mercredi 2 février 2011

Entre chronique provinciale et mélancolie balnéaire

Des paysages, des silhouettes : voici un coin de France joliment « croqué » par Corinne, notre Belle Bourguignonne.











La femme de l'agriculteur, parisienne, s'ennuie, mais lui ne veut pas quitter sa campagne et ses vaches. Issu d'une grande famille de propriétaires terriens -presque tous les champs alentour leur appartiennent- très mince, la cinquantaine énergique, le regard vif, il est passionné d'Histoire. Mais quand trouve-t-il le temps de lire ? Tous les jours levé à 5 heures et couché vers minuit, hiver comme été !
Il y avait aussi dans le village Le Pélican, un type incroyable, qui promenait son goitre énorme sur sa mobylette, que l'on croisait allant ou revenant du bistrot, plus ou moins rouge selon… Et Guiguitte, le palefrenier, qui vivait dans sa cabane faite de bric et de broc ; il était bien là qu'il disait, avec ses souvenirs de voyages, ceux de sa jeunesse, enfin un, au Mexique, et son rêve d'y retourner, qui allumait au fond de ses yeux une petite lumière, quand il vous en parlait… Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Voilà un moment que je ne les ai pas revus.
Et il y a les "expatriés", comme moi.. Somme toute assez nombreux par ici, même si le Nord ne me manque pas réellement.








Comme le disait justement le serveur, nostalgique de sa région natale : « C'est bien, ici, mais ce qui nous manque, c'est la mer. ». Pourtant, l'été, parfois, quand le vent fait onduler en vagues d'or le blé mûr sur la colline d'en face, on s'y croirait.
Contre toute attente et avec un peu d'imagination, on peut donc jouir dans l'enclave.

Texte, photographies, choix (judicieux) de la chanson : Corinne


28 commentaires:

Tanya a dit…

Comme c'est beau, Corinne!

Patrick Mandon a dit…

Et tout cela, dearest Lady T,« is made in France by Corinne ».

Corinne a dit…

Oui, chère lady T, il y a de très jolis paysages par ici. Et Patrick sait si bien valoriser les choses !

Patrick Mandon a dit…

Corinne, soyez remerciée pour cette sorte d'instantané, tout à fait dans votre manière. Cette idée me plaît, nous devrions la reproduire.
Bravo, BB !

Euréka a dit…

Pour tous et plus particulièrement pour Corinne

Il est 7 heures du matin. Un rayon de soleil traverse la jalousie et vient me chatouiller le bout du nez. Cela me réveille doucement. Il flotte dans l’air une odeur de croissant et de pain au chocolat. On est donc samedi ou dimanche (seuls jours où le pâtissier du village faisait des viennoiseries). Brusquement, je réalise on est samedi et il y a le marché à Toucy.

Vite ! Vite ! Avalons le café ; Vite ! Vite ! La douche. Il ne faut pas être en retard. En plus ce jour-là c’est le « beau marché » avec les maquignons qui vendent leurs chevaux, d’autres leurs vaches.

Toucy ! Les rues grouillent de gens pressés (il y en a toujours hélas) , de flâneurs, de touristes et d’enfants(on n’a pas l’habitude de voir des poussins, des lapins dans les rues). Il flotte sur la ville un air de fête. La marchande de cerise est là. On va pouvoir se régaler au dessert. Le marchand de boudin aussi. Il le fabrique devant vous.

Allez au marché, c’est un retour vers l’enfance. Pour rien au monde je ne raterais le marché. C’est un moment magique où le temps semble s’arrêter. On se bouscule mais gentiment sans râler (pour une fois). On croise les gens des hameaux qu’on ne voit plus beaucoup depuis la fermeture de l’épicier, on prend son temps (sauf les rares pressés). En fait, on retrouve la vie de village. Celle qu’on aimerait retrouver à la ville mais qui n’existe qu’en de très rares endroits (j’en connais certains mais ce n’est pas le sujet du jour).

J’ai hâte d’y retourner. Cela fait longtemps, trop longtemps que je n’ai pas retrouvé cette atmosphère si particulière du marché du samedi matin à Toucy

Euréka a dit…

La photo me fait penser à la vue que l'on a dans la descente des virages d'Aillant sur Tholon mais peut-être est-ce un autre endroit.

