lundi 16 novembre 2009

Les témoins de Marcel

Vous connaissez sans doute cette «recherche du temps passé» à laquelle s'était livré Roger Stéphane, en compagnie de Gérard Herzog, pour la défunte ORTF, en 1962. Stéphane, fervent admirateur de Marcel Proust (ainsi que de Malraux et de Gide), avait retrouvé les grands témoins de sa vie. Parmi ceux-ci, Céleste Albaret, sa gouvernante, et Paul Morand, son ami intime.

Céleste Albaret :


Proust 3


Puis Paul Morand :


Proust 4


Ce portrait-souvenir de Roger Stéphane, patient travail d'un homme qui aimait admirer et ne craignait pas de témoigner sa reconnaissance, fut rediffusé par Arte, voici quelques années. Il me semble qu'on ne trouve plus ce document dans le commerce.
La conversation de Roger Stéphane était un enchantement d'intelligence et de sentiment ; co-fondateur, avec Gilles Martinet et Claude Bourdet, de L'Observateur, point encore Nouvel Obs, dont il s'était rapidement éloigné, gaulliste très indépendant, il avait connu tout le monde et ne parlait avec plaisir que de ceux qu'il aimait ou respectait. Engagé dans la Résistance, il prit d'assaut l'Hôtel de Ville de Paris, en août 1944. Homosexuel tranquille, il connut le grand amour dans la personne d'un jeune normalien, Jean-Jacques Rinieri, qui devait décéder des suites d'un accident d'automobile. Il a rapporté, dans un récit troublant, l'inguérissable et universel chagrin que nous fait éprouver la disparition d'un être qui nous était indispensable et demeurera irremplaçable (Parce que c'était lui). On lira avec grand plaisir ses mémoires, «Tout est bien», publiées par Daniel Rondeau au Quai Voltaire (1984 ; difficile à trouver, hélas !). Se sachant malade, il se suicida, dans son modeste appartement parisien du VIIe arrondissement, en 1994. Sa Céleste à lui, une femme remarquable, se chargea de placer son chien Olaf dans une bonne maison
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Documents : Roger Stéphane (droits réservés)
Portrait de l'aventurier : Thomas Edward Lawrence, André Malraux, Ernst Von Salomon, préface de Jean-Paul Sartre. Coll. Les cahiers rouges, Grasset. «
«Parce que c'était lui»
, éd. de poche, H&O éditeur, 4.66 euros par le site alapage.com, livraison gratuite)

1 commentaire:

nadia a dit…

Cher Patrick, quelle merveille ce témoignage de Paul Morand où l'on retrouve toute sa verve incisive et ce style brillant unique. La description de Proust est savoureuse (le menton comme une croute de fromage !!), ironique mais tendre, nous n'ignorons plus rien de son appartement et que dire des gens de maison qui bénéficiaient de sa générosité. Vous savez que sa femme était roumaine, mais étrangemment je ne lui trouve aucun accent. Son ami Bibesco de même bien sûr.
Morand est notre grand ancien, attaché commercial à Londres, mon immense regret est de ne pas savoir où se trouvait son bureau. Tout l'intérieur du batiment a été remanié dans les années 60 et j'ai peur qu'un architecte ignorant de la littérature l'ait fait disparaître. Mille mercis.