vendredi 31 décembre 2010

Les «avœux»



À l'intention de celles et ceux qui viennent, qui seulement passent, s'attardent, ne font que d'épisodiques stations ici, je forme des vœux de moments intenses, d'étreintes canailles dans l'ombre des portes-cochères, de contacts électriques avec la fourrure des chats, de valses lentes sous les lampadaires, de pas pressés sous les rafales de pluie, d'efforts vains et toujours recommencés. Et, bien sûr, pour tous ceux qui vous sont chers, le bonheur de les réunir souvent autour de vous.

vendredi 24 décembre 2010

Crétins et chrétiens

Une communauté d'élite, diplômée, lettrée, savante, est devenue la cible des terroristes : les chrétiens d'Irak. Ils doivent se préserver, se terrer, fuir : les accueillerons-nous avec l'affection, le respect, la considération qu'ils nous démontrèrent toujours, chez eux ?
Les chrétiens d'Irak sont victimes d'eux-mêmes, sans doute, des musulmans, assurément, et de George Bush, très certainement. Je conchie M. Bush, prédateur de petit bassin, devenu bourreau des chrétiens d'Irak, mes frères admirables d'Orient !
En ce jour de Noël, j'ai une pensée particulière pour les arabes chrétiens, pour les chrétiens de Kabylie, pour les maghrébins chrétiens, pour les Coptes d'Égypte.
La Commission européenne a fait imprimer, à trois millions d’exemplaires, un agenda destiné aux écoles secondaires. Il mentionne les fêtes juives, –nous nous en réjouissons–, hindoues –nous en sommes heureux–, sikhs –cela nous satisfait–, et musulmanes –quelle plaisante initiative ! On cherchera en vain, dans cet agenda «européen», une fête chrétienne ! La commission européenne vient simplement d'effacer une partie constitutive de sa mémoire.
Les députés européens ont toujours été des idiots inutiles ; ils viennent de démontrer qu'ils pouvaient être également des salauds. Et ils me forcent, ces incapables surpayés, saturés de mauvais cholestérol, satisfaits, incarnant tout ce que je détestais, enfant puis adolescent, et que je persiste à mépriser, ils me forcent, donc, ces législateurs arrogants et vains, à prendre le ton de gravité des imbéciles.
Voilà où nous en sommes. Je sens que je vais me faire baptiser une seconde fois…
Vous toutes et vous tous qui passez ici, et qui donnez à ce lieu l'essentiel de sa grâce, je vous espère heureux parmi les vôtres et auprès de ceux que vous aimez.


mercredi 22 décembre 2010

Bernardine…




[…]
«Voir le pays du matin calme
Aller pêcher au cormoran
Et m'enivrer de vin de palme
En écoutant chanter le vent»
[…]

Avec Henri Salvador, qui chantait «dans le souffle», je voudrais saluer l'auteur de ce texte émerveillé : Bernard Dimey,ivre de vin et de rimes, poète délicat, gros homme jovial et perdu, qui hantait les rues de Paris, cherchant quelque chose ou quelqu'un, mais ne le trouvant pas…
(Une chanson de Dimey, c'est une bernardine.)

lundi 20 décembre 2010

J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes… (3)



[…]
Et les villes du Nord répondirent gaiement

Ô Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cités où dégoisent et chantent
Les métalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminées à ciel ouvert engrossent les nuées
Comme fit autrefois l'Ixion mécanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Où les ouvriers nus semblables à nos doigts
Fabriquent du réel à tant par heure
Nous te donnons tout cela
[…]

Actions belles journées sommeils terribles
Végétation Accouplements musiques éternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas désaltéré

Mais je connus dès lors quelle saveur a l'univers

Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers
Sur le quai d'où je voyais l'onde couler et dormir les bélandres

Écoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s'il me plaît l'univers

Écoutez mes chants d'universelle ivrognerie

Et la nuit de septembre s'achevait lentement
Les feux rouges des ponts s'éteignaient dans la Seine
Les étoiles mouraient le jour naissait à peine


Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire ((1880-1918), Vendémiaire (extrait), tiré de Alcools (1913)

(Je ne parviens pas à m'arracher à l'attraction qu'exerce sur moi le phénomène qui surgit des vers de Guillaume. Voyez les images de Metropolis : von Harbou et Lang ont suscité des formes qui ne cessèrent d'inspirer le cinématographe. Mais, à l'origine, il y avait la poésie et la littérature.)

vendredi 17 décembre 2010

J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes… (2)

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Ce n'est que par la postérité que Metropolis fut enfin considéré. En Allemagne, en Europe (à l'exception des milieux artistes et intellectuels français), puis en Amérique, on ne l'aima guère. Pour les studios de la UFA, qui y avaient engagé une fortune, ce fut une déroute commerciale. Film muet à gros budget, sa distribution coïncida presque avec l'avènement du cinéma parlant.
On dit que c'est lors d'un voyage en Amérique du Nord que Fritz Lang (1890-1976), devant le spectacle des villes gigantesques, fortement illuminées, formant ainsi des nuits électriques, imagina les premières scènes de son film. Nous pensons, pour notre part, que Jules Vernes est l'une de ses sources d'inspiration.
Quoi qu'il en soit, on doit le scénario de Metropolis à Thea von Harbou (1888-1954), une femme exceptionnelle, un caractère, qui écrivit d'abord la nouvelle au titre éponyme, puis le scénario du film, avec son mari, Fritz Lang. Le nom de Thea von Harbou est indissociable du cinématographe allemand, entre les deux guerres.
Ils se séparèrent ; Fritz Lang, infidèle et fuyant les nazis, Théa s'en rapprochant… dangereusement.
Le destin contrarié (contrariant) de Thea, est celui d'une femme allemande, née prussienne, possédant tous les dons et l'éducation qui permet de les exploiter, ardente, libre comme on ne l'est plus, offerte à toutes les idées, même les plus folles, même les plus dangereuses.
Mais voici la suite : Thea se consola des infidélités de Fritz dans les bras d'un amant magnifique (voir photographie ci-dessous), d'origine indienne, nommé Ayi Tendulkar (?-1975). Ce dernier était venu en Allemagne afin d'y achever un doctorat en statistiques. Sur les conseils de Thea, qui prévoyait la fin prochaine de la domination anglaise sur l'Inde, il entreprit également des études d'ingénieur en mécanique, se préparant ainsi à servir son pays.