Corinne a dit…

Un charmant cadeau, merci Eurêka, je retrouve parfaitement l'atmosphère joyeuse et chaleureuse du marché du samedi matin !
Il est vrai que ce marché attire beaucoup de monde, pas seulement les autochtones. C'est le marché le plus "mondain" de l'Yonne, on y fait toujours des rencontres et des retrouvailles :-). Il a su garder un peu de son authenticité, et aussi exploiter quelque peu la manne touristique ! En tout cas il reste très pittoresque.
La photo si je me souviens bien a dû être prise du côté de Parly, ou Diges..
A bientôt j'espère, pour un café-croissants à Toucy un samedi matin pourquoi pas ?

Patrick Mandon a dit…

Ah, Eurékà, joli moment que ce « retour à l'enfance » !
Cela me fait penser à un certain "Club des cinq”…

Eureka a dit…

Oups, le Club des cinq est bien loin de mes préoccupations du moment. Mais les photos de Corinne ont ravivé des souvenir très agréables.

A Corinne : Pourqoui pas ?

Emilie a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Emilie a dit…

Merci Corinne de nous avoir offert ce beau texte, ces belles photos ! J'espère que vous nous en donnerez d'autres bientôt ! Je vous embrasse et salue tous les nomades ici présents !!!!

Corinne a dit…

Merci Emilie ! Mais c'est à votre tour maintenant !
Bises

Patrick Mandon a dit…

C'est au tour d'Émilie, en effet, mais elle est sans doute très occupée…
Chère Corinne, je vous remercie du très joli cadeau que vous nous avez fait.

Corinne a dit…

Très occupée ? Trop pour nous laisser quelques mots ? Je ne peux y croire !! Emilie ! Un petit effort ! Et si vous nous racontiez vos expériences aériennes ? Vu d'en haut, tout est plus beau non ? Allez, Emilie !

Anonyme a dit…

Ma chère Corinne, la Puisaye, c'est la terre de Colette, non ? Je me souviens de savoureuses descriptions forestières dans les Claudine qui ont rythmé ma pré-adolescence de leur musique sauvageonne et faussement naïve. Comme elle aimait sa terre... Montigny, n'est-ce pas ?
Votre texte m'y replonge. Merci à vous.

Corinne a dit…

Oui, Chère Nadia, c'est bien le pays de Colette née à St Sauveur en Puisaye. Je me souviens des Claudine télévisées avec Marie-Hélène Breillat dans le rôle, superbe. Nul doute que Claudine ait grandement contribué à l'éveil sensuel des jeunes filles !
J'ai trouvé ce petit extrait qui dit tout son attachement charnel à sa terre natale..
"Mon bouquet de Puisaye, c’est du jonc grainé, de grands butomes à fleurs roses plantés tout droits dans l’eau sur leur reflet inversé; l’alise et la corme et le nèfle, roussottes que le soleil ne mûrit pas mais que novembre attendrit ; c’est la châtaigne d’eau à quatre cornes, sa farine à goût de lentille et de tanche; c'est la bruyère rouge, rose et blanche, qui croît dans une terre aussi légère que la cendre du bouleau. C'est la massette du marais à fourrure de ragondin et, pour lier le tout, la couleuvre qui traverse à la nage les étangs, son petit menton au ras de l'eau. Ni pied, ni main, ni bourrasque n'ont détruit en moi le fertile marécage natal, réparti autour des étangs. Sa moisson de hauts roseaux, fauchés chaque année, ne séchait jamais tout à fait avant qu'on la tressât grossièrement en tapis. Ma chambre d'adolescente n'avait pas, sur son froid carreau rouge, d'autre confort, d'autre parfum que cette natte de roseaux. Verte odeur paludéenne, fièvre des étangs admise à nos foyers comme une douce bête à l'haleine sauvage, je vous tiens embrassée encore, entre ma couche et ma joue, et vous respirez en même temps que moi.
(Mes Apprentissages)

JMT a dit…

Loin du triste fracas du monde, loin des polémiques stériles et lénifiantes du quotidien, nous voici transportés là, sur cette bonne terre, celle que nous avons parfois tendance à oublier simplement parce qu’elle est là, toujours fidèle et frémissante. Nous marchons sur les morts sans état d’âme, nous n’osons croiser les regards de peur de nous y perdre.
La Bourgogne, celle du nord, l’été, de 2 à 4 h lorsque le soleil tape, les volets sont clos pour tenter de préserver un peu de fraîcheur dans les maisons ; les rues désertées, on ne s’étonnerait pas qu’une Traction noire, une 11 légère tiens, avec ses roues jaunes, apparaisse au coin de la rue en soulevant un nuage de poussière blanche.
Le temps semble arrêté. On reconnaît tous un Pélican, même un Jonathan ou un Guiguitte. On reconnaît les ciels, ils ressemblent tant à ceux des plaines du Nord, certains fous les appellent des ciels à la Magritte. On ne les trouve que là. On se surprend à rêver s’asseoir dessus pour admirer les crolles des épis de seigle, d’orge ou de blé quand un souffle chaud les caresse.
De là, l’on y remercie Corinne de nous prêter avec tant de spontanéité et de gentillesse ses mots graves, dont on jouit sans entrave dans l’enclave.


Ps : désolé d’arriver si tard. J’étais absent depuis quelques jours.

Patrick Mandon a dit…

Ah, le beau moment que nous avons vécu, grâce à Corinne et à tous ceux qui ont commenté son texte ! La vie simple et légère, la formation d'un paysage, son évocation, sa contemplation… Cette course brève, notre vie, a placé ici et là d'«éblouissants repères».

JMT a dit…

Corinne cite dans Colette "Verte odeur paludéenne", ce qui me fait immédiatement penser à "Paludes", une sotie de Gide à lire toute affaire cessante, si ce n'est fait. Quel grand écrivain a dit : "mon seul regret ? Ne pas avoir écrit Paludes" ? Je ne le sais plus.


Back to Colette dont on trouvera sur nuage une courte et délicieusement érotique nouvelle que j'ai recopiée en son temps, "Nuit blanche" :
http://nuageneuf.over-blog.com/article-colette-nuit-blanche-63552788.html

JMT a dit…

Cher Patrick,
Je viens de découvrir votre travail captivant sur l'Hôtel de la Marine. Quel travail ! Merci de nous faire partager une telle somme de détails tous plus passionnants les uns que les autres.
(puis J'ai vite abandonné de lire les "commentaires" pour me concentrer sur le vôtre.)

Anonyme a dit…

Erreur fatale, cher Jean-Michel, j'avais très pertinement commenté l'hôtel de la Marine en réintroduisant Saint Just dans la place ! Sinon, vous n'avez sans doute pas manqué grand chose et je ne vous en veux pas une seconde.
Je pars lire Colette chez vous, même si je ne la trouve jamais plus délicieuse que dans ses descriptions de sous-bois ou de chats.

Patrick Mandon a dit…

Cher JMT, quant à moi, je viens de lire votre réaction, vive, à l'article de la jeune (et charmante) Marchandier, chez Causeur. Hélas, je n'ai vu qu'un bref extrait de ce téléfilm ! Mais, par avance, j'approuve le travail de Nina Campaneez, qui, par son travail antérieur, a démontré toutes les qualités nécessaires à l'accomplissement d'une tâche aussi rude. En revanche, dans ce que j'ai vu, je n'ai aimé ni l'apparence ni le jeu du narrateur. Si l'on a voulu incarner Marcel Proust dans ce mollasson, on s'est trompé : le petit Marcel, si j'en crois les témoins, n'était pas effacé, mais émerveillé, très attentif, curieux des êtres. Quoi qu'il en soit, et au-delà des critiques de surface, Nina Campaneez nous devait cette adaptation ; et la télévision française peut être fière de l'avoir produite et programmée.
Note : la belle Nina connaît admirablement la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, si essentielle au développement ultérieur de l'« oreille » mondiale (demandez à OCT ce qu'il en pense).

JMT a dit…

Chère Nadia, je vous détrompe avec empressement ! J'ai lu vos interventions, bien entendu ; je suis désolé d'avoir omis de le mentionner.
Cher Patrick, je sais bien que je n'ai que peu de talent pour réagir pertinemment aux propos outranciers et finalement si faciles et convenus de la jeune et jolie Merchandier (il lui sera dès lors beaucoup pardonné !). Ma petite fille a douze ans. Elle a vu le téléfilm. Tout le week-end, nous en avons parlé. Elle a posé les bonnes questions. J'ai tenté quelques réponses appropriées, du moins l'espéré-je. Nous sommes allés acheter "Du côté". Elle le lira au compte-goutte, sommes-nous convenus. Pouvait-on rêver mieux ?

Je suis bien désolé, cher Patrick, que vous n'ayez vu ce téléfilm. Les images en extérieur, des Manet. Je suis sérieux. Le jeu des acteurs, les costumes, le choix des châteaux et hôtels particuliers, la voix du "narrateur" (ne dites pas que c'est Proust, Melle Marchandier va vous faire raccourcir, je suppose !), bref, tout était réussi. On peut le voir sur pluzz.fr.

Quant à l'interprète d'Albertine, je dois avouer ici, entre nous et en secret (hi!), qu'elle a réveillé un souvenir heureux totalement enfoui : à sa vue, en un instant, j'ai retrouvé l'odeur d'une peau, son satiné, la douceur d'un corps, l'humidité des yeux, la chaleur d'un embrassement, bon j'arrête là...

Oui, Madame Campanéez a fait un magnifique travail de vulgarisation, avec prudence mais détermination, accessible à tous et c'est pour cela que je la remercie.

ps pour la question musicale, je transmets à OCT, l'homme du monde. (= vit plus en avion que sur terre, comme son père autrefois...Chacun son tour)

Patrick Mandon a dit…

JMT : « Quant à l'interprète d'Albertine, je dois avouer ici, entre nous et en secret (hi!), qu'elle a réveillé un souvenir heureux totalement enfoui : à sa vue, en un instant, j'ai retrouvé l'odeur d'une peau, son satiné, la douceur d'un corps, l'humidité des yeux, la chaleur d'un embrassement […] »
Se prénommait-elle Madeleine ?
Cela dit, je ne suis pas étonné de ce phénomène de réminiscence : Nina Campaneez est une sensuelle, une baudelairienne ; elle sait que l'essentiel passe par le regard, par le toucher, par les propriétés immatérielles de notre être. Tout, ici-bas, est affaire de secret partagé, de frôlement des consciences comme des peaux.

Corinne a dit…

La "verte odeur paludéenne" m'a aussi interpelée, cher Jean-Michel, mais je ne connais pas les Paludes de Gide. C'est là tout le talent de l'écrivain que de nous faire aimer jusqu'aux effluves des marécages !

Patrick, "Tout, ici-bas, est affaire de secret partagé, de frôlement des consciences comme des peaux".. Je vais passer pour une précieuse ridicule mais c'est magnifique ! Il faudrait graver cette phrase aux portes de l'Enfer comme à celles du Paradis.

Vous avez tous été adorables et ô combien indulgents avec ce tout petit texte sans prétention. Merci.

Anonyme a dit…

Cher Jean-Michel, vos "bref passons" sont en bonne voie pour égaler dans mon panthéon personnel le diabolique "ce n'est pas ma faute" de Valmont !
Vos photos sont magnifiquement paisibles et déméteriennes ma chère Corinne, j'avais omis de vous le dire.

JMT a dit…

Cher Patrick, je viens de recevoir votre article. Où souhaitez-vous que nous en parlions ? Préférez-vous attendre sa publication sur Causeur ? Merci de me dire.

Patrick Mandon a dit…

Cher JM, nous pouvons nous parler dès maintenant, par courriel ou par téléphone (je vous transmettrai mon numéro). Et nous pourrons aussi associer Tous les garçons, dès que chacun aura pris connaissance de l'article. Il m'est impossible de le placer ici, tant qu'il n'a pas été proposé par Causeur, vous en comprendrez aisément les raisons.