable !
Levons donc nos verres en l'honneur du Major Boucharov, estimé commentateur de mon misérable blog, et en l'occurrence auteur de cette brillante sentence.
M'autorisez-vous Patrick, exceptionnellement, à faire ici la promotion d'un blog ami, celui de deux médecins, qui sont aussi écrivains et qui viennent de publier leur second ouvrage, le premier avait inspiré Téchiné pour le film "les Témoins" (que je n'ai pas vu) j'avais beaucoup aimé le roman. Ils seront présents pour la première fois au Salon du Livre porte de Versailles à la fin du mois.
J'espère que, comme moi, vous apprécierez leur blog, c'est ici
http://lesyndromedelazare.blog.fr/
Dans le cas contraire, vous pouvez bien sûr ne pas publier ce message.
Je précise qu'ils ne savent rien de ma démarche, un peu maladroite, j'en conviens. Quoiqu'il en soit, merci.
Joël, pardonnez-moi ! Comme j'ai modifié un peu ma présentation, j'ai inscrit votre blogue dans ma liste du Gotha (Les adresses très fréquentables), sur la page d'ouverture de Tous les garçons.
Cheveux d'encre, vous êtes ici chez vous : vos amis se retrouvent donc dans le Gotha ! Et puis, Phébus, quel grand éditeur !
Merci, Ô, cher Patrick ! Cela fait plusieurs années que je fréquente ce blog, je m'y suis attachée ! Avec le vôtre maintenant, j'ai deux "chouchous" et réunis ici, je suis comblée.
Comme j'ai modifié un peu ma présentation, j'ai inscrit votre blogue dans ma liste du Gotha (Les adresses très fréquentables), sur la page d'ouverture de Tous les garçons.
Fier comme tout, je serai. En remerciement, Aragon - Ferrat par Leprest, parlant de Desnos (on commence peut-être à sursaturer la référence !) :
http://www.strimoo.com/video/11785492/Allain-Leprest-Robert-le-diable-Dailymotion.html
Juste pour le plaisir, on peut finir par l'original ?
je pense à toi Desnos
La minuscule cellule où il est mort à Theresienstadt est entièrement couverte d'un immense drapeau français. Un petit ilôt symboliquement ofert à la France dans un océan de désolation infinie.
Pour celui qui a écrit
"J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère? J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être."
Joël; Leprest, il faudra que je lui consacre un espace entier. Nadia, cette chanson n'a jamais cessé de m'accompagner.
La mort de Ferrat, décidément, signale quelque chose, la fin d'un monde. Ferrat, et d'autres, nous ont «disposés» à la poésie.
Nadia,
une belle photo de son inspiratrice par Man Ray, et même une chanson - fameuse :
http://www.desnos.udenap.org/pages/yvonne_george.htm
Où avais-je la tête? Cela fait un petit moment que je voulais vous féliciter pour votre sens inné de la composition,servi par un oeil perçant.Mon conseil,en tout bien tout honneur: placez le diaphragme en mode manuel,vous m'en direz des nouvelles.Meilleurs sentiments.
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