Thea von Arbou et Ayi Tendulkar, vers 1936


De retour en Inde à la fin de 1938, il y commença une grande carrière, comme l'avait prévu Thea. Il se lia d'amitié avec Gandhi, qui fut témoin à son mariage. Sa fille, Laxmi Dhaul, écrivain, a témoigné de l'attachement de son père pour Thea, et du souvenir qu'il gardait de sa générosité. Après la guerre, Thea von Harbou paya les conséquence, logiques, de sa compromission auprès des nazis. Et puis, elle mourut, car, à la fin, on meurt.









Metropolis
Allemagne, 1927
Mis en scène par Fritz Lang : images de Karl Freund et Günther Rittau
Scénario : Fritz Lang et Thea von Harbou, d'après la nouvelle de Thea von Harbou «Metropolis»
Avec Brigitte Helm, Alfred Abel, Gustave Froehlich, Rudolf Klein-Rogge, Fritz Rasp, Theodor Loos

Ceux qui ne l'ont pas encore vu, seront vraiment étonnés par la maîtrise de la mise en scène, par l'inquiétante imagination qui déploie sa fantaisie.

mercredi 15 décembre 2010

J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes…




La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d'or
Était composée de deux panneaux
S'attachant sur l'épaule

Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France

Elle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nus

N'entendra-t-on jamais sonner minuit

La dame en robe d'ottoman violine
Et en tunique brodée d'or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d'or
Et traînait ses petits souliers à boucles

Elle était si belle
Que tu n'aurais pas osé l'aimer

J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume

Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur

Guillaume Apollinaire, 1909, poème extrait de Alcools




Photographies : Metropolis, film de Fritz Lang, 1927
















mardi 14 décembre 2010

Montand d'un autre temps

Piaf lui fit abandonner ses chansons de cow boy, elle le «déniaisa», scéniquement parlant. Il était doué, il comprit la leçon et devint rapidement un grand interprète. Au cinéma, ce fut plus lent ; longtemps, il joua faux, emprunté, appliqué, puis il trouva son équilibre et des rôles adéquats.
Aujourd'hui, il est au purgatoire des artistes, on le néglige, on l'oublie. Pourtant, il avait une présence et une science de la scène exceptionnelles.
La chanson est de Francis Lemarque.


dimanche 12 décembre 2010

L'autre…

L'autre, elle a le temps de se manucurer, de s'arroser de parfum français, de se rendre désirable ; elle ne s'occupe pas des enfants, elle, l'autre femme…
Deux versions, grandioses :



La mémoire qui flanche

http://www.musicme.com/Patachou/albums/Les-Feuilles-Mortes-autumn-Leaves-5099750534625.html?play=21

La chanson Il n'y a pas si longtemps, est de Danyel Gérard, qui la chante, mais elle est beaucoup mieux interprétée par Patachou, qui rendrait harmonieux un horaire de ligne aérienne.
Pour le reste, eh bien, mon Dieu, il s'agit d'une ritournelle sentimentale ! La tragédie ordinaire des amours mortes.

La guerre des sexes

Pas mal !






















Pas mieux !



















Photographies PM

mercredi 8 décembre 2010

Quelqu'un qui nous ressemble…

http://www.musicme.com/Felix-Leclerc/albums/Felix-Leclerc-0731454291521.html?play=18
(Le titre de cette simple splendeur, crépusculaire, est Ailleurs, de Félix Leclerc)

Lennon incest

De passage


























Photographies PM

dimanche 5 décembre 2010

«L'ardente obligation du plan»
















































































Lost in translation ?

Rexiste




























































Dans les années soixante-dix, on décréta que les grandes salles de cinéma avaient fait leur temps. On les détruisit donc (tel le superbe Gaumont-Palace, place de Clichy).
Heureusement, le Grand Rex, boulevard Poissonnière, à Paris, fut épargné. Il a même prospéré. On y donne des spectacles, des récitals et, bien sûr, on y projette des films sous sa voûte étoilée. En 2009, sa façade a reçu le renfort d'un éclairage proprement hollywoodien.
Photographies PM

Le Printemps en hiver
































On dira que tout cela n'est qu'illusion, n'est-ce pas ? Que ce n'est qu'une des nombreuses manipulations du commerce, au moment de Noël, pour éblouir, aveugler les citoyens, les précipiter dans la folle course marchande… On aura sans doute raison. Il n'empêche : enfant, je défilais, émerveillé, devant les vitrines du Printemps et des Galeries Lafayette. Les purs et durs trouvent cela odieux, insultant pour les plus pauvres d'entre nous. Les petits marquis à talons rouges se moquent de cette manifestation électrique, qu'ils jugent kitsch.
Quant à moi, je m'en émerveille encore.
Photographies PM

La ville d'Ève
























Muhammed IV, sultan du Maroc (1859-1873), rendu curieux par les récits que lui faisaient les voyageurs sur la France et sur sa capitale, dépêcha, en 1860, un jeune lettré, fort bien de sa personne, du nom de Idriss al' Amraoui.
La surprise de l'émissaire est totale, ses déconvenues nombreuses. Il s'émerveille de notre chemin de fer, de nombre de nos paysages, s'étonne de n'y voir nul campement de nomades, trouve les français très laids, à l'exception d'un habitant d'Auxerre «[…] jeune homme de belle apparence […], le cheveux et les yeux noirs ; sa physionomie respirait l'agrément et l'amabilité, et l'on eût dit un Arabe.». À Paris, sous la conduite des diplomates, il visite l'imprimerie et la bibliothèque nationales, quelques théâtres, les Invalides, et le château de Versailles.
Or, si le distingué émissaire du Sultan s'enflamme pour le progrès technique, il se navre de la condition des chevaux (maltraités par des cochers brutaux, capables de tuer leur bête tombée sur la chaussée à coups de bâton !), et, surtout, s'effraie du comportement des femmes, qui jouissent d'une liberté insupportable à ses yeux.
Le récit de son voyage en France a été publié pour la première fois en 1909, sous le titre, emprunté à un passage d'un livre fameux dans le monde arabe, écrit par l'égyptien Tahtâwi : Le paradis des femmes et l'enfer des chevaux

Photographie PM

samedi 4 décembre 2010

J'ai péché encore une fois !

Déjà vu et entendu ici, mais qui se lasserait de cet enchantement ?

Par David Gilmour, qui lui apporte une étonnante précision, soutenue par son petit orchestre pop, à la fois sensible et détaché (la violoncelliste est si charmante !)



Et par le ténor Roberto Alagna, avec frémissement qu'on ne trouve pas chez les autres chanteurs «sérieux» :



Et voici, une fois de plus, les paroles :

Je crois entendre encore
Caché sous les palmiers
Sa voix tendre et sonore
Comme un chant de ramiers.
O nuit enchanteresse
Divin ravissement
O souvenir charmant,
Folle ivresse, doux rêve!

Aux clartés des étoiles
Je crois encor la voir
Entr'ouvrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir.
O nuit enchanteresse
Divin ravissement
O souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve!

Charmant Souvenir!
Charmant Souvenir!

Air de Nadir, Les pécheurs de perles, musique de Georges Bizet/

L'italien absolu

«Ce qui m'ennuie c'est de ne plus être vivant, pas d'être mort
Quelques jours après cette déclaration nécessaire et suffisante, Mario Monicelli, né en 1915, gravement malade, avant de sombrer dans une lente agonie, se jeta dans le vide, le 29 novembre dernier, depuis la fenêtre de sa chambre, à l'hôpital San Giovanni, à Rome.
Il y aurait tant à dire sur cet homme prodigieux, sur le cinéma italien et l'Italie qu'il incarnait, que je me contenterai, pour aujourd'hui, d'un bref salut, plein d'admiration et de reconnaissance.

Feinte






Le sommeil ne vint pas, - mais cette douce ivresse
Qui semble être sa soeur, ou plutôt sa maîtresse;
Qui, sans fermer les yeux, ouvre l'âme à l'oubli;
Cette ivresse du coeur, si douce à la paresse
Que, lorsqu'elle vous quitte, on croit qu'on a dormi;
Pâle comme Morphée, et plus belle que lui.


Alfred de Musset, Namouna (1831, extrait)

Photographie PM

Suburbanité : le mouvement et la ligne













Photographies PM

Suburbanité : jeux de jambes






























































Photographies PM

Suburbanité : brève rencontre



Photo PM

vendredi 3 décembre 2010

Amoureusement baroque



Mais pour qui donc, pour quel(le) cruel(le), se languit, ici, Luciano Pavarotti ?


Caro mio ben,
credimi almen,
senza di te

languisce il cor,
caro mio ben,
senza di te

languisce il cor
Il tuo fedel
sospira ognor

Cessa, crudel,
tanto rigor!
Cessa, crudel,

tanto rigor,
tanto rigor!
Caro mio ben,

credimi almen,
senza di te
languisce il cor,

caro mio ben,
credimi almen,
senza di te

languisce il cor


On attribue ce moment musical délicieux au compositeur italien Giuseppe Giordani. Si d'aucuns murmurent qu'il naquit à Naples en 1751, d'autres prétendent qu'il fut arraché à l'affection des siens et aux griffes de ses créanciers en 1798. On ne sache pas que Caro mio ben soit tiré d'un opéra ; il s'agirait plutôt d'un aria, mot italien que Maurice Chevalier traduisit, autrefois, par Un p'tit air.

Les musicologues, souvent, qualifient de mineure l'œuvre de Giuseppe Giordani. En son temps, Don Giuseppe Giordaniello, ainsi qu'on l'appelait, était fameux. Goethe, de passage à Naples s'est montré peu sensible, sinon à cet air, tout au moins à l'une de ses œuvres :
«[…] Le sommet du Vésuve ne s’est pas découvert depuis que j’y suis monté. Ces dernières nuits, on l’a vu quelquefois jeter des flammes. Maintenant il est redevenu tranquille ; on s’attend à une éruption plus forte. […] La nature est le seul livre dont chaque page présente un grand sens. En revanche, le théâtre ne me fait plus aucun plaisir. On joue ici pendant le carême des opéras spirituels, qui ne se distinguent des opéras mondains que par l’absence de ballets dans les entr’actes. Au reste, ils sont aussi extravagants que possible. On joue au théâtre Saint-Charles la Destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor. C’est pour moi une grande lanterne magique : il semble que j’ai perdu le goût de ces choses.»
Johann Wolfgang von Goethe, Voyage en Suisse et en Italie, lettre du 7 mars 1787, traduction Jacques Porchat

Mais voici sans doute la plus belle interprétation de Caro mio ben, celle de Nicholas Spanos, injustement oublié dans l'engouement récent dont sont l'objet les voix de contre. L'Europe baroque s'enflamma pour les sons étranges, les variations d'ange que produisaient alors les castrats. Grâce à Dieu, si l'on ose dire, il n'est plus nécessaire à un homme de sacrifier une partie de lui-même pour conserver cette tessiture.
(Le son n'est pas excellent, bien sûr, mais auprès de qui se plaindre ?)





Et puis cette curiosité, la voix, enregistrée vers 1900, du dernier «vrai» castrat italien, Alessandro Moreschi :

mardi 30 novembre 2010

L'amour fait un tabac

Love is like a cigarette est en fait ce qu'on appelle un standard. KD Lang en a donné une belle version, que je n'ai pas trouvée (on l'entendait dans un ballet de Pina Bausch). La voici par Stanley Worth, plutôt swing et chic. En outre, j'ai l'impression que L'amour c'est comme les cigarettes, par Sylvie Vartan, n'est qu'une variation du même thème.




Par Stanley, toujours, Let's face the music and dance



… Et par le roi Nat Cole, the King, le plus beau swing au monde, de l'ouate et du rythme. Irrésistible !

Nos mères 2

Pierre avait laissé un commentaire sur le premier fil Nos mères. Il m'a semblé qu'il ferait un bref et très pertinent article sur ce même sujet. C'est à la fois délicat, viril, moqueur, ironique, avec une pointe d'humour. Il me semble que c'est très «Pierre»… et très bien.

«Alors qu'on a copieusement écrit, filmé et chanté sur le sentiment amoureux, un homme, une femme chabadabada chabadabada, et ce jusqu'à l'ivresse (ou l'écœurement, c'est selon), les livres, les films, les chansons sur l'amour filial ou sur l'amitié se comptent sur les doigts de la mains gauche de Django Reinhardt. Et c'est bien dommage, surtout quand on pense que, contrairement à l'amuuuur, ce sont des sentiments comment dirais-je ...incombustibles.»
Pierre

Je verrais bien cette chanson pour accompagner le billet de Pierre, que je remercie vivement de m'avoir accordé l'autorisation de publier son texte, avant même que j'aie eu le temps de le solliciter de cette autorisation…

lundi 29 novembre 2010

Nos mères

Déjà placé dans ce blog, mais une fois encore n'est pas une fois de trop. Nos mères nous ont portés tout entier ; en partant, elles nous emportent en partie.

samedi 27 novembre 2010

Des ombres qui valsent

Pour la valse sentimentale de Piotr, j'ai choisi ce duo ; il me semble que l'homme est Gaspar Cassadó, violoncelliste oublié mais vraiment remarquable.

À bout ferré, à bout touchant

Le fatras de Ferré, son lyrisme, ce flot indompté, cette cavalcade sentimentale, cette amicale présence de la nuit, cette marche improvisée vers l'image et l'émotion. A côté de lui, Ivry Gitlis.

vendredi 26 novembre 2010

Le tempérament du clavier

Elle est très contestée, cette interprétation du Clavier bien tempéré (Das wohltemperierte Klavier, livre 1), par Sviatoslav Richter (1915-1997), russe de sang mêlé, qui aimait la France parce que «dans ce pays, on aime la vie». Beaucoup lui reprochent son romantisme, l'abandon du sens prétendument premier de l'œuvre : ceux-là, en général, ne jurent que par Glenn Gould. Je ne fais pas partie du nombre, et pourtant, je reconnais le génie de Gould.
Mais c'est ainsi : j'aime tout de Richter, l'homme et l'artiste.


Poésie dans la langue du bourreau 2

Certes, rien de cela ne suscite la joie ni l'allégresse.
En nous, parfois, monte un flux de tristesse indéfinissable, qui semble chercher son objet. C'est mon cas aujourd'hui. Alors, il m'est apparu que Paul Celan était le nom de mon désenchantement momentané. À la suite de la belle méditation que Jean-Michel nous a offerte, et profondément affecté par l'échange qu'il eut avec Nadia (voir le fil de l'article précédent), l'image de Celan ne m'a pas quittée. Je pense à sa vie, à son «destin de langue» (écrire en allemand), à cette nuit parisienne où il erra plus longuement que d'habitude, à l'eau de la Seine, peut-être un peu plus noire que la pénombre…

Je n'aime pas les films «sentimentalistes», qui me donnent l'impression qu'ils exploitent sans vergogne le drame de la déportation des Juifs d'Europe, et qu'ils chargent les générations suivantes du poids d'un crime qu'elles n'ont pas commis. Que font les producteurs de l'argent qu'ils gagnent avec les charniers ? Combien se font payer les comédiens pour prendre des poses pathétiques ? Quel prix pour une musique sirupeuse qui viendra renforcer encore le pathos stratégique ? Bref, je n'irai pas voir La rafle, ni Elle s'appelait Sarah !

Mais alors, pourquoi, soudain, ce sentiment d'abandon, ce désarroi, cet effroi, aujourd'hui, ce «rappel à l'ordre» d'un temps de terreur pure ? Paul Celan, et les échanges entre Nadia et Jean-Michel sont la réponse.
J'ai donc cherché non pas une explication, mais un écho accordé à ma détresse. Je l'ai trouvé.
Nous ne parlerons plus de tout cela, ni de moi à travers cela : c'est peut-être, après tout, un reflet d'égotisme, une manière dissimulée de parler de ma petite personne. Car je suis un bourgeois français, un parisien, un semi-mondain détaché des contingences, un type banal sans spécialité, un homme véritablement sans qualité. Et je suis suffisamment doué dans l'exercice social, qui consiste à se débarrasser rapidement d'une morosité irrégulière.

Bref, voici, dit par Paul Celan lui-même, le poème Todesfuge



J'ai souhaité vous proposer une traduction, mais je n'en avais pas le temps, ni la capacité poétique. Je vous livre donc celle-ci, que j'ai trouvée chez un certain Miklos :

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons nous buvons
nous creusons une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle ses dogues
il siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il ordonne jouez et qu’on y danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons
une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit

Il crie creusez la Terre plus profond vous les uns et vous les autres chantez et jouez
de son ceinturon il tire le fer il le brandit ses yeux sont bleus
plus profond les bêches dans la terre vous les uns et vous les autres jouez jouez pour qu’on y danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete

Il crie jouez doucement la mort la mort est un maître venu d’Allemagne
il crie assombrissez les accents de violons
alors vous montez en fumée dans les airs
alors vous avez une tombe au ceux des nuages on n’y est pas couché à l’étroit

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi la mort est un maître venu d’Allemagne
nous te buvons soir et matin nous buvons nous buvons
la mort est un maître venu d’Allemagne son œil est bleu
elle te frappe d’une balle de plomb précise elle te frappe
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lance sur nous ses dogues il nous offre une tombe dans les airs
il joue avec les serpents et il songe la mort est un maître venu d’Allemagne

tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith



À propos de cette traduction, un certain Luestan Théel écrit :
«Je pense d’abord que toute traduction de la Todesfuge n’est qu’un moindre mal, nécessaire pour la faire connaître à ceux qui ne lisent pas l’allemand. Mais Paul Celan a voulu ce texte en allemand et l’allemand me paraît lui être consubstantiel.
Ceci dit cette traduction ne me satisfait pas entièrement et je regrette que son auteur ne soit pas indiqué.»
Miklos répond, à son tour : «[…] En fait, la traduction est extraite du texte d’Enzo Traverso référencé en bas du cadre, et où il est indiqué à ce propos qu’elle provient de Pavot et Mémoire de P. Celan, trad. Valérie Briet, Christian Bourgois, Paris, 1987, p. 85. Étant polyglotte moi-même, je comprends votre commentaire à propos de la consubstantialité de la langue d’origine pour ce texte (et pour tant d’autres), mais qu’en est-il alors de ceux qui ne connaissent pas cette langue, doivent-ils être exclus de l’accès à ce qu’il véhicule ?»

jeudi 25 novembre 2010

Poésie dans la langue du bourreau






















Jean-Michel Théaux est arrivé ici, un beau jour. Il est revenu. Nous aimons sa présence amicale, chaleureuse, sa fine connaissance de la poésie et des poètes, son blogue raffiné http://nuageneuf.over-blog.com/. Il nous invite à découvrir Paul Celan.

Honorer l’anniversaire de Paul Celan, né un 23 novembre il y a 90 ans, représente une impérieuse nécessité. En mémoire des tragédies du XXe siècle, dont le poète fut le témoin et la victime. Comme acte de révolte aussi, face aux barbaries qui s’installent sous nos yeux.
Dans la tradition juive, l’être humain se définit par ses relations avec les autres, une vie se mesurant ainsi à l’aune d’une autre vie. Paul Celan a remplacé le vide que les absents assassinés ont laissé par des poèmes écrits au sang noir. Puis, il s’est noyé dans son époque : il se donne la mort à Paris, en se jetant dans la Seine, le 20 avril 1970. La nôtre, d'époque, peut se retrouver dans Celan.
L’oeuvre de Celan – majeure s’il en est – demeure une leçon de dignité autant que d’esthétique, tant il est vrai qu’il existe une éthique de l’esthétique.

Jean-Michel Théaux


Paul Celan (1920-1970)
Dans la vie, il était très aimable, avec un air mélancolique, l’air d’un homme qui se sait «de passage», avec cela d’une grande discrétion. Il enseigna l’art de la traduction de l’allemand, à l’École normale supérieure, de 1959 à 1970.
Né roumain et juif, à Czernowitz, dans la région de la Bucovine, Paul Antschel, ou Ancel selon la notation roumaine (qu’il «retourna» pour former son nom français, Celan) écrivait et parlait parfaitement le français. Cependant, il choisit délibérément, comme une sorte de défi nécessaire, de produire son œuvre poétique dans la langue allemande, celle des nazis, bourreaux de sa famille, des Juifs et des peuples d’Europe. Sa poésie, parfois énigmatique, serait-elle un effort considérable pour extraire du néant, pour renommer individuellement celles et ceux qui périrent en masse ?
«[…] je tiens à vous dire combien il est difficile pour un Juif d'écrire des poèmes en langue allemande. Quand mes poèmes paraîtront, ils aboutiront bien aussi en Allemagne et - permettez-moi d'évoquer cette chose terrible -, la main qui ouvrira mon livre aura peut-être serré la main de celui qui fut l'assassin de ma mère […] Et pire encore pourrait arriver […] Pourtant mon destin est celui-ci : d'avoir à écrire des poèmes en Allemand.» (1946).
On ne sait de quel pont il se jeta dans la Seine, pour s’y noyer ; il nous plaît d’imaginer que, dans sa profonde détresse, il choisit le pont Mirabeau, sous lequel
«Ni temps passé
Ni les Amours reviennent
»
(Guillaume Apollinaire)

Quelques œuvres
La Rose de personne, traduction Martine Broda, José Corti, 2002
Pavot et mémoire, trad. Valérie Briet, Bourgois, « Détroits », 2001
Enclos du temps, trad. Martine Broda, Paris, Clivages, 1985
Poèmes, traduction André du Bouchet, Mercure de France, 1978, 1986.
Choix de poèmes, avec un dossier inédit de traductions revues par Paul Celan, textes réunis par Paul Celan, traduits et présentés par Jean-Pierre Lefebvre, Poésie/Gallimard, 1998
Paul Celan-Nelly Sachs, Correspondance, traduite par Mireille Gansel, Belin, L’extrême contemporain, 1999
Paul Celan / Gisèle Celan-Lestrange, Correspondance, éditée et commentée par Bertrand Badiou avec le concours d’Éric Celan, Le Seuil, La librairie du XXIe siècle, 2001.

Photographie, portrait de Paul Celan, DR

mardi 23 novembre 2010

Près du corps

Dans son cuir noir moulant, comme une greffe de nuit sur un corps fluide et musclé, Elvis revient, en 1969, après une dépression, et quelques films en forme de navets. Sa voix est intacte, sonore, métallique, souple. Il est près de ses racines, le blues, près des musiciens qui le suivent depuis toujours. Il ne retrouvera jamais plus une telle intensité, une telle aisance, un tel bonheur dans l'interprétation. Il est jeune et sauvage pour la dernière fois.
Amusé de lui-même, généreux, gai, terriblement et naïvement «sexe». Il est la beauté américaine au sang mêlé, l'indien des plaines avec quelque chose du Tennessee…

lundi 22 novembre 2010

Visites guidées

Votre attention !
On m'a signalé récemment un curieux endroit, un blogue, apparemment tenue par une femme, sans doute très jeune. L'ambiance y est étrange, voire déraisonnable, d'une écriture fluide et complexe, et parfois compliquée. Le sens des choses en est souvent caché, dissimulé et pourtant présent, comme dans une devinette. Il y là le charme un peu vénéneux d'une comptine très ancienne. En voici l'adresse : http://raiponces.wordpress.com/page/2/ ; vous me direz ce que vous en pensez. Si cela vous convient, je la placerai dans nos références.
Je voulais aussi vous dire que le blogue nommé ci-contre stellobackstage a disparu. La très impertinente et très singulière personne qui le tenait naguère, s'exprime désormais à l'enseigne, malicieuse, Traveler Famine Party (http://www.traveller-famine-party.net/). C'est catho-tradi et, dans le même temps, d'une acidité ultramoderne. Les silhouettes y sont découpées par des ciseaux cruels et désenchantés. Je dis catho-tradi, mais c'est quelque peu simplificateur. Pour être au plus près de ce que j'en pense, je devrais plutôt évoquer la notion de foi comme de la chaux vive, ou comme de l'acide, le perchlorure, dont on use pour la gravure. Ce dernier creuse là où l'on n'a pas déposé de vernis protecteur. Il brûle l'excédent de matière, pour libérer la forme définitive.
Ce sont deux voix originales.
La variété des êtres et des esprits rend plus opaque encore l'énigme du monde…

dimanche 21 novembre 2010

Taille mannequin

En 2002, une jeune femme, ex mannequin, présentait son premier disque, dans lequel elle reprenait une chanson rare de Serge Gainsbourg, La noyée, et livrait des mélodies et des textes de sa composition. Je me eappelle sa voix, entendue pour la première fois, un matin, sa voix d'italienne, voilée, avec un fond de râpe légère. Le soir, je l'écoutais en boucle. J'en fais aujourd'hui la confession : la chanteuse Carla Bruni m'enchante.
Que dites-vous de cette Chanson triste?

Félicité française 2

À quelle autre chipie Francis Poulenc pouvait-il destiner sa superbe mélodie ? Yvonne Printemps : des braise rouges sur des épines.



D'un compositeur à un recompositeur, de Francis Poulenc à Jacky Terrasson, et toujours Le chemin qui mène à la mer et n'en finit pas de nous émerveiller.

Félicité française 1

D'une part, la duchesse d’Andinet-d’Andaine en compagnie d'Amanda, jeune modiste à son service, et copie conforme, au physique, d'une certaine Léocadia, diva morte tragiquement ; d'autre part, le neveu de d'Andinet-d'Andaine, le prince Troubiscoï, amoureux fou de Léocadia, inconsolable.
La pièce Léocadia, c'est une «féerie pour une autre fois», un conte de la période rose de Jean Anouilh, paradoxalement créé en 1940, avec Yvonne Printemps dans le rôle d'Amanda, et Pierre Fresnay dans celui du prince.
Pardon ? Oui, je sais, c'est désuet, mais j'aime beaucoup Anouilh tout de même, en particulier sa période «rosse», et la mélodie de Francis Poulenc, «saint et voyou», est exquise.

Les chemins qui montent à la mer ont gardé de notre passage
Des fleurs effeuillées et l'écho, sous leurs arbres, de nos deux rires clairs.
Hélas ! Des jours de bonheur radieux, de joies envolées,
Je vais sans retrouver trace dans mon cœur.

Chemins de mon amour, je vous cherche toujours,
Chemins perdus vous n'êtes plus, et vos échos sont sourds.
Chemins du désespoir, chemins du souvenir, chemins du premier jour
Divins chemins d'amour.

Si je dois l'oublier un jour, la vie effaçant toutes choses,
Je veux qu'en mon cœur un souvenir repose, plus fort que notre amour,
Le souvenir du chemin, où, tremblante et toute éperdue,
Un jour, j'ai senti sur moi brûler tes mains.

Chemins de mon amour, je vous cherche toujours,
Chemins perdus vous n'êtes plus, et vos échos sont sourds.
Chemins du désespoir, chemins du souvenir, chemins du premier jour,
Divins chemins d'amour.


Felicity Lott, lady anglaise de tempérament français : elle dit la mélodie, sans effet. Elle est parfaite !

samedi 20 novembre 2010

Melville, nuit noire

Melville avait une conception très graphique de ses personnages, et voulait absolument que les comédiens qu'il avait choisis, se conformassent à sa vision. Ainsi, Delon dans Le cercle rouge et dans Le Samouraï, subit-il une métamorphose, qui tend à le faire paraître presque minéral. En l'obligeant à une exceptionnelle économie d'apparence, Melville mêle Delon à son univers, le fond entièrement dans la création qu'il organise.
On dit aussi qu'il se montrait parfois glaçant avec l'un ou l'autre. Pendant quelques jours, il ne s'adressa pas directement à Lino Ventura, qu'il avait pourtant choisi pour incarner le héros de L'armée des ombres. Il se tournait vers son assistant ; «Dites à M. Ventura qu'il se place ici ! ».

Pas de deux



C'est à l'hôtel Saint-James & Albany, sous les arcades de la rue de Rivoli, que Serge Lifar, de passage à Paris, m'avait donné rendez-vous, un matin de 1983. Il me fit un récit extraordinaire, en particulier de sa vie, comme directeur de l'Opéra, sous l'Occupation. Puis, il m'expliqua, par un dessin, un mouvement de danse qu'il avait imaginé. Soudain, il signa ce précieux croquis et me le tendit, sans rien ajouter. Je vous parlerai de tout cela prochainement.



Photographies PM

dimanche 14 novembre 2010

Henri fait l'ouverture

Pour accueillir un nouveau venu, Jean-Jacques, il m'a semblé qu'une bonne petite chanson du tendre et rare Henri Tachan conviendrait.

samedi 13 novembre 2010

Dernière chance






















La dernière fois que nous la vîmes sur scène, elle ne nous convainquit pas : trop d'affectation, une représentation figée, glacée. Mais notre attirance pour la langue allemande et pour le cabaret berlinois de la grande époque est telle que nous irons la «spectater» en février. Cependant, nous ne lui passerons rien !

Photographie PM



Cadeaux : quelques trésors glanés ici et là





vendredi 12 novembre 2010

Détournement majeur

Lorsqu'il est arrivé ici, Mr PM m'a envoyé une adresse, où l'on voit un joyeux luron détourner avec talent une affiche publicitaire. Il se nomme Bertrand Louis. Si sa technique me semble encore mystérieuse, je lui trouve une vraie originalité, et une belle audace.
Pour les amateurs, je crois reconnaître dans le modèle situé à droite de l'affiche, Stella Tennant, de la noble famille écossaise des Devonshire. Un jour, je vous parlerai d'un homme qui n'aura cessé de me plaire comme de m'étonner : Cecil Beaton.

jeudi 11 novembre 2010

Roucoudouleur

Vous aviez entendu La carretera (Tous les garçons s'appellent Patrick: On prend la route), une sorte de lamento errant, une mélancolie paysagère le long d'une voie fameuse.
Voici La carretera 2, beaucoup plus sombre. Un homme éperdu cherche dans la nuit profonde une ombre qui le fuit toujours. On se moque beaucoup de ce roucouleur pour midinettes et pour mémères-botox peroxydées. Mais il ne susurre pas seulement des niaiseries, il murmure savamment à l'oreille de tous la grande douleur sentimentale. Il désigne la blessure d'origine, qui ne guérit jamais. Et, quand il le fait dans sa langue d'origine, l'espagnol, il donne à la sentimentalité une certaine dureté minérale.



Ya dejé la carretera
voy entrando a la ciudad
Y la lluvia continua
Y mi duda aumenta más.
La ciudad está desierta
Veo sombras nada más
Noche triste, noche larga
Y en el alma soledad.
Tengo ganas de encontrarte
tengo miedo de llegar
de que tengas otra vida
de que no me quieras más.
Los semáforos me aturden
de frenar y acelerar
Y esa angustia que me mata
que me va a descerebrar.
En la puerta de tu casa
alguien me dice que no estás
que te has ido y que no has vuelto
y que no te han visto más.
Tengo celos que me hieren
que no puedo controlar
y la rabia de quererte
de manera irracional.
Quiero correr
Quiero saber de ti
Si estás pensando en mí
Otra vez en la carretera
la terrible soledad
El hablar con el silencio
No tener con quien hablar.
Otra vez la taquicardia
Otra vez mi enfermedad
La locura de buscarte
cuando sé que me hace mal.
Esas ganas de estrellarme
de correr, de acelerar
Y esa línea tan estrecha
que separa el más allá.
Otra vez la carretera
Otra vez la soledad
La locura de buscarte
Otra vez mi enfermedad







Photographies PM

dimanche 7 novembre 2010

Pour saluer Mr PM

Mr PM est venu se joindre à nous, et cela nous fait grand plaisir. Pour l'accueillir, nous lui offrons la lecture d'une lettre de Hunter S. Thompson, journaliste, écrivain, créateur du mouvement dit gonzo, à son ami, l'illustrateur Ralph Steadman. Ce dernier a donné un style graphique aux années soixante et soixante-dix. Doué d'une grande culture et d'une folle énergie créatrice, doublée d'un sens très anglais du merveilleux, Steadman a sa place parmi les grands. Je possède, de lui, I Leonardo, dédicacé, mais ne parviens pas à mettre la main sur ce chef d'œuvre !

Ralph Steadman, donc, s'inquiète sérieusement pour son fils, lequel paraît dériver vers les techniques et produits hallucinatoires. Ami attentif et dévoué, mas toujours sérieusement gonzo, Hunter S. Thompson se fend d'une réponse puissante, quelque chose de sérieux. C'est à la fois hilarant et redoutable.
Du journalisme et des journaliste, il disait ceci : « Journalism is not a profession or a trade. It is a cheap catch-all for fuckoffs and misfits – a false doorway to the backside of life, a filthy piss-ridden little hole nailed off by the building inspector, but just deep enough for a wino to curl up from the sidewalk and masturbate like a chimp in a zoo-cage […]», ce que l'on pourrait traduire ainsi : «Le journalisme n'est pas une profession, ni un métier. C'est un attrape-couillon à deux balles pour branleurs et autres ratés, un leurre qui prétend révéler ce qui se cache derrière les apparences, un trou d'évacuation dégueulasse, rongé par la pisse et condamné par les services de l'hygiène, mais tout de même assez profond pour qu'un poivrot s'y blotisse, et s'y livre à la masturbation, tel un chimpanzé dans sa cage.» (Toute meilleure traduction est bienvenue).

Hunter S. Thompson a fini par se loger une balle dans la tête, en 2005. C'était un type bien ; désespéré, mais vraiment bien, un ami fidèle, et un véritable éducateur…
Goûtez ce pur moment de plaisir cruel : de la limaille de fer dans une plume d'oie. Un délice !

»Cher Ralph,

J'ai reçu ta tragique missive sur ton féroce sniffeur de colle de fils et je l'ai lue en prenant mon petit déjeuner à 4h30 du matin dans un fast-food Waffle House en bordure de Mobile Bay [...]. Et j'en suis venu à cette conclusion : envoie le petit enfoiré cinglé en Australie. On peut lui trouver un boulot de gardien de moutons quelque part au fin fond de la cambrousse, et cela le remettra dans le droit chemin à coup sûr ; ou du moins ça le tiendra occupé. L'Angleterre n'est pas l'endroit qu'il faut pour un gamin qui veut briser des vitres. Car il a raison, bien sûr. Il devrait le faire. Quiconque grandit aujourd'hui en Angleterre sans un profond besoin de fracasser des fenêtres est sans doute trop bête pour qu'on lui vienne en aide.
[ ... ] Mon propre fils, Dieu merci, est un garçon calme et rationnel qui en ce moment même remplit ses demandes d'inscription à Yale, Tufts, Bennington et autres établissements élitistes de la côte Est... et ce qu'il m'a coûté jusqu'à présent, c'est une ponction diabolique d'une dizaine de milliers de dollars par an, rien que pour le tenir à l'écart de la rue et loin de ces fichues fenêtres...
Combien coûtent-elles vraiment, Ralph? Quand je les fracassais, elles étaient à 55 dollars pièce - même celles du genre grande baie vitrée mais aujourd'hui elles sont sans doute dans les 300 dollars. Ce qui est bon marché, quand on y réfléchit. Un gamin féroce avec un bon bras pourrait bousiller une trentaine de baies vitrées par an et ça te coûterait toujours moins de 10.000 dollars l'année. Est-ce exact? Mes chiffres sont- ils corrects? Oui. En effet. Si Juan fracassait 30 grandes fenêtres par an, j'économiserais encore 1000 dollars.
Alors, envoie-moi le gamin, Ralph - en même temps qu'un chèque certifié de 10.000 dollars -, et je le transformerai en machine à profit ambulante. Vraiment! Envoie-moi tous les petits salauds de rosbifs que tu pourras rassembler. On peut faire du business en ce domaine. Balanceles simplement ici par Airbus avec un chèque de 10.000 dollars pour chacun, et après ça tu pourras te remettre la conscience tranquille à ton boulot dégueulasse et destructeur.
Le Premier ministre est bel et bien une truie dénaturée, Ralph, et tu devrais bel et bien cogner dessus comme sur un gong. Dessine d'horribles caricatures de la garce, et vends- les pour beaucoup de dollars au «Times» et à «Private Eye»... mais ne viens pas pleurnicher quand ton propre fils se met dans la tête de briser des fenêtres.

As-tu jamais lancé une brique à travers une grande baie vitrée, Ralph? Ça fait un fichu bruit merveilleux, et les gens à l'intérieur courent comme des rats dans un incendie dévastateur. C'est amusant, Ralph, et, quel que soit le prix, c'est donné. Que crois-tu que nous ayons fait pendant toutes ces années? Crois-tu qu'on te payait pour ton fichu art débile? Non, Ralph. On te payait pour bousiller les fenêtres. Et c'est un art en soi. L'astuce, c'est d'être payé pour ça.

Comment? Allô? Ralph, tu es toujours là? Espèce de fumier hypocrite et larmoyant. Si ton fils avait tes instincts, il tirerait sur le Premier ministre, au lieu de simplement fracasser les fenêtres. Es-tu prêt à ça? Que vas-tu ressentir quand tu te réveilleras un de ces matins et allumeras la télé à Old Loose Court juste à temps pour capter un bulletin d'information t'apprenant que le Premier ministre vient de se faire tirer dans le gésier à Piccadilly Circus... puis un quelconque petit malin de la BBC arrive avec des images exclusives du sale fêlé qui a fait le coup, et il se révèle que c'est ton propre fils?
Pense bien à ça, Ralph, et ne viens plus m'ennuyer avec tes petits problèmes. Envoie-moi simplement le gamin. [ ... ] Les enfants sont comme les postes de télé ; quand ils commencent à déconner, on les baffe entre les deux yeux avec une chaussure de basket en caoutchouc. [ ... ] Je crois que tu sais ce que je veux dire. C'est ce qui arrive quand le fils d'un célèbre artiste anglais apparaît à la télé avec un fusil d'assaut dans les mains et le corps encore pantelant du Premier ministre à ses pieds... Tu ne peux même pas échapper à ça, Ralph - et encore moins te cacher, alors si tu penses que c'est vraiment une possibilité, tout ce que je peux te conseiller, c'est de faire provision de whisky et de codéine. Ca te maintiendra suffisamment à la masse pour encaisser le choc quand ce petit freak rendu fou par la colle, aux propos incohérents, commettra finalement l'acte...
La publicité qui s'ensuivra sera un cauchemar. Mais ne t'inquiète pas - tes amis seront derrière toi. Je prendrai à Denver un de ces vols passant par le pôle et serai là huit heures après que ce soit arrivé. Nous tiendrons une méga-conférence de presse dans le lobby du Brown's Hotel. Ne dis rien jusqu'à ce que j'arrive. Ne revendique même pas de lien de parenté avec le gamin. Ne dis rien. Je parlerai à la presse - ce qui, après tout, est mon métier.

Ton copain»

(Traduit de l'américain par Jean-Paul Mourlon)
 ©Hunter S. Thompson Estate


Et ce petit film, où l'on voit Ralph Steadman, imitant son copain Hunter S., fameux entre tous :

samedi 6 novembre 2010

L'heure de Paris

Pour saluer Pascal Sevran, qui aimait la chanson et la servit avec talent, sans œillères, et pour rendre hommage à une artiste rare, Béatrice Arnac, qui interprète Tableau de Paris 5 h du matin, du chansonnier et boulevardier Marc-Antoine Desaugiers (1772-1827). On dit que Jacques Lanzman connaissait bien le texte de ce long poème, qui se conclut ainsi :

Ah ! Quelle cohue !
Ma tête est perdue ;
Moulue et fendue ;
Où donc me cacher ?
Jamais mon oreille,
N’eut frayeur pareille...
Tout Paris s’éveille...
Allons nous coucher
.
{…)

La musique est ouvertement inspirée d'une contredanse, extraite du ballet baptisé La Rosière, de Maximilien-Léopold-Philippe-Joseph Gardel (1741-1787)




Photographie PM

vendredi 5 novembre 2010

Une mère, on n'en a qu'une…






Photographie PM

Le tremblant des vitrines

































































Kate me méprise, on le sait ; pourtant je lui fais une cour assidue, je me prosterne, je m'avilis devant elle. Rien n'y fait : le nez plus poudré qu'une marquise sous la Régence, elle m'éloigne d'un regard cruel ou d'un dangereux escarpin.
Et cette pauvre petite fille riche, que Karl Lagerfeld a abandonnée sur une banquise, que ne m'adresse-t-elle un geste, je percerai la vitre d'un jet de pavé, afin de la libérer de son univers de givre.

Petite givrée presque nue, éloignée des dorures,
Maigre Vénus en fourrure
Qu'un aigre Feldmarschall en fureur
A livré aux folies d'un fourreur,
Tes fesses arrondies sur la banquise
En deviendront-elles plus exquises ?

Mais je lui parle en vain ! Elle m'ignore, telle Kate !
J'ai froid, je tremble, et tout mon appareil aussi…

Photographie PM

mercredi 3 novembre 2010

Sans perdre le fil…

Et je cousais est un poème intitulé Chanson, de Marie Noël, oubliée aujourd'hui, sauf, crois-je me souvenir, de notre chère Corinne.
Un homme entre dans la pièce où se trouve une femme qui coud. Elle paraît être toute à son ouvrage, pourtant cette intrusion masculine la trouble infiniment. Tout est dit, mais avec une économie sentimentale dont on a perdu le secret.
Catherine Sauvage, que je vis dans plusieurs salles, nous enchante.

vendredi 29 octobre 2010

Vue de dos

Je ne me lasse pas. Depuis le temps que je tente de capter son attention, de me faire remarquer de cette icône glacée, elle ne m'a même pas accordé un regard. Je la suis sur les murs de Paris, dans les abribus, dans les boutiques (Tous ici ) … Elle m'ignore. Pire encore, aujourd'hui, elle m'a tourné le dos. On dirait qu'elle a inversé les rôles : elle est dehors, je suis à l'intérieur : un petit vieux dans la vitrine…
Julio Iglesias a fort bien parlé de mon tourment